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Pourquoi le Maroc parle de régionalisation

Peter Van Valsum, l’ancien envoyé personnel du Secrétaire Général des Nations Unies avait laissé tomber l’équivalent d’une bombe nucléaire sur la légalité internationale. Il a voulu réduire à néant le principe sacré de l’autodétermination. Cela n’a pas eu grand éch à cause du black-out médiatique imposé sur ce conflit de 35 ans.
Même si sa démarche était clairement en désaccord avec la Charte et la neutralité des fonctionnaires de l’ONU, et même s’il reconnaît que la légalité se trouve du côté du Front Polisario, sa logique de realpolitik est tout à fait ridicule.
Peu de temps avant la réunion du Conseil de Sécurité du 31 avril 2008, Van Walsum, dont on suppose que la crédibilité repose sur son impartialité, a dit qu’un Sahara Occidental indépendant n’était pas une proposition réaliste. Il ne pense pas que le Sahara Occidental n’a pas de droit à l’indépendance ou qu’il constituerait un état non viable ou que les revendications marocaines sont justes. Non, Van Walsum avait un autre argument dans sa tête. Il a simplement constaté qu’il n’y a “aucune pression sur le Maroc pour qu’il abandonne sa revendication de souveraineté sur le territoire”.
En tant qu’ancienne colonie de l’Espagne et territoire reconnu par l’ONU non-autonome, le peuple sahraoui doit pouvoir se prononcer sur son destin. Le Sahara Occidental, se trouve occupé, depuis 1975, par le Maroc, un allié loyal de la France et des États-Unis -on pourrait dire trop flexible, extrêmement prêt à céder ou pathétiquement docile-. Et puisque la France et les EU tiennent les clés de la MINURSO et de n’importe quelle diplomatie coercitive de l’ONU, le Maroc a eu carte blanche au Sahara Occidental, pour piller et coloniser la dernière colonie d’Afrique donnant lieu à l’expansion territoriale la plus agressive et incontrôlée des derniers temps.
Suite au lancement de la bombe R (réalisme) de Van Walsum, la France et l’administration de Bush ont chargé à plein feu pour incruster une résolution pro-marocaine dans la gorge du Conseil de Sécurité. Le point crucial de l’affaire était si en effet le terme réalisme (c’est-à-dire, la reddition à l’hégémonie américano-française avant la loi) devrait être subtilisé par l’option de statut finale d’indépendance. Avec l’aide de l’Afrique du Sud, un allié crucial des Sahraouis tenant la Présidence du Conseil, cet assaut a été un peu repoussé et le terme réalisme a été apposé au processus de négociations au lieu d’effacer l’option d’indépendance.
Du point de vue marocain, l’autonomie est un compromis, un pas en arrière et quelque chose de risqué. En effet, le régime marocain voit l’autonomie comme un risque étant donnée la croissance des revendications amazighs dans le Rif et les régions du Draa et il y a quelques partis qui soutiennent l’autonomie au Sahara Occidental parce qu’ils espèrent que cela ouvrira une brèche dans le système du Makhzen qui donne le feu vert à une vraie réforme politique. C’est la raison pour laquelle certaines voix au Maroc ont demandé l’application unilatérale du projet d’autonomie. Si le Maroc était sérieux sur l’autonomie et voulait saper le soutien du Polisario, la meilleur chose qu’il aurait pu faire c’était mettre en œuvre le plan d’autonomie le plus vite possible. Mais cela s’avère impossible à cause de plusieurs facteurs :
– L’absence d’encouragement pour Rabat pour mettre en oeuvre cette autonomie à moins que la France et les EU ne se décident à faire le pas spectaculaire de reconnaître la souveraineté marocaine sur le territoire. Ainsi pour que le Maroc accepte d’appliquer l’autonomie, il doit recevoir une récompense importante pour un tel compromis. Mais, apparemment, ses alliés ne sont prêts à faire ce pas. L’argument le plus probable que la France et les Etats-Unis auraient donné au Maroc est qu’une autonomie imposée n’aurait pas un consensus au sein du Conseil de Sécurité, ne serait pas bien accueille au sein de l’ONU et ne laisserait au Polisario comme choix que le retour à la guerre.
– Le roi Mohamed VI sait que le projet d’autonomie deviendra un choix politique de l’Etat marocain et ne concernera pas uniquement le Sahara Occidental, ce qui veut dire un consentement à l’avance d’une limitation considérable de ses pouvoirs et au renforcement des rôles des autres intervenants.
– Les militaires marocains, l’élite, et la monarchie étaient occupés, joyeusement, à piller les abondantes ressources du Sahara Occidental pendant plus de trente-quatre ans et ils ne sont pas disposés à abandonner cette manne intarissable. Il est tout simplement inimaginable que le gouvernement marocain laisse tomber ce qui constitue la clé de son rêve d’hégémonie dans la région.
Ainsi le projet d’autonomie est mort-né. Les autorités marocaines, après avoir constaté que Christopher Ross et la communauté internationale ne lâchent pas la voie de l’autodétermination, ont décidé de présenter quelque chose au peuple marocain pour cacher leur échec dans cette entreprise pour laquelle ils ont tout donné. Cette chose s’appelle régionalisation, mais, selon les termes utilisés par le monarque, elle sera maroco-marocaine, ce qui veut dire que le roi et le gouvernement central garderont leurs prérogatives et ne laisseront que des miettes à la gestion régionale et locale.

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