Médi 1, le rabat-joie des Algériens durant la décennie noire

Lancée en 1980 par le Roi Hassan II, Radio méditerranée internationale, Médi 1 pour les intimes, s’intéressait beaucoup, les premières années, à l’Algérie. Sans verser entièrement dans la diffamation, les responsables de la radio franco-marocaine passaient tout de même des informations qui dérangeaient le pouvoir algérien de l’époque, reconnaît la rédactrice en chef adjointe, Marysette Aït Ali, qui a fait ses premières armes à la radio tangéroise et ne l’a plus quittée.

Installée sur les hauteurs de Tanger, Médi 1 a fait appel à un ancien parachutiste français pendant la guerre d’Algérie, du nom de Pierre Casalta, un transfuge de Radio Monte-Carlo (RMC), pour la diriger. Véritable oreille attentive du Palais royal, la radio d’envergure internationale, chouchoutée à cette époque par le pouvoir, constituait pour Hassan II un levier médiatique pour contrecarrer l’offensive algérienne, cinq années après que le Maroc a entamé sa fameuse marche verte. Plus qu’à travers l’info, c’est par sa publicité que la radio joue un véritable rôle de poil à gratter, de l’autre côté de la frontière orientale. “Le pays connaissait une véritable pénurie et les réclames montraient, au contraire, que le Maroc entrait de plain-pied dans une ère de consommation de masse. Cela mettait les autorités algériennes dans l’embarras”, poursuit la journaliste. En 1981, la radio passe à la FM, puis en 1982 aux longues ondes, avec un émetteur géant installé à Nador. Plus question de rester focalisé sur Alger. Les programmes de Médi 1 couvrent désormais la totalité du Maroc et de l’Algérie mais aussi la Tunisie, la Libye, la Mauritanie, le sud de la France. “On était forcément obligés d’élargir les informations que l’on passait pour séduire tous ces auditeurs”, explique Daniel Ferin, l’ancien rédacteur en chef de RMC. 

La radio garde quand même sa réputation de rabat-joie pour les Algériens pendant la guerre civile dans les années 1990, en passant systématiquement tous les communiqués du GIA (groupe islamique armé) qui l’avait choisie pour envoyer ses revendications. 

Entourée d’une saga d’écrivains réputées, comme Jean Robert Cherfis, Patrice Zehr et Daniel Ferin, Médi 1 s’est lancée dans une véritable opération commando pour se faire une place dans le paysage médiatique maghrébin. 

Emise en deux langues, l’arabe et le français, Médi 1 commence à séduire et à évincer les radios locales par son ton nouveau, le dynamisme de ses jingles mais aussi par ses informations de qualité. A cette époque, les gens rencontrés dans les cafés ou dans les rues, branchés à cette radio libre, atypique, n’arrêtaient pas de commenter ses informations. 

Son aura a gagné dans le monde arabe, le jour où elle innove également sur un plan sémantique et se fait particulièrement remarquer pendant la guerre du Liban, quand Israël envahit le sud du pays en 1982. La radio a été la première à parler de l’Etat israélien au lieu de l’Etat sioniste”, se souvient Pierre Casalta. Cette posture, inhabituelle à l’époque au Maghreb, vaudra à la radio et à ses journalistes de se faire sérieusement allumer par la presse arabe. Mais leur fera gagner, tout de même, des lettres de noblesse internationales. Médi 1 a fait évoluer le langage et permis par la suite l’émergence de nouveaux moyens d’expression. Cela a ouvert des portes et fenêtres pour la mise sur orbite des espaces de liberté, dans un paysage médiatique et politique très verrouillé à l’époque. Sans toutefois aller au-delà des lignes rouges tracées par le Roi, notamment sur des questions de politique intérieure ou sur le dossier hautement sensible du Sahara occidental. C’était l’accord tacite passé entre le Makhzen et Radio Méditerranée internationale pour continuer à exister.

Abed Tilioua

La Voix de l’Oranie, 7/7/2009
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