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Maroc: La situation des droits de l’homme connaît une grave dérive

Sept membres dirigeants du mouvement Al Adl Wal Ihssan (Justice et Bienfaisance), une organisation autorisée par la loi, ont fait l’objet au mois de juin 2010 d’arrestations arbitraires et ont subi de graves tortures. Ils sont depuis détenus à la prison de Fès en attente de leur procès.

Alkarama a saisi le Rapporteur spécial des Nations unies contre la torture de leur situation en le priant d’intervenir auprès des autorités marocaines afin qu’elles procèdent à une enquête exhaustive et impartiale sur les faits de torture clairement établis.

Il s’agit de :

1- Mohamed Slimani TLEMCANI, âgé de 51 ans, professeur universitaire à l’Ecole Normale Supérieure, demeurant à Fès. 

2- Abdallah BELLA, Professeur d’enseignement secondaire, âgé de 45 ans, demeurant à Fès.

3- Hicham Didi HOUARI, âgé de 31 ans, fonctionnaire à la délégation du Ministère de l’Aménagement, demeurant à Fès.

4- Hicham SABBAH, Officier d’Etat Civil, âgé de 41 ans, demeurant à Fès.

5- Azeddine SLIMANI, Professeur agrégé, âgé de 31 ans, demeurant à Fès.

6- Bouali MNAOUER, Docteur en pharmacie, âgé de 40 ans, demeurant à Fès.

7- Tarik MAHLA, enseignant à l’Institut Sanitaire, âgé de 33 ans, demeurant à Fès.



Tous ont été arrêtés, lundi 28 juin 2010 vers 04heures 30 du matin, à leurs domiciles respectifs à Fès, par les services de la police judiciaire de Casablanca qui ont procédé à des perquisitions, en dehors des heures légales.

Leurs arrestations ont eu lieu sans mandat de justice et sans que les motifs ne leurs soient notifiés. Dans tous les cas rapportés, les agents de la brigade nationale de la police judiciaire (BNPJ), qui se trouvaient dans un état de surexcitation extrême, ont fait preuve d’une grande violence. 

Les membres de la police judiciaire ont notamment fracturé les portes des domiciles à l’aide de barres de fer sans même laisser aux occupants le temps d’ouvrir. Ils ont usé d’une extrême brutalité non seulement à l’égard des personnes arrêtées mais également des membres de leurs familles – y compris les femmes et les enfants – qu’ils ont réveillés de leur sommeil, insultés et menacés de leurs armes et menacés de viol.

Ils ont également procédé à la fouille systématique des lieux toujours sans mandat de justice et en saccageant les effets personnels et le mobilier. Ils ont confisqués tous les ordinateurs personnels, téléphones portables, caméras, appareils photos, divers documents et livres appartenant aux personnes arrêtées et aux membres de leur famille.

Les victimes ont ensuite été menottées et leurs yeux bandés devant leurs familles, y compris leurs enfants, sous les coups, les injures et les menaces de mort avant d’être embarquées dans des véhicules et emmenées vers une destination inconnue des familles qui s’est révélée être le siège de la police judicaire de la ville de Casablanca distante de près de 300 kilomètres.

Privés de tout contact avec le monde extérieur, ils ont subis les pires tortures physiques et mentales pendant trois jours sans interruption.

Ils ont notamment été battus sur toutes les parties de leurs corps à l’aide de bâtons et de gourdins, suspendus, violés à l’aide de divers objets pour certains d’entre eux et menacés de l’être pour les autres.

Déshabillés entièrement, ils ont été soumis à toutes sortes de tortures et de traitements cruels inhumains et dégradants et notamment à la torture du chiffon et ont subis des décharges électriques y compris sur leurs parties sexuelles.

Ils ont ensuite été contraints sous les coups et les menaces de mort de signer, les yeux bandés, des procès verbaux qu’ils n’ont pas été autorisés à lire et dont ils ignoraient le contenu.

En dépit des précautions prises par les tortionnaires pour ne pas laisser de traces, ils portaient des marques visibles et évidentes de tortures au moment de leur première comparution devant un magistrat à Fès où ils ont été ramenés le 1er juillet 2010.

Ils ont été accusés d’avoir enlevé et torturé un avocat, ancien membre de leur organisation, qui aurait déposé, plus d’un mois après les faits allégués, une plainte pénale contre eux ; Ils ont néanmoins été poursuivis suivant la procédure de flagrant délit et inculpés d’ « appartenance à une organisation non autorisée », d’ «association de malfaiteurs », de « torture » et d’ »enlèvement et détention d’une personne ».

Les victimes ont sollicité le juge d’instruction afin qu’il désigne un expert médical pour constater les tortures, ce qu’il n’a concédé que 12 jours plus tard, afin que les traces de tortures disparaissent ou soient atténuées. Le résultat de cet examen médical n’a pas été divulgué à ce jour.

En dépit de l’absence de preuves et des déclarations unanimes des prévenus dès leur première comparution, le juge d’instruction commis a décidé d’accorder foi aux procès verbaux établis par la police judiciaire pour les inculper et les placer en détention provisoire à la prison de Fès.

Depuis leur incarcération, ils continuent à souffrir des séquelles des tortures subies et des blessures qui en ont résulté. Ils restent à ce jour privés d’un suivi médical adéquat et de médicaments. En particulier M. Mohamed Slimani TLEMCANI qui souffre d’une grave affection cardiaque, M. Abdallah BELLA qui est atteint de diabète.

Une audience d’instruction a eu lieu le 24 août au cours de laquelle, la prétendue victime des violences attribuées aux sept inculpés a été entendue, curieusement, en qualité de témoin. Il n’y a pas eu de confrontation entre celle-ci et les accusés et l’instruction a été renvoyée au 31 août 2010.

Les dernières vagues d’arrestations et de disparitions de ces derniers mois et la gravité des tortures subies par des membres dirigeants d’une organisation reconnue constituent un grave tournant dans la situation des droits de l’homme, qui s’était notablement améliorée à l’avènement de Mohamed VI, et replonge le pays dans son passé.

Source : Al Karama, 56/9/2010
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