Camps de réfugiés sahraouis : la tragédie diplomatique a trop duré

A plus de 35 degrés, perfusion de thé sucré pour tenir le choc de la réalité politique qui détermine le quotidien sahraoui, les coulisses diplomatiques qui conditionnent leur attente absurde, entre cinéma et cour de relations internationales.

A Dakhla, on ne compte que l’essentiel. Les bombonnes de gaz et les sacs de farine envoyés par les ONG étrangères ou le Haut Commissariat des Réfugiés (HCR), le nombre d’années passées en exil, depuis que le Maroc s’est emparé de ce qui était encore le Sahara Espagnol et qui est devenu les “territoires occupés” pour les Sahraouis. 35 ans.
Là-bas, on compte le nombre de jours de grève de la faim des prisonniers politiques, sanctionnés pour avoir installé un camp pacifique de 6 000 khaimas (tentes) à côté d’El Ayoune. Pour le reste, on partage sans compter turpitudes et bonne humeur.
Les fonctionnaires ne comptent pas sur leur salaire, 30 euros par mois, les jeunes époux ne comptent pas les dépenses du mariage, 4 000 euros pour Salek Alamin Baha, fondateur des Brigades volontaires Nayem el Garhi qui proposent des activités extra-scolaires aux jeunes. On ne compte pas non plus les années loin du pays, Cuba, Algérie, Libye, seul moyen de suivre des études supérieures.

Les festivaliers ne comptent pas les gestes d’hospitalité des familles qui les accueillent dans leurs khaimas plus ou moins garnies, ni les instants de prise de conscience qui ponctuent leur semaine dans le camp de réfugié de Dakhla.
Ah bon, c’est la France qui use de son veto pour empêcher la mission des Nations Unies (Minurso) de veiller au respect des droits de l’homme ? Ah bon, le droit international affirme depuis 35 ans que les Sahraouis ont droit à un référendum d’autodétermination ? Ah bon, on se douche au seau ici ? Ah bon, 52% des enfants de moins de 5 ans et 67% des femmes enceintes du camp de réfugiés souffrent d’anémie ?
La politique est souvent ennuyeuse à mourir, c’est pourquoi il est bon d’avoir des initiatives comme le festival de cinéma Fisahara, qui parlent de manière joyeuse et créative de sujets politiques aussi importants.” Francisco Bastagli, ex-envoyé spécial des Nations Unies en 2005-2006 invité par le festival a eu du nez. Il en a aussi quand il sent “un manque d’information ou une mauvaise information sur le Sahara Occidental.”
Sur la place principale, les Sahraouis des 4 autres camps (qui ont repris les noms des villes du Sahara Occidental, El Ayoune, Smara, Awserd…) affluent en Mercedes achetées en Mauritanie ou en 4/4 pour prendre part à la fête. Luis Tosar, meilleur acteur des Goyas en 2011, fait le signe de la victoire entouré de militants des “territoires occupés” présents malgré le risque de persécutions à leur retour.

On est loin des discours engagés livrés dans l’ambiance feutrée du festival de Cannes. Le soir, après Tambien la lluvia, Pan Negro ou Entrelobos, trois films espagnols contemporains récompensés aux Goyas, projetés en compagnie des acteurs Luis Tosar, Carlos Bardem et Nora Navas, on regarde des courts-métrages sud-africains qui délivrent des messages de tolérance et d’inquiétude, puis on va dormir à la belle étoile.
Pour bien dormir, on pense à l’unique lueur d’espoir délivrée par Francisco Bastagli :”Il y a un malaise grandissant en Europe sur cette question qui pourrait briser le monopole exercé par les soutiens du Maroc (France, Etats-Unis, etc.) L’Allemagne, l’Irlande, les pays scandinaves; l’Autriche commencent à s’indigner. Ce n’est pas seulement une question de droits de l’homme mais aussi l’exemple type de prévention de conflit. On ne peut plus rester comme ça en refusant de voir un problème qui ne peut se résoudre seul. C’est une question de stabilité pour le Maghreb.”
CafeBabel.com, 09/05/2011
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