AQMI taquine les narines du lion !

Par Noureddine Khelassi
Ça ne pouvait pas coïncider plus mal pour le général de corps d’armée Ahmed Gaid Salah, en tournée programmée d’inspection des frontières à Tindouf. Au moment même où il s’assurait, in situ, de l’efficacité du dispositif de veille, de surveillance et de lutte contre le terrorisme, le grand banditisme et le narcotrafic, trois humanitaires sont kidnappés dans la nuit de samedi à dimanche. Qui plus est, au cœur même de Rabouni, centre administratif des camps de réfugiés sahraouis, et à seulement 30 km au sud de Tindouf (ville proche du Sahara Occidental et du Maroc, ndds). Sahraouis et Mauritaniens ont vite imputé l’audacieuse opération à AQMI, précisément à Mokhtar Belmokhtar, alias Belaouar. 

Les uns comme les autres ont sans doute en mémoire le fait que le même Belaouar a enlevé en 2009 trois volontaires catalans, à 170 km au Nord de Nouakchott, humanitaires qu’il a ensuite libérés en 2010. Plus prudents, Algériens et Espagnols, eux, ont réservé leurs commentaires, préférant attendre pour y voir plus clair. Moins réservés, Sahraouis et Mauritaniens croient même savoir que les ravisseurs seraient venus en 4×4 du Mali voisin et y seraient retournés, sans coup férir, par les mêmes voies. Qu’ils soient d’AQMI ou de tout autre groupe criminel, les auteurs de cet incroyable rapt auraient ainsi effectué un raid automobile d’au moins 1 000 km, en aller-retour, sans avoir été repérés. 

Ils ont donc opéré comme de paisibles rallymen dans un camp où travaille de nombreux étrangers pour le compte d’ONG européennes, dont des amis du peuple sahraoui. Un centre sous surveillance permanente de vigiles sahraouis, situé en zone de haute sécurité, elle-même placée sous l’autorité du SOST, le Secteur opérationnel Sud Tindouf, qui dépend de l’armée algérienne. Comment, diable, ces kidnappeurs en 4×4 sont allés au diantre dans une région qui a été, jusqu’à l’irruption du conflit libyen, le cœur même du dispositif de défense algérien face à la menace potentielle des FAR marocaines? Difficile d’y répondre mais beaucoup moins de s’interroger à propos du raid d’un groupe armé «monté» à Tindouf comme il aurait effectué une étape d’un rallye Paris-Dakar, les images de télé en moins. On ne peut donc que pousser l’interrogation. Surtout quand on sait que l’ANP a déployé dans la région un escadron de chasse, le 113è de Mig-29S, notamment de MIG de reconnaissance et d’écoute ultrasophistiqués, probablement des drones sud-africains Seekers de reconnaissance et, certainement, d’hélicoptères de combat, entre autres, des MI-24, MI-17 et MI-171, tous modernisés et dont certains sont spécialisés dans le combat de nuit. Sous réserve d’inventaire, l’ANP y disposait également de Beech 1900 DHISAN américains, destinés à la guerre électronique et à la reconnaissance et combinés à des Ecureuils AS 350 de recherche, d’observation et de surveillance. Contre les terroristes, cette parade s’est avérée efficace depuis la moitié des années 90. Mais, pourquoi, cette fois-ci, un groupe armé, d’AQMI ou du diable, a-t-il pu effectuer un si long déplacement sans avoir jamais été découvert par la surveillance aérienne ou même par les unités au sol, le long des frontières ou dans la profondeur ? Peut-être qu’une partie de ces moyens de contrôle a été déplacée vers la frontière libyenne qui constitue désormais une menace tactique et stratégique, en raison de la déstabilisation de la Libye et, surtout, de la dissémination d’un nombre incalculable d’armes. Un armement varié, notamment quelques milliers de SA-7 Grail, redoutables missiles surface-air dont on pense fortement que des exemplaires soient désormais entre les mains de servants d’AQMI. Alors que la menace stratégique émanait des frontières Ouest, le conflit libyen a, il est vrai, obligé l’ANP à modifier sa doctrine de défense et le dispositif inhérent. Ceci pouvant, en partie, expliquer cela. Toutefois, l’allégement du système de veille et de surveillance aux frontières occidentales de l’Algérie ne serait pas une excuse en soi : Les ravisseurs sont venus de loin, ont opéré sans avoir été inquiétés et sont repartis comme s’ils revenaient d’une partie de chasse à la gazelle. Et, faut-il le rappeler, leur intervention a eu lieu dans un endroit où opèrent de nombreux étrangers supposés faire l’objet, en amont et en aval, d’une vigilante surveillance. 

A moins d’expliquer la performance du commando venu du Mali, c’est-à-dire la défaillance sécuritaire des sahraouis mais pas seulement, par le mektoub. Par le fait même que ce genre de coup soit imprévisible, donc imparable. Pourtant, dans une guerre de tous les instants contre le terrorisme, point de place pour la fatalité, surtout quand un commando furtif opère sur une si longue distance. Surtout, d’autre part, que la mort du mauritanien Tayeb Ould Ali, lieutenant de Belaouar, tué 48 heures avant par l’armée mauritanienne, aurait du donner à penser qu’AQMI chercherait probablement à se venger. Et à réaliser un coup d’éclat qui consiste à taquiner les narines du lion ANP.
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