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La Tunisie à la croisée des chemins

par Kharroubi Habib

La victoire en Tunisie du parti islamiste Ennahdha est officiellement et définitivement confirmée. Avec près de 42% des suffrages qui se sont exprimés en faveur de ses listes, Ennahdha est arrivé en tête du scrutin, devançant de manière très nette ses poursuivants immédiats. Des sources ont prétendu qu’en fait, le score réel de la formation islamiste serait plus écrasant qu’annoncé officiellement et n’aurait été arrêté à 42% qu’après d’âpres transactions entre ses dirigeants, les autorités gouvernementales de la transition et le haut commandement de l’armée. Ennahdha n’ayant pas contesté le score qui lui a été attribué, ce sont donc les taux rendus publics dont il faut tenir compte pour tenter de se faire une idée des rapports de force qui s’instaurent dans la Tunisie post Benali.

Le parti de Rached Ghannouchi est désormais la formation politique dominante dans le pays. Sans que pour autant il soit en capacité de décider seul ce que sera le contenu de la nouvelle constitution tunisienne et qui seront les hommes appelés à occuper les fonctions clés des institutions de la République, notamment la Présidence et la chefferie du gouvernement. Il lui faudra en effet composer avec d’autres formations représentées dans l’Assemblée constituante sortie des urnes le 23 octobre. Contraint au jeu des alliances, Ennahdha est forcé de trouver un terrain d’entente avec d’autres acteurs du nouveau passage politique tunisien. Compte tenu du fait que les plus à même d’entre ceux-ci pouvant empêcher le parti de Ghannouchi de faire main basse sur les institutions et de confectionner une constitution sur mesure pour le courant islamiste, sont démocrates et libéraux, il devra nécessairement mettre de «l’eau dans son vin» et leur donner les gages qu’il n’est pas de ses intentions d’instaurer une république théocratique, comme certains l’accusent et dénoncent de vouloir réaliser.

Ghannouchi n’a pas été avare d’assurances allant dans ce sens avant le scrutin et après la confirmation de la victoire de son parti, en faisant tout de même valoir «qu’il est naturel que le parti qui a obtenu la majorité gouverne le pays».

Pour peu qu’Ennahdha donne des gages solides qu’il ne va pas remettre en cause les acquis démocratiques de la «révolution du jasmin» et revenir sur ceux accordés notamment aux femmes tunisiennes par le régime de Bourguiba, il sera mal venu aux autres formations de lui contester les droits que lui donne sa victoire électorale. Celle-ci est en effet nette et ne souffre d’aucune contestation sur le plan démocratique. Le scrutin du 23 octobre a été marqué par une participation massive de l’électorat et a été un exemple de transparence et de régularité. Du témoignage de tous les observateurs tunisiens et internationaux, les quelques irrégularités dont il a été entaché n’ont pas eu d’impacts significatifs sur ses résultats. Nul n’a la légitimité de mettre fin au processus qu’il a ouvert.

Ceux qui, en Occident, font mine de s’inquiéter de la victoire d’un parti islamiste dans une Tunisie qu’il présentait comme peu contaminée par l’idéologie islamiste, rendraient un mauvais service à ce pays en poussant les perdants du scrutin à ne pas reconnaître et admettre la victoire d’Ennahdha. Si même la Tunisie dans le monde arabe en est arrivée à propulser au pouvoir un parti islamiste, c’est pour beaucoup en réaction de rejet des politiques occidentales appliquées à cette région du monde

Les électeurs tunisiens ont accordé leur suffrage majoritaire à Ennahdha avec, à tort ou à raison, la conviction que ce parti est le moins compromis avec ces politiques occidentales qui ont contribué à maintenir les pays arabes dans l’arriération et la dépendance.

Le Quotidien d’Oran, 29/10/2011

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