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Le cadeau Bouteflika à l’Émirat du Qatar

Après une position intransigeante sur la situation en Libye, que d’aucuns n’ont pas hésité à qualifier de soutien au régime de Kadhafi, l’Algérie, dont la reconnaissance du Conseil national de transition libyen n’a été faite que du bout des lèvres, a franchi le pas hier avec la rencontre au sommet Bouteflika-Abdeljalil au grand bonheur de l’émir du Qatar, dont la diplomatie rayonne sur le monde arabe.
Le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, s’est entretenu hier à Doha avec le président du Conseil national de transition (CNT) libyen, Mustapha Abdeljalil, et l’émir de l’État du Qatar, Cheikh Hamad ben Khalifa al-Thani, en marge des travaux du 1er Sommet des chefs d’État et de gouvernement du Forum des pays exportateurs de gaz (FPEG). Voilà une rencontre que l’on n’attendait pas de sitôt en raison de la position algérienne intransigeante sur la question libyenne, qui avait même poussé un certain nombre d’observateurs à la qualifier de favorable au régime de feu Mouammar Kadhafi.
En effet, l’Algérie, qui s’était accrochée à la position de l’Union africaine réclamant des négociations pour mettre fin au conflit pacifiquement, a reconnu du bout des lèvres le CNT le 22 septembre dans la foulée de l’UA, sans pour autant que cette reconnaissance ne soit suivie de mesures de rapprochement. Elle a même provoqué la colère du nouveau pouvoir à Tripoli suite à l’asile accordé pour des “raisons humanitaires” à trois enfants et à la seconde épouse de Mouammar Kadhafi.
Il y a lieu de rappeler que depuis l’éclatement du conflit libyen, l’Algérie avait adopté une position de principe ferme, de non-ingérence dans les affaires intérieures de ce pays, pendant qu’une partie de la communauté internationale s’est rangée du côté de la rébellion libyenne menée par le Conseil national de transition libyen présidé par Mustapha Abdeljalil. En dépit de tous les appels, Alger a fait la sourde oreille rejetant notamment les tentatives de médiation pour un rapprochement avec le CNT, conformément à son sacro-saint principe de refus de toute médiation dans ses relations avec les autres pays, notamment ses voisins.
L’on citera à titre d’exemple le cas du Maroc avec lequel les rapports sont en dents de scie à cause du conflit du Sahara occidental. L’Algérie a régulièrement rejeté toutes les tentatives de plusieurs pays, particulièrement arabes, qui ont tenté d’intervenir pour ramener Alger et Rabat à de meilleurs sentiments. Elle a toujours prôné des discussions directes avec le voisin marocain pour aplanir une bonne fois pour toutes tous les différends en suspens entre les deux pays.
Ainsi, alors qu’on attendait la visite annoncée d’une délégation du CNT libyen à Alger pour discuter des différents problèmes ou malentendus entre les deux parties en vue de les aplanir, c’est-à-dire commencer par la base, c’est une rencontre au sommet entre le président Abdelaziz Bouteflika et le chef du Conseil national de transition libyen, Mustapha Abdeljalil, qui se tient à Doha.
Le principe du refus de médiation est foulé au pied avec cette rencontre au sommet, grâce à la… médiation qatarie. C’est un cadeau royal à la diplomatie du Qatar, qui trône sur le monde arabe depuis quelque temps. Son ministre des Affaires étrangères et néanmoins, Premier ministre, ne se prive pas de mener à la baguette ses pairs arabes. Il est allé jusqu’à empêcher son homologue algérien, Mourad Medelci, d’expliquer la position algérienne lors de la conférence de presse qui a suivi la réunion ministérielle du Caire samedi dernier où a été annoncée la suspension de la Syrie.
On ne peut que s’interroger sur le pourquoi de ce cadeau au Qatar, dont les principes de sa diplomatie sont loin d’être en conformité avec ceux de l’Algérie, en témoigne cette tendance de l’Émirat à soutenir des interventions étrangères pour régler les crises dans les pays, comme ce fut le cas en Libye et probablement en Syrie, si on lui laisse entre les mains les rênes de la diplomatie arabe.
Mourad Medelci a dû menacer de se retirer du comité chargé du suivi de la situation en Syrie pour que son homologue qatari se rétracte et n’annonce pas les sanctions contre Damas, qui ne sont pourtant envisagées que dans une seconde phase. 
Merzak Tigrine
Liberté, 19/11.2011
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