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Prise d’otages à Tindouf : La ramification d’Aqmi en Afrique de l’Ouest

Tindouf. On est à plus de 1 500 km d’Alger, mais à seulement 50 km des frontières avec le Maroc et le Sahara occidental et à 65 km de la Mauritanie. Avant le rapt, Tindouf concentrait déjà toutes les tensions entre l’Algérie et le Maroc. Elle résumait aussi les rivalités et exacerbait les querelles et les tensions. Depuis 1962. En 1963, c’est la «guerre des Sables». Avec le rapt des trois humanitaires européens, deux Espagnols et une Italienne, c’est un nouvel épisode de la guerre en sous-sol qui est menée par le makhzen contre l’Algérie. Leur kidnapping, à quelques kilomètres de Tindouf, dans le camp de Hassi Rabouni, est une occasion trop belle pour la laisser passer sans tenter de la rentabiliser. Toutefois, l’essentiel reste de trouver les otages. Madrid, en matière de coopération sécuritaire, sait à quoi s’en tenir. Après les rapports sécuritaires de Bamako affirmant que les otages ne sont pas au Mali, les regards se sont dirigés vers l’«Ouest».

NOUVEAUX FIEFS POUR AQMI

Selon des témoignages récoltés par les services de sécurité auprès des autochtones, les ravisseurs ont convoyé les otages kidnappés des camps humanitaires de Hassi Rabouni « vers l’Ouest ». Cet Ouest peut être la Mauritanie, ou peut-être le Sénégal ou le Burkina-Faso. Cela peut expliquer la visitesurprise du ministre algérien délégué aux Affaires maghrébines et africaines, Abdelkader Messahel, à Ouagadougou le jour même de l’Aïd El-adha. La Mauritanie n’est éloignée que de 65 km de Hassi Rabouni. En plus, une trêve non déclarée est observée entre Nouakchott et Aqmi, d’où la possibilité pour les preneurs d’otages de transiter par Zouérate, avant de passer au Sénégal ou au Burkina-Faso. Bien que le nord-Mali soit le plus indiqué dans ce genre d’opération, du fait de la faiblesse de l’armée malienne – quelque 5 000 soldats, mal équipés, et la présence forte d’Aqmi entre Kidal et Tessalit, il se peut que la Mauritanie, toute proche des camps de Tindouf, soit la nouvelle cache choisie pour les otages, avant de les convoyer ailleurs. Il y a une semaine, le président de l’Assemblée nationale du Sénégal, Mamadou Seck, s’appuyant sur les déclarations faites par un témoin lors de l’attaque de Hassi Rabouni, qu’un membre des preneurs d’otages parlait wolof, confirmait la présence encombrante d’Aqmi au Sénégal. En fait, le kidnapping de trois humanitaires des camps des réfugiés sahraouis, de Hassi Rabouni, au sud de Tindouf a révélé l’existence d’importantes ramifications d’Al Qaïda au Maghreb en Afrique de l’Ouest, dans des zones insoupçonnées à ce jour, comme le Sénégal et le Burkina-Faso, faisant de la Mauritanie une zone de passage, et peut-être même de repli, après la trêve non annoncée observée entre Nouakchott et Mokhtar Belmokhtar, chef d’Al Qaida au Maghreb dans cette région.

MADRID ET L’OPTION MILITAIRE

Selon le journal «El Confidencial» spécialisé dans les affaires de défense, Madrid est en négociation avec la Mauritanie pour déployer des forces militaires sur le territoire mauritanien, afin d’y mener d’éventuelles opérations de libération d’otages. Les ministères espagnols de la Défense et des Affaires étrangères sont d’ores et déjà en pourparlers avec la Mauritanie, le Mali et l’Algérie en vue «d’élargir les options» et permettre un déploiement militaire espagnol, dans ces pays en cas de besoin. «El Confidential» estime que l’Espagne est confrontée à des «restrictions juridiques», devant l’option d’une opération militaire de ce type. Sa politique actuelle ne prévoie pas une action militaire. Aucun cadre légal ne la permettrait «au cas où», a indiqué «El confidentiel» citant des sources de la diplomatie militaire. À l’origine de ces négociations, il y a la volonté de Madrid d’avoir « toutes les cartes » dans de telles situations, selon le journal. Toutefois, à Alger, on estime une éventualité pareille de l’ordre des «probabilités», uniquement, car une action de renseignement est engagée entre Madrid et Alger, avec l’aide de l’ensemble des pays du champ, à savoir la Mali, la Mauritanie et le Niger, action ouverte aussi au Sénégal et au Burkina-Faso.

LA PISTE BURKINABÉE 

À l’heure actuelle, la bonne information que les services algériens tiennent, c’est que les otages sont en vie. La mauvaise est que l’humanitaire, Enric Gonyalons, un des deux otages espagnols, est « blessé au bras », après avoir tenté de riposter aux assaillants lors de l’incursion terroriste. «Les trois otages européens sont en vie. C’est l’un des ravisseurs, membre d’Aqmi qui nous a communiqué l’information », a affirmé un médiateur, vraisemblablement un Burkinabé. «Ils (Aqmi) ont dit qu’ils vont communiquer plus tard leurs revendications. Mais pour le moment, les otages sont bien en vie», a ajouté l’informateur. Les premières indications précisent que la Mauritanie, toute proche des camps de Rabouni – environ 65 km uniquement, a été vraisemblablement la première destination des preneurs d’otages. Selon des témoignages, un des membres d’Aqmi présents lors de l’attaque s’exprimait en wolof, un parler usité en Mauritanie et au Sénégal.

NOUVELLES ZONES-GRISES

Mokhtar BelMokhtar n’est pas le plus haut gradé d’Aqmi au Sahel, mais dans « l’Emirat du Sahara » – une vingtaine d’années dans les zones arides saharo-sahéliennes- le rendent incontournable pour Aqmi. Après le Mali, le Niger et la Mauritanie, il a élargi son champ d’action vers le Sénégal et le Burkina-Faso, en y installant des subalternes locaux. Des chefs comme Abadou Abdelhamid, dit « Abou Zeid », Yahia Djouadi, plus connu sous le nom de «Yahia Abou Amar» ou encore «Abdelhaq», sont les trois chefs les plus importants d’Aqmi au Sahel, mais restent plus «opérationnels», «militaires », tant que des missions comme le rapt d’étrangers, les alliances, les fiefs, les pistes et les convois d’armes selon des itinéraires déterminés restent ses «domaines de compétences ». Natif de Ghardaïa, ancien combattant d’Afghanistan, – en 1990-1991, alors qu’il avait juste vingt ans – émir du GIA pour le Sud, avec Hadj Mohamed Hallis, dit «Abou Talha al-Janoubi», dès 1992, puis du Gspc, à partir de 1998, MBM est certainement un des plus anciens chefs terroristes, issus du GIA originel. Malgré le convoi accru de nouveaux chefs pour le Sahel, décision prise par Abdelmalek Droudkal, pour élargir le champ d’action d’Aqmi, MBM restera finalement, en poste, avec une marge de manoeuvres réduite, mais avec une certaine autonomie, – on l’a constaté dans le dernier entretien, très « libre, donné à un média salafiste de Nouakchott- qui lui permet d’être opérationnel sans se référer à chaque fois à sa hiérarchie. Les fiefs qu’ils s’est achetés, les alliances qu’il a tissées avec des tribus au nord et les allégeances qu’il s’est payées avec l’argent des rançons payées par les capitales occidentales, font de lui pratiquement le n°1 d’Aqmi dans la vaste bande saharo-sahélienne.

DE NOTRE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL À TINDOUF : FAYÇAL OUKACI 

 
Le Courrier d’Algérie, 21/11/2011
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