Mois : janvier 2021

  • Les droits palestiniens ont toujours passé après l’«intérêt national» des régimes arabes

    La normalisation avec Israël n’est qu’un dernier exemple des dirigeants arabes qui font progresser leurs propres intérêts aux dépens des Palestiniens.

    Joseph Massad, 28 décembre 2020

    Depuis la Première Guerre mondiale, les Palestiniens sont utilisés comme une monnaie d’échange par divers régimes arabes afin de faire progresser leurs propres intérêts en sacrifiant les droits palestiniens.

    Pourtant, les apologistes des régimes arabes qui, récemment, ont normalisé leurs relations avec Israël, défendent la décision de leurs gouvernements à l’aide des mêmes arguments utilisés voici des décennies par les tout premiers normalisateurs – l’Égypte et la Jordanie –, à savoir que ces pays ont consenti des sacrifices depuis 1948, en plaçant les intérêts palestiniens au-dessus de leurs propres intérêts « nationaux », autrement dit, les intérêts de leur régime.

    Leurs décisions de passer aujourd’hui à la normalisation avec Israël, nous disent-ils, ont finalement placé leurs propres intérêts nationaux à l’avant-plan et, malgré tout, en même temps qu’ils normalisent leurs relations, ils aident également les Palestiniens !

    La propagande américaine
    Un argument majeur – avancé à ce propos – renvoie à la notion idéologique de la « paix » telle qu’elle est sponsorisée par les Américains, et cette notion constitue la pierre angulaire de la propagande américaine contre les peuples en lutte contre l’oppression coloniale et raciste, que ce soit dans le monde colonisé ou à l’intérieur même des États-Unis.

    La « paix » qui maintient des relations coloniales et racistes oppressives, nous dit-on, apporte la prospérité, alors que la lutte contre l’injustice et l’oppression – ce qu’on appelle la « guerre », dans le jargon américain – n’apporte que destruction et pauvreté.

    Au contraire des peuples arabes qui n’ont jamais cessé de témoigner leur solidarité avec les Palestiniens depuis que la Grande-Bretagne a sorti la déclaration Balfour en 1917, les régimes arabes, comme je l’ai déjà écrit auparavant dans Middle East Eye, ont toujours fait passer leurs propres intérêts en premier et ils entretiennent des liens et collaborent avec Israël depuis 1948 – dans le cas de l’émir hachémite Faysal, depuis 1919, même.

    Les apologistes de la reddition de Sadate à Israël ont prétendu durant des décennies que le zèle excessif témoigné par le président Gamal Abdel Nasser dans la défense des Palestiniens avait amené l’Égypte à sacrifier « 100 000 martyrs égyptiens » pour les Palestiniens, pour reprendre les termes du président égyptien Abdel Fattah el-Sisi en 2014.

    En fait, d’après les sources militaires égyptiennes, les pertes égyptiennes dans la guerre de 1948 furent de 1 168 soldats, officiers et volontaires tués (c’est le chiffre que mentionne le livre d’Ibrahim Shakib, The Palestine War 1948, pp. 432-433), alors que d’autres sources officielles égyptiennes (reprises dans le livre de Benny Morris, 1948: A History of the First Arab-Israeli War, pp. 406-407) parlent de 1 400 tués.

    De plus, le roi Farouk d’Égypte était entré en guerre en 1948, non pas parce qu’il avait placé les intérêts palestiniens avant ceux de l’Égypte mais, comme l’ont montré des analystes, en raison de sa rivalité avec la monarchie irakienne à propos de l’hégémonie sur le monde arabe post-colonial.

    Non seulement Nasser n’a jamais lancé une seule guerre contre Israël mais, en outre, toutes les guerres suivantes de l’Égypte ont été livrées pour défendre l’Égypte et non les Palestiniens. En 1956 et en 1967, Israël a envahi l’Égypte et occupé le Sinaï.

    Au cours de ces guerres, les soldats égyptiens sont morts en défendant leur pays, et non en défendant les Palestiniens. Entre 1968 et 1970, Israël et l’Égypte se sont livré une guerre d’usure (« War of Attrition ») au cours de laquelle des soldats égyptiens ont été tués en défendant leur pays contre l’agression israélienne permanente, et c’est une guerre qui se déroula sur le sol égyptien ; et, en 1973, l’Égypte lança une guerre en vue de libérer le Sinaï, et non la Palestine, et une fois encore, des soldats égyptiens perdirent la vie en défendant leur pays contre une occupation étrangère.

    Sacrifier les Palestiniens
    Lorsque Sadate signa les accords de Camp David, en 1978, non seulement il ne le fit pas pour défendre les Palestiniens mais, en réalité, il les sacrifia en même temps que leur droit à l’indépendance et ce, en échange de la restitution du Sinaï à l’Égypte (mais… sans sa pleine souveraineté) et d’un généreux paquet d’aide américaine qui servit à enrichir les classes supérieures égyptiennes et à appauvrir la majeure partie de la population.

    Le régime jordanien, dont l’armée était dirigée par un général colonial britannique, se lança dans la guerre de 1948 pour agrandir son territoire, ce qu’il fit en annexant la Palestine centrale (rebaptisée la « Cisjordanie ») après la guerre. En 1967, les Israéliens envahirent la Jordanie et occupèrent la Cisjordanie. Dans les deux guerres, des soldats jordaniens moururent pour les intérêts du régime jordanien, et non pour ceux des Palestiniens.

    En 1994, quand la Jordanie signa son traité de paix avec Israël, les intérêts palestiniens furent sacrifiés une fois encore dans la reconnaissance par la Cisjordanie du droit d’Israël à l’existence sur des terres palestiniennes volées et dans la sauvegarde d’un certain rôle pour les Hachémites autour des lieux saints musulmans à Jérusalem.

    En échange, la Jordanie reçut elle aussi un généreux paquet d’aide américaine dont bénéficièrent le régime et les classes supérieures. Au contraire de l’accord avec l’Égypte, celui avec la Jordanie fut conclu sans même demander à Israël de quitter la moindre parcelle des territoires occupés en 1967. Il s’ensuivit que la « paix » de la Jordanie avec Israël légitima l’occupation et la conquête israéliennes et n’imposa l’abandon ni de l’une ni de l’autre.

    Alors que, historiquement, les soldats égyptiens et jordaniens peuvent avoir été informés de ce qu’ils participaient à ces guerres au profit de la Palestine, la vérité là-dedans, c’est que, sans qu’ils n’en sachent absolument rien, ils y combattirent pour assurer les intérêts de leur régime. Quant au Soudan, au Maroc, à Bahreïn et aux EAU, on ne voit toujours pas clairement comment ils auraient pu faire passer les intérêts palestiniens avant les leurs propres.

    Les « dividendes » de la paix
    Un argument apparenté réside dans ce qu’on appelle les « dividendes de la paix », dont les États-Unis font une promotion des plus lourdes. Cette fois, on voudrait nous faire croire que tout l’argent dépensé dans des guerres et armements avec Israël serait désormais utilisé à des fins de développement et de prospérité économique.

    L’ironie, bien sûr, veut que les budgets militaires de l’Égypte et de la Jordanie, soutenus en guise de récompense par les énormes paquets d’aide militaire américaine, aient monté en flèche une fois la normalisation des relations de ces pays avec Israël. Par contre, le développement économique et les bénéfices sociaux de l’État ont été réduits à un étiage sans précédent dans les deux pays, provoquant une pauvreté massive et un déclin dans les services de l’éducation et de la santé, au point que même certains hauts responsables jordaniens, pourtant partisans de l’accord de paix, prétendent que la Jordanie n’a pas engrangé les « dividendes de paix » qu’elle était en droit d’attendre.

    Sur le plan des relations publiques, suite à l’hostilité du Congrès et des médias envers les Saoudiens et d’autres États du Golfe après le 11 septembre, les familles qui règnent sur le pétrole ont décidé une fois de plus d’accroître leurs profits au détriment des Palestiniens en cessant d’exiger qu’Israël respecte les lois internationales et se retire des territoires occupés, ce qui, jusqu’alors, constituait les conditions préalables à l’instauration de relations plus cordiales. Bien vite, ces États se sont acoquinés avec Israël et son lobby américain afin d’endiguer la vague de cette hostilité en promettant des relations plus étroites, lesquelles aujourd’hui sont bien ouvertes.

    Rien de tout ceci n’appartient à la poussière du passé, mais fait partie de la normalisation en cours aujourd’hui et par laquelle le président Trump a annoncé d’énormes achats par les Saoudiens, les Marocains, les Bahreïniens et les Émiratis d’armes américains durant la préparation et la mise sur pied des accords de normalisation en 2019 et après, ce qui va encore militariser la région plus que jamais.

    En vue de prouver leur allégeance à la politique antipalestinienne des États-Unis et d’Israël, les hauts responsables des États du Golfe n’ont plus cessé ces dernières années de s’en prendre aux Palestiniens dans les médias et la presse en général du Golfe appartenant aux familles du pétrole. Ces attaques se sont encore durcies récemment, et tout particulièrement en Arabie saoudite et dans les EAU.

    Les intérêts nationaux
    Ironiquement, les EAU avaient espéré obtenir des États-Unis les très sophistiqués avions de combat F-35 en échange de leur paix avec Israël. Toutefois, Israël et ses partisans au Congrès refusent d’autoriser la chose. Humiliés par ce résultat et dans le but de dissiper les inquiétudes israéliennes, les EAU ont suggéré au Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou que des pilotes de chasse israéliens prennent en charge les F-35 pour une période temporaire, après quoi ils entraîneraient les pilotes des EAU en vue de les remplacer.

    Le Maroc lui aussi a finalement reçu de la part des États-Unis une légitimation de sa reprise et de son annexion du Sahara occidental et, de son côté, le Soudan a été écarté de la liste américaine des pays qui soutiennent le terrorisme. Aucun de ces pays n’a concédé ou sacrifié la moindre parcelle de son intérêt national pour obtenir de telles récompenses.

    Au contraire, à l’instar d’autres pays arabes depuis 1948, ils ont sacrifié les droits palestiniens, pourtant repris dans les lois internationales, afin d’obtenir des bénéfices pour eux-mêmes. La Ligue arabe, une ennemie des intérêts palestiniens depuis sa création, a également refusé de condamner ces acords de paix, même s’ils contredisent la politique qu’elle défend de longue date.

    Plutôt que de sacrifier leurs intérêts nationaux pour défendre les Palestiniens, les régimes arabes ont tiré parti de la moindre opportunité pour brader les droits palestiniens en vue de favoriser leurs propres intérêts sans relâche.

    Au départ déjà, lors de la collaboration de l’émir hachémite Faysal, en 1919, avec les sionistes en vue de s’assurer leur soutien à son royaume syrien de l’époque ; puis avec la normalisation des relations entre Israël et le roi Mohammed VI afin de légitimer le contrôle par le Maroc du Sahara occidental, les Palestiniens ont été un envoi de Dieu aux régimes arabes qui les ont utilisés et qui continuent encore à le faire de façon abusive dans le but de satisfaire leurs propres intérêts.

    Publié le 28 décembre 2020 sur Middle East Eye
    Traduction : Jean-Marie Flémal

    Joseph Massad est professeur de politique arabe moderne et d’histoire intellectuelle à l’université Columbia de New York. Il est l’auteur de nombreux livres et articles universitaires et journalistiques. Parmi ses livres figurent Colonial Effects : The Making of National Identity in Jordan, Desiring Arabs, The Persistence of the Palestinian Question : Essais sur le sionisme et les Palestiniens, et plus récemment Islam in Liberalism. Citons, comme traduction en français, le livre La Persistance de la question palestinienne, La Fabrique, 2009.

    Source : Charleroi pour la Palestine, 11 jan 2021

    Tags : SaharaOccidental #Maroc #DonaldTrump #Israël #Normalisation #Algérie #Palestine

  • Maroc : Un autre flop pour le Makhzen

    Désemparé, le Makhzen l’est à coup sûr. Sinon comment expliquer tout le tapage médiatique qu’il a organisé des jours durant autour d’un événement qui, au final, n’a pas eu lieu. Alors qu’elle devait couronner la visite au Sahara Occidental occupé de David Schenker, sous-secrétaire d’Etat chargé des questions du Proche Orient et de l’Afrique du Nord au département d’Etat, l’inauguration d’un consulat étasunien à Dakhla a été carrément passée sous silence par les deux délégations. 

    Selon El Portal diplomatico (Le Portail diplomatique), un site proche du Front Polisario, ni le diplomate américain, ni le chef de la diplomatie marocaine, l’inénarrable Nacer Bourita, n’y ont, en effet, fait allusion lors de la conférence de presse qu’ils ont conjointement animée dans la ville précitée. Les deux se sont, plutôt, longuement étalés sur la profondeur historique des relations existantes entre les deux pays et sur, selon, les heureuses perspectives de développement qui les attendent. Un “oubli” qui a toutefois ses raisons. Qui, pour le site précité, tiennent au pragmatisme étasunien. 
    Se sachant sur le départ: il quittera son poste dès la prise, le 20 du mois en cours, par Joe Biden, le président élu, de ses fonctions présidentielles, et instruit de la nomination déjà de son successeur – il s’agit, toujours selon El Portal diplomatico, de Brett McGurk, un diplomate connu pour son appui constant au mouvements de libération nationale chement – David Schenker a, à l’évidence, préféré ne pas trop s’engager sur un “terrain” qui pourrait, après la date sus-indiquée, connaître des changements qui ne s’accommoderaient pas de l’existence d’un consulat américain au Sahara Occidental occupé: des sources concordantes font, en effet, état de la volonté du président élu de revenir, au plus tôt, sur les décisions prises par le président sortant à propos du Sahara Occidental. 
    Ce qui a fait dire à Mustapha Bachir Sayed, membre de la direction nationale du Front Polisario et conseiller du président de la RASD chargé des Affaires politiques, dans une déclaration à l’agence de presse nationale, APS, que la visite de la délégation américaine, dirigée par le désormais ancien sous-secrétaire américain chargé des questions du Moyen Orient et de l’Afrique du Nord, dans les territoires occupés s’est réduite, au final, “à une tournée touristique de propagande organisée par le guide touristique marocain au profit d’une administration dont le mandat prendra fin dans moins de deux semaines”. 
    Un constant, tout aussi ironique que sans appel, que les surprenantes déclarations de l’ambassadeur étasunien à Rabat ne font que conforter. David Fischer, c’est son nom, a justifié la non ouverture du consulat américain à Dakhla par une raison des plus farfelues; qui renseigne sur le peu de considération que l’Administration américaine de Trump accorde au Makhzen. Sinon comment expliquer que l’ambassadeur susnommé ait justifié la non inauguration de ladite représentation consulaire par le fait saugrenu que “la recherche d’un édifice adéquat devant l’abriter se poursuit toujours”; “saugrenu”, du fait que l’inauguration en question avait été annoncée, à grands bruits et depuis plusieurs jours déjà, par toute l’armada médiatique, locale et internationale, au service du Makhzen. 
    Ce qui supposait que le consulat était déjà prêt: on n’inaugure pas, en effet, quelque chose qui n’est pas encore sortie de terre ou pour laquelle on n’a pas encore trouvé de construction pour l’abriter. Comme explication méprisante, il n’y a pas mieux. Que le Makhzen a préféré ignorer – pouvait-il en faire autrement, lui, qui s’accroche à l’Administration américaine comme le ferait une personne en danger de noyade à une planche qui se présenterait à elle au milieu de l’immensité de la mer? – occupé qu’il était, selon le témoignage du journaliste d’AP (Associated Press), une agence de presse américaine, qui avait couvert la “tournée touristique de propagande” de deux jours, de David Schenker au Sahara Occidental occupé, “à empêcher la presse internationale à entrer en contact avec la population sahraouie des villes visitées”. 
    Selon les propos de ce journaliste rapportés par El Portal diplomatico, les autorités marocaines ont déployé, pour ce faire, “d’importantes forces de police et armées”. Ce qui constitue la meilleure preuve que le Makhzen, en dépit de ce que pensent Donald Trump et son Administration, aujourd’hui, tous deux sur le départ, n’est pas chez lui au Sahara Occidental…
    Mourad Bendris 
    Dzair-tube, 11 jan 2021
    #SaharaOccidental #Maroc #DonaldTrump #Israël #Normalisation #Algérie #Palestine
  • Sahara occidental : Trump au pas de charge et cadeau empoisonné pour Biden et la sous-région

    Par Halim Midouni

    Le 20 janvier prochain, jour d’investiture du président américain élu Joe Biden, nombreux sont les pays qui vont pousser un soupir de soulagement. Dès que le nouveau chef de la Maison Blanche aura prêté serment, la page ouverte il y a quatre ans par le président Trump sera fermée et de nouvelles données apparaîtront dans la politique étrangère des Etats-Unis.
    C’est du moins la prédiction que la plupart des observateurs de la scène politique américaine font du départ prochain du turbulent président républicain et de son remplacement par son vainqueur démocrate, s’il n’est pas destitué d’ici là après l’incident majeur provoqué par ses supporters en saccageant le siège du Congrès, le Capitole, cœur du pouvoir législatif américain, le 6 janvier dernier.
    Ces analystes font le pari que la prochaine administration au pouvoir à Washington fera le contraire de la précédente sous la houlette notamment du duo formé par le président sortant, M. Trump, et son secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères Mike Pompeo. Avec Joe Biden, s’attendent-ils, il y aura davantage de recours aux instruments du multilatéralisme tellement malmenés et mis en danger par son désormais prédécesseur et futur ex-locataire du Bureau ovale.
    Leur pronostic est construit sur l’image que le président élu donne de sa personne de futur chef de la première puissance mondiale : un profil aux antipodes de celui de M. Trump, qui finira sa carrière de président sous le signe de la turbulence et du désordre et menacé par la sanction de l’«impeachment», puis des déclarations pondérées. Ce que dit M. Biden sur sa vision des relations internationales et du leadership de son pays laissent penser que, lui et son staff, seront nettement moins enclins à malmener des organisations mondiales certainement imparfaites, comme les Nations unies et ses différentes agences par exemple, mais nécessaires au règlement des conflits, à la coopération et au maintien des équilibres internationaux.
    Mais pareil présage ne tiendrait que si, seulement, l’on oublie qu’en partant le président Trump va laisser derrière lui un héritage épouvantable duquel il sera difficile pour son vainqueur de s’en libérer facilement en ce qui concerne certains aspects de la politique étrangère qu’il a poursuivie au forcing durant les derniers mois de son mandat. Il s’agit entre autres de la question palestinienne depuis le choix de faire déménager l’ambassade US de Tel-Aviv vers Jérusalem en mai 2018 et d’appuyer à la manière d’un char d’assaut la normalisation des relations entre certains Etats arabes et Israël.
    Le lobby pro sahraoui à l’épreuve
    Tout près de nous, le choix trumpien de reconnaitre la «souveraineté» du Royaume du Maroc sur le Sahara Occidental en contrepartie d’un rapprochement politique et stratégique avec Israël, et l’inauguration hier d’une représentation des Etats-Unis à Dakhla en présence du secrétaire d’État américain adjoint pour le Proche-Orient et l’Afrique du Nord, David Schenker, ne sera pas un cadeau pour l’administration Biden. La thèse selon laquelle le futur président peut annuler sans risque la décision de M. Trump sur le Sahara occidental prête à sourire. Elle semble faire oublier le poids extraordinaire du lobbying pro-israélien sur l’ensemble des groupes politiques qui se partagent l’alternance au pouvoir aux Etats-Unis. Face à ce lobbying, il ne sera pas facile de refermer une représentation quelques mois après son ouverture même si son statut et son implantation – à Dakhla et non pas à Laayoune – ne semblent pas encore assez clair pour l’instant…
    Le plus sérieux à dire à ce sujet est que le prochain dirigeant du Département d’Etat et son sous-secrétaire chargé des dossiers Moyen-Orient / Afrique du Nord (MENA) vont devoir cogiter très fort : premièrement pour ne pas heurter les intérêts de l’Etat hébreu, l’allié stratégique par excellence dans son rapprochement calculé et intéressé avec le Maroc qui compte essentiellement sur cette carte ; deuxièmement pour reprendre langue avec l’ONU qui considère le Sahara occidental comme l’un des derniers territoires autonomes en attente d’un statut définitif, et, troisièmement, pour ne pas hypothéquer le précieux capital relationnel avec l’Algérie, un pays vanté depuis une trentaine d’année comme un «partenaire privilégié» sur les questions de sécurité et d’antiterrorisme. Mais qui considère comme d’autres pays importants en Afrique notamment, sauf que ceux-ci n’ont pas de réfugiés sur leur sol, que la question sahraouie relève de la décolonisation. Décrit sommairement, et qui pourrait déboucher sur un statuquo de type nouveau à l’échelle de la prochaine administration américaine qui regardera pendant un moment prioritairement vers l’Iran pour ce qui est du continuum Moyen-Orient-Maghreb, cet embarras n’est pas non plus à éluder par les indépendantistes sahraouis du Polisario, qui n’ont jamais été confrontés à une telle adversité sur le plan politique et diplomatique que celle qu’ils vivent depuis l’annonce par le président Trump, le 10 décembre dernier, que son pays reconnait la «souveraineté» de Rabat sur le territoire sahraoui.
    Le lobby pro sahraoui, considéré dans sa diversité comme l’un des actifs à Washington, a perdu une grande bataille qu’il va devoir regagner auprès des élus et du personnel politique dans la capitale fédérale américaine pour que la cause qu’il défend demeure visible et audible. Ce sera certainement de haute lutte et cela dépendra aussi de l’évolution à observer sur le terrain sahraoui même où les porte-parole de la résistance et de l’autodétermination à l’exemple peut-être d’Aminatou Haidar sont particulièrement attendus.
    L’Algérie, en désaccord avec la nouvelle politique américaine que le président Trump impose aujourd’hui au pas de charge moins d’une dizaine de jours avant qu’il ne quitte la Maison-Blanche, va devoir redoubler elle aussi d’efforts diplomatiques pour convaincre du bien-fondé de son soutien à l’autodétermination des Sahraouis face à l’appui des Etats-Unis au plan marocain de l’autonomie de leur territoire sous «souveraineté» du royaume. «L’impartialité» américaine que le chef de la diplomatie Sabri Boukadoum a déclaré souhaiter au passage à Alger de David Schenker ne sera pas, pour l’obtenir, une promenade de santé. Surtout dans le contexte politique national actuel.
    En attendant que ce contexte hésitant s’éclaircisse, notamment par les changements de gouvernement annoncés, la remise en jeu de la diplomatie algérienne passe sans doute avant tout par un changement à notre ambassade à Washington.
    ReportersDZ, 11 jan 2021
    #SaharaOccidental #Maroc #DonaldTrump #Israël #Normalisation #Algérie #Palestine
  • Le viol des femmes noires et autochtones a laissé une trace indélébile dans le génome des Brésilien·nes

    Maria Clara Rossini

    Les premiers résultats du projet de séquençage génétique le plus complet jamais réalisé au Brésil montrent que les gènes hérités exclusivement par voie maternelle sont généralement noirs et autochtones, et que les gènes transmis par les pères sont presque tous issus de colonisateurs européens.

    Le projet DNA do Brasil (ADN du Brésil) vise à analyser le génome de 40 000 Brésiliens. Il s’agit de la plus grande enquête de ce type jamais réalisée dans le pays, et elle donnera lieu à la base de données génétiques la plus complète disponible sur notre population. L’initiative a été annoncée il y a neuf mois, en décembre 2019, et donne déjà ses premiers résultats.

    Les chercheurs ont déjà achevé le séquençage du génome de 1 247 Brésiliens. Les volontaires viennent de tous les coins du pays, des communautés riveraines de l’Amazonie aux habitants de la ville de São Paulo. L’un des objectifs de la recherche est médical : les données génétiques permettent d’identifier des groupes plus sensibles à certaines maladies, ce qui permet d’orienter les ressources et les efforts du SUS (Système Unique de Santé, public) avec intelligence.

    La cartographie génétique fournit également des données sur l’ascendance des volontaires. Rien que dans ces 1 247 génomes préliminaires il a été possible d’observer les variantes génétiques de 54 populations du monde. Les résultats montrent que oui, le Brésil est extrêmement métissé – mais que ce métissage ne s’est pas fait de manière équilibrée.

    Un héritage inégal

    La moitié de nos gènes sont hérités de notre mère, tandis que l’autre moitié est héritée de notre père. En général, il n’est pas possible d’identifier quels gènes proviennent de tel ou tel parent. Mais il y a des exceptions.

    Le chromosome Y est l’une d’elles. Les femmes ont des chromosomes sexuels XX, et les hommes des XY. Cela signifie que la mère transférera toujours le chromosome X au fœtus. Ensuite, le spermatozoïde du père est chargé de « décider » du sexe du bébé en envoyant le chromosome X ou Y.

    Cela signifie que chaque chromosome Y trouvé dans la population provient toujours du père, ce qui permet de retracer la lignée des hommes du pays. Il en va de même pour l’ADN mitochondrial en ce qui concerne les femmes. C’est toujours la mère qui transmet les mitochondries à son fils – les mitochondries sont des fabriques énergétiques des cellules qui ont leur propre matériel génétique – donc tout l’ADN des mitochondries d’une population a nécessairement été hérité des femmes.

    Maintenant, les résultats : 75% des chromosomes Y dans la population sont hérités d’hommes européens. 14,5 % sont d’hommes africains, et seulement 0,5 % sont d’hommes autochtones. Les 10 % restants sont pour moitié originaires d’Asie de l’Est et du Sud, et pour moitié d’autres régions d’Asie.

    Avec l’ADN mitochondrial, c’est le contraire : 36% de ces gènes sont hérités de femmes africaines, et 34% de femmes indigènes. Seulement 14 % proviennent de femmes européennes et 16 % de femmes asiatiques.

    En additionnant les pourcentages de femmes, nous obtenons que 70% des mères qui ont donné naissance à la population brésilienne sont africaines et indigènes – mais 75% des pères sont européens. La raison remonte aux années de la colonisation portugaise au Brésil. Le viol de femmes esclaves noires et autochtones était la règle.

    L’exploitation violente et l’extermination massive ont également fait que les hommes autochtones n’ont laissé presque aucun descendant – ils ne représentent que 0,5 % du génome de la population, alors que les femmes autochtones en représentent 34 %. « Ce qui s’est passé, c’est que nous avons tué ou soumis les hommes et violé les femmes », explique Tábita Hünemeier de l’Institut des biosciences (IB) de l’Université de São Paulo, qui étudie la génétique des populations et est l’une des coordinatrices du projet.

    De tels chiffres ne sont pas nouveaux pour la génétique. « C’est la norme latino-américaine », dit Hünemeier. Il en va de même pour la population de pays comme la Colombie et Cuba, qui ont également connu la colonisation ibérique. D’autres études génétiques menées au Brésil, qui n’analysent que le chromosome Y et l’ADN mitochondrial, ont montré la même tendance depuis les années 2000.

    En plus de mettre en lumière les atrocités historiques, le génome des premiers volontaires du projet a également révélé quatre millions de nouvelles variantes génétiques, qui ne sont pas enregistrées dans d’autres banques de gènes internationales. Une autre cartographie génomique récente, réalisée uniquement avec des personnes âgées brésiliennes, a montré deux millions de nouvelles variantes.

    Tlaxcala, 10 jan 2021

    Tags : Brésil, colonisation, esclavage, racisme, exploitation sexuelle, viol,

  • Maroc : La normalisation avec Israël est une défaite morale pour le régime (expert)

    Expert des affaires maghrébines: troquer la normalisation maroco-israélienne contre la question du Sahara occidental est une défaite morale pour le régime marocain

    Thierry Desroyes, chercheur universitaire et expert des affaires maghrébines et méditerranéennes, a estimé que troquer la normalisation maroco-israélienne contre la question du Sahara occidental est une défaite morale pour le régime marocain et le roi Mohammed VI .
    Un membre du Conseil suprême de la recherche scientifique de l’Institut des hautes études sociales en Espagne a confirmé que «Le président américain sortant Donald Trump a annoncé la reconnaissance par les États-Unis de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental le 10 décembre 2020, après plusieurs semaines de tension dans le sud de la région contestée et l’annonce du Polisario selon laquelle Le cessez-le-feu en vigueur depuis 1991 a été rompu.
    « Pour le Maroc, c’est une victoire importante qui renforce le caractère marocain de l’ancienne colonie espagnole, et un moyen d’obtenir plus d’investissements et d’aide financière à la lumière de la situation sociale et économique difficile que traverse le Royaume », a expliqué l’écrivain.
    Néanmoins – ajoute l’expert – « Sans un accord avec le Front Polisario et sans le soutien des Nations Unies, cette déclaration apparaît comme un coup d’État contre le cadre établi et défini par les Nations Unies », notant qu’en « liant la question de la souveraineté sur le Sahara occidental au rétablissement des relations diplomatiques avec Israël », Le roi Mohammed VI risquait d’offenser une grande partie de l’opinion publique marocaine.
    « Malgré toutes les précautions linguistiques, cette victoire peut se transformer en défaite morale si la question palestinienne ne se développe pas positivement dans les semaines à venir », a déclaré le chercheur universitaire et expert des affaires maghrébines et méditerranéennes .
    L’expert a ajouté: «Nous avons le droit de demander dans quelle mesure le régime marocain ne soutient pas non plus la politique israélienne sans finalement écarter le risque d’annexion future de nouvelles terres en Cisjordanie, car cette politique était défendue publiquement jusqu’à récemment par Benjamin Netanyahu, qui espère être réélu, notamment Merci au vote des Israéliens d’origine marocaine.
    Il a ajouté: « Les accords montrent que le roi confiant qui agit seul et est toujours à la recherche de gains géostratégiques, en incluant un Premier ministre dont le parti s’est toujours opposé à la normalisation des relations avec Israël dans ces accords, Mohammed VI tente de réduire le volume de l’opposition à ce virage diplomatique. »
    Dix ans après le « printemps arabe et quelques mois avant les élections législatives et locales, la crédibilité restante des partis politiques et du Parlement marocain est à nouveau en jeu, tout comme la liberté d’exprimer publiquement un désaccord avec les dirigeants du pays ».
    Le chercheur universitaire a conclu que « sans le mouvement de la presse et des partis politiques qui représentent vraiment le pluralisme dans la société marocaine, les sentiments populaires restent inconnus et ne peuvent pas influencer la politique du royaume ».
    source: Maghreb Part, 6 jan 2021
    Tags : Maroc, Israël, Sahara Occidental, Normalisation, 
  • La diplomatie suédoise: Il est temps d'organiser un référendum libre au Sahara occidental

    La ministre des Affaires étrangères suédoise, Ann Linde a affirmé la nécessité d’organiser un référendum d’autodétermination libre au Sahara occidental, saluant les récentes déclarations de l’ancien conseiller à la sécurité nationale américaine, John Bolton dans lesquelles il avait critiqué la reconnaissance de la prétendue « souveraineté » du Maroc sur le Sahara occidental, en échange de la normalisation avec Israël.

    Les déclarations de la ministre suédoise sont intervenues lors d’un entretien numérique organisé, vendredi, par la jeunesse socialiste suédoise, consacré au débat de la politique étrangère de la Suède, ainsi qu’aux relations internationales et aux positions politiques et de solidarité de ce pays vis-à-vis de certaines causes de libération, de décolonisation et des droits de l’Homme.
    Selon l’Agence de presse sahraouie (SPS), la question du Sahara Occidental a été au centre du débat animé par la responsable du département des relations extérieures de la jeunesse socialiste, ajoutant que les questions des intervenants étaient principalement axées sur la position de la Suède à l’égard des derniers développements enregistrés dans ce dossier. 
    Dans ses réponses, la MAE suédoise a souligné que son pays « s’est toujours opposé à tout accord illégal au sein de l’UE, tel l’accord de pêche, entre autres, et ce de par son insistance sur l’importance de permettre au peuple sahraoui d’accéder à ses droits humains ».
    La question du Sahara occidental est inscrite au niveau de l’Organisation des Nations Unies depuis longtemps, a ajouté Ann Linde, regrettant que de nombreux pays placent leurs relations avec le Maroc avant cette question.
    La cheffe de la diplomatie suédoise a, dans ce cadre, indiqué qu’elle rencontrera, la semaine prochaine, son homologue marocain auquel elle ne manquera pas de faire part de son inquiétude sur la question du Sahara occidental.
    Concernant la persistance de la vacance du poste d’envoyé de l’ONU au Sahara occidental, Mme Ann Linde a précisé avoir « contacté le secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres, pour l’interpeller sur la nécessité pour l’ONU d’intervenir et de désigner un nouvel envoyé » au Sahara occidental.
    La ministre suédoise des Affaires étrangères a, par ailleurs, salué l’article de John Bolton, ancien conseiller américain à la sécurité nationale sous Trump, dans lequel il a critiqué le président sortant et fustigé la reconnaissance par celui-ci de la prétendue souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental en échange de la normalisation avec Israël.
    Pour sa part, la responsable du département des relations extérieures de la Jeunesse socialiste a exprimé sa « profonde gratitude pour la position du ministère suédois des Affaires étrangères à l’égard de la question du Sahara occidental ».
    L’autodétermination du peuple sahraoui est une priorité pour l’Afrique
    La lutte du peuple sahraoui pour l’indépendance et l’autodétermination doit rester une priorité pour le continent africain, a indiqué une déclaration du Comité exécutif du Congrès national africain (ANC), au pouvoir en Afrique du Sud. Dans une déclaration du Comité national exécutif du parti, à l’occasion de son 109e anniversaire, qui coïncide avec le 8 janvier de chaque année, relayée par l’agence de presse sahraouie (SPS), l’ANC a affirmé que « dans le contexte du renforcement de l’unité et de la solidarité africaines, l’autodermination du peuple sahraoui est une priorité pour parvenir à l’unité et à la solidarité africaines ». Le Congrès national africain a exprimé, à plusieurs occasions et événements continentaux et internationaux, son soutien au peuple sahraoui et à son droit inaliénable à l’autodétermination et à l’indépendance.
    Le 11 décembre dernier, l’ANC avait appelé, via un communiqué, « toutes les forces internationales et progressistes » du continent à condamner l’annonce du président américain sortant, Donald Trump, de reconnaître la prétendue souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental occupé, affichant sa « consternation » quant à cette décision.
    L’ANC avait rappelé, entre autre, que le Royaume du Maroc, membre de l’Union africaine (UA) et donc engagé de fait à respecter son Acte constitutif et ses décisions, n’a aucune souveraineté sur le Sahara occidental, position reconnue par de nombreuses résolutions de l’Union africaine, des Nations Unies ainsi que par l’arrêt de 1975 de la Cour internationale de Justice.
    Le Maghreb-DZ, 11 jan 2021
    #SaharaOccidental #Maroc #Polisario #Autodétermination 
  • Les conflits nomades : De l’Afghanistan au Maghreb


    La région du Moyen Orient et de l’Afrique du Nord (Mena) est en proie à des conflits qui s’enchaînent et se répandent comme une traînée de poudre, les conséquences sont dramatiques et gravissimes aux plans social et économique.

    Par. Le général à la retraite Rabah Aggad

    NOUS assistons, ces derniers temps, à une sorte de déliquescence de certains Etats-nation, due, selon les experts, au vide géopolitique laissé par l’effondrement de l’Union soviétique au cours des années 1990.

    Les révolutions afghane et iranienne, survenues à une année d’intervalle, ont été les deux événements déclencheurs, dont les conséquences étaient inattendues sur les situations politique, économique et sécuritaire des pays de la région, voire au-delà. Elles ont réveillé de vieilles rivalités séculaires, territoriales, ethniques et confessionnelles, et donné naissance à de nouvelles formes de conflits qui structurent le monde depuis la fin de la Guerre froide.

    Par la suite, les «guerres du Golfe» et ce qu’on appelle le «printemps arabe» ont généré des mutations dont les impacts dévastateurs sur la région et les pays de l’Afrique subsaharienne sont loin d’être pleinement identifiés et encore moins maîtrisés. Ces conflits impliquent tout à la fois des armées régulières, des milices de différentes obédiences, des clans et des régimes politiques locaux ou régionaux et surtout les grandes puissances qui attisent et alimentent politiquement, matériellement et militairement le feu du brasier.

    La région est un enjeu majeur pour ces puissances, particulièrement les Etats-Unis, la Russie et, aujourd’hui, la Chine. Des Etats de la région ayant aussi des ambitions d’hégémonie vont s’impliquer également ouvertement dans des conquêtes de territoires, soutenus par certaines parties qui ont pris part au conflit. Enfin, l’entité sioniste, située au cœur du monde musulman, bénéficiant de la protection et de l’aide militaire et économique inconditionnelle des Etats-Unis et de ses alliances, ne cesse de tirer profit, depuis sa création, des évolutions géopolitiques régionales, au détriment du monde arabo-musulman.

    La première guerre d’Afghanistan (1979-1989) : la boite de pandore

    Le 27 avril 1978, la République démocratique d’Afghanistan est proclamée. Le nouveau régime pro-soviétique décide d’entamer des réformes et rencontrer l’opposition représentée par le courant conservateur islamiste mais il sera confronté à des tentatives de renversement, soutenues par les Etats-Unis, et leurs alliés notamment le Pakistan, dont le régime du général Zia Ul Haq est totalement opposé à celui de son voisin, l’Afghanistan, qui fera alors appel à l’Union soviétique, qui justifierait son intervention au nom du principe de non-ingérence.

    En effet, le 3 juillet 1979, le président Carter signe une première directive portant sur une assistance aux opposants au régime de Kaboul, autorisant ainsi les services secrets américains à apporter un soutien aux islamistes afghans. A la demande des nouveaux maîtres de Kaboul, le 27 décembre 1979, les forces armées soviétiques pénètrent en Afghanistan. Les premiers objectifs opérationnels étaient de neutraliser l’opposition armée, encouragées par les échecs politiques du nouveau régime afghan, incapable de faire face aux mouvements de la rébellion islamiste. En février 1989, soit plus de neuf années après, les forces soviétiques se retirent et la première guerre d’Afghanistan prend fin.

    La grande désillusion des volontaires islamistes étrangers

    La réalité est plus complexe. La guerre d’Afghanistan est une sorte d’entreprise tripartite entre les Etats-Unis, l’Arabie saoudite et le Pakistan. Si les Etats-Unis veulent avoir leur revanche sur l’URSS, en raison du bourbier vietnamien, l’Arabie saoudite est plus soucieuse du poids que prenait l’Iran chiite dans le Golfe persique ou arabe et pour y faire face, elle encouragerait un fondamentalisme sunnite concurrent, dira-t-on. Enfin, le Pakistan nourrissait des craintes envers l’Inde et appréhendait l’avènement à Kaboul d’un gouvernement nationaliste laïc qui s’alliera avec New Delhi. Ignorant toutes ces stratégies et calculs, les volontaires voyant dans l’Afghanistan un symbole de l’unité musulmane affluaient de partout. Cette résistance contre un ennemi commun allait occulter, pour un temps, les rivalités séculaires héritées d’une longue histoire de clivages ethniques, notamment entre Tadjiks et Pachtounes. Mais, au moment où les Soviétiques quittent, en 1989, Kaboul, le conflit interethnique se transformait en véritable guerre civile. Les volontaires étrangers se trouvent ainsi dans une situation des plus déroutantes, au fur et à mesure que l’Afghanistan sombrait dans un conflit interethnique. Certains décident de rentrer dans leurs pays et tentent de donner un sens à leur djihad en se soulevant, cette fois-ci, contre leur propre gouvernement et société.

    La révolution islamique d’Iran : le réveil du chiisme politique

    Les 5, 6 et 7 janvier 1979, les présidents, américain et français, le Premier ministre britannique et le chancelier allemand se rencontrent en Guadeloupe. En apparence, il s’agirait d’une simple réunion. Mais en coulisse, c’est l’avenir de l’Iran et le chah Mohammed Reza Pahlavi, au pouvoir depuis 1953, qui se jouent. La révolution gronde et les jours du chah sont comptés. Il est temps de le remplacer mais par qui ? Bien avant le sommet de Guadeloupe, les Etats-Unis, qui officiellement soutiennent le chah, ont porté leur choix sur l’ayatollah Khomeiny pour deux raisons : la première est qu’ils veulent éviter que le parti communiste iranien prenne le pouvoir, ce qui offrirait à l’URSS un accès maritime sur l’océan Indien et une position privilégiée pour accéder au pétrole. La seconde est qu’ils souhaiteraient «encourager les mouvements islamistes de manière à générer un chaos régional, susceptible de se propager dans les provinces musulmanes de l’Union soviétique et provoquer ainsi sa destruction».

    Le 16 janvier 1979, le chah quitte l’Iran, officiellement pour les EtatsUnis, pour se soigner d’un cancer. Le président américain dépêche le général Robert Huyser à Téhéran, le but étant de convaincre l’état-major de l’armée d’accepter de ne pas s’opposer à l’arrivée des islamistes au pouvoir. L’ayatollah Khomeiny rentre triomphalement à Téhéran pour fonder la République islamique d’Iran. En novembre 1979, la colère gronde contre les Etats-Unis, surnommés «grand satan» (Israël, petit satan), à la suite de leur décision d’héberger le chah. L’ambassade américaine est prise d’assaut et ses occupants pris en otages, les activités clandestines de la CIA y sont révélées. Les négociations diplomatiques pour libérer les 53 otages retenus prisonniers dans l’ambassade américaine à Téhéran échouent. La rupture est consommée entre les deux pays. Sur décision du président Jimmy Carter, une opération militaire est envisagée. Elle aura lieu les 24 et 25 avril 1980 mais se soldera par un échec. Les otages furent finalement relâchés après 444 jours de captivité, le 20 janvier 1981, lors du mandat de Ronald Reagan.

    La guerre Irak-Iran : d’une pierre deux coups

    Au cours de l’année 1980, malgré l’accord et les bons auspices d’Alger, l’Irak et l’Iran s’engagent dans un conflit armé. Le 22 septembre 1980, après une série d’incidents frontaliers de grande envergure, le pouvoir irakien décide de «porter des coups dissuasifs aux objectifs militaires iraniens», espérant ainsi tirer profit de l’instabilité politique post-révolutionnaire qui régnait en Iran. Les forces irakiennes bombardent les bases aériennes iraniennes et pénètrent en territoire iranien, deux jours plus tard. Le 28 septembre 1980, l’ONU adopte la résolution 479, exigeant un cessez-le-feu immédiat mais pas le retrait de l’Irak des territoires iraniens qu’elle occupe. Par cette opération, le but est de renverser la République islamique d’Iran et faire de l’Irak un Etat puissant, dans un contexte régional qui s’annonce assez difficile. Cependant, au début de l’année 1981, l’armée iranienne prend l’avantage et en juin 1982, l’Irak décrète unilatéralement un cessez-le-feu. Deux ans de guerre, l’Iran aurait «décidé» de réduire la puissance de l’Irak, de provoquer la destitution de Saddam Hussein et l’instauration d’un régime islamique. Ainsi, la guerre, qui s’inscrivait principalement dans la lignée des multiples dissensions liées aux litiges frontaliers opposant les deux pays et dans d’autres rivalités et enjeux, s’enlisait dans une guerre d’usure qui risquait d’embraser l’ensemble de la région. A partir de l’été 1982, l’Irak paralyse les infrastructures pétrolières iraniennes et s’attaque à ses pétroliers. De son côté, l’Iran poursuit ses attaques terrestres et oblige plusieurs tankers koweïtiens à accoster. Le Koweït sollicite l’aide des grandes puissances, à leur tête les Etats-Unis et l’Union soviétique. Le Conseil de sécurité de l’ONU vote la résolution 598, le 20 juillet 1987, mais l’Iran rejette le cessezle- feu. En 1988, l’Irak reprend l’offensive terrestre et réussit à restituer plusieurs positions occupées par les troupes iraniennes. En raison de la recrudescence des tensions et de la présence étrangère, notamment américaine, dans le Golfe arabo-persique, qui est loin d’arranger quiconque, l’Iran a fini par se rendre à l’évidence et accepter la résolution 598 de l’ONU : le cessez-le-feu prend effet le 8 août 1988.

    Le Koweït et la première guerre du Golfe

    Au lendemain de la guerre contre l’Iran, l’Irak se retrouve dans une situation économique difficile, avec une dette colossale, notamment envers les pétromonarchies du Golfe. En 1990, la tension monte avec l’émirat du Koweït qu’il accuse de dépasser les quotas de production de pétrole fixés par l’Opep et, par conséquent, de provoquer la chute des prix. Le Koweït, encouragé par les puissances mondiales, qui avaient alors permis l’effort de guerre irakien contre l’Iran, ne donnera guère de suite. Il en résulte une chute drastique des prix du baril, correspondant à une perte pour l’Irak de sept milliards de dollars par an, soit l’équivalent du déficit de sa balance de paiements, en 1989. Les revenus qui en résultent ne suffisent plus à subvenir aux besoins du gouvernement, et encore moins à réparer les infrastructures endommagées.

    C’est dans cette atmosphère délétère que le 25 juillet 1990, l’ambassadrice américaine en Irak, April Glaspie, demande au cours d’une entrevue avec le président irakien, le défunt Saddam Hussein, les raisons pour lesquelles l’armée irakienne se déploie massivement du côté de la frontière koweïtienne. Elle précise néanmoins à son interlocuteur que «Washington, inspiré par l’amitié et non par la confrontation, n’a pas d’opinion sur le désaccord entre le Koweït et l’Irak et pas d’opinion sur les conflits arabo-arabes». L’ambassadrice ajoute que «les Etats-Unis n’ont pas l’intention de commencer une guerre économique avec l’Irak». Ces déclarations ont fait entendre au président irakien Saddam Hussein, à tort ou à raison, que l’ambassadrice des Etats-Unis venait de lui communiquer l’aval de son pays pour l’occupation du Koweït. Le 30 juillet 1990, une ultime réunion de médiation de responsables arabes pour désamorcer le conflit est organisée à Djeddah mais elle fut un échec. Dans la nuit du 1er au 2 août 1990, l’armée irakienne envahit le Koweït.

    Réactions de la communauté internationale

    Certains pays souhaitaient que le différend soit réglé au niveau de la Ligue arabe. Une option peu probable, tenant compte de certaines intentions et convoitises nourries à l’époque par certaines puissances étrangères, y compris les EtatsUnis. L’invasion du Koweït sera condamnée par les Nations unies qui votent d’abord la résolution 660, le 2 août 1990, conduisant à des sanctions économiques immédiates contre l’Irak puis, le 29 novembre 1990, la résolution 678 autorisant le recours à la force contre les forces irakiennes, si celles-ci n’évacuaient pas le Koweït au 15 janvier 1991. La première guerre du Golfe finira par opposer, du 2 août 1990 au 28 février 1991, l’Irak à une coalition de 35 Etats, à leur tête les Etats-Unis. La guerre est planifiée en deux phases, l’opération Bouclier du désert, du 2 août 1990 au 17 janvier 1991, au cours de laquelle les troupes se renforcent et défendent l’Arabie saoudite, et l’opération Tempête du désert, du 17 janvier au 28 février 1991, phase de combat qui commence avec un bombardement aérien et naval, suivi d’un assaut terrestre qui se termine par la victoire des forces de la coalition qui parviennent à repousser l’armée irakienne hors du Koweït et à avancer vers l’Irak.

    La guerre en Afghanistan : acte II.

    Pas question de revenir en arrière, les volontaires arabes partis combattre en Afghanistan ont fini par se convertir en terroristes du groupuscule d’Al-Qaïda ou par revenir pour rejoindre des groupes extrémistes dans les pays arabes et ailleurs. Ironie du sort, le terrorisme qui a vu le jour dans les montagnes de l’Hindou Kouch, dans le lointain Afghanistan, sous l’impulsion des services secrets américains, allait frapper au cœur même des Etats-Unis.

    Au matin du 11 septembre 2001, dix-neuf terroristes détournent quatre avions de ligne et commettent les plus meurtriers attentats jamais perpétrés, avec un lourd bilan de près de 3000 morts et plus de 6000 blessés. Les Etats-Unis et de nombreux pays réagissent en renforçant leur législation antiterroriste et l’administration américaine déclare la «guerre contre le terrorisme», notamment en Afghanistan, dès octobre 2001, et en Irak, en mars 2003. Le but de l’invasion de l’Afghanistan serait, selon les Etats-Unis et leurs alliés, la capture d’Oussama Ben Laden et la destruction de l’organisation terroriste Al-Qaïda.

    En effet, dès le 14 septembre 2001, les Etats-Unis et le Royaume-Uni désignent ouvertement Oussama Ben Laden comme responsable de ces attentats. Le 18 septembre 2001, le Conseil de sécurité des Nations unies adopte la résolution no 1333 et demande aux talibans l’extradition d’Oussama Ben Laden pour comparaître devant les autorités compétentes mais ces derniers refusent, à moins que des preuves ne leur soient présentées. Début octobre, les premières unités militaires américaines gagnent la région et les opérations militaires commencent effectivement le 7 octobre 2001 par des bombardements aériens intensifs sur un pays déjà ruiné par une première guerre. Le lendemain, le secrétaire à la Défense américain, Donald Rumsfeld, annonce que la guerre se poursuivra jusqu’à la «destruction des réseaux terroristes» mais la lutte antiterroriste est loin d’être terminée.

    l L’invasion de l’Irak.

    L’invasion de l’Irak, paradoxalement baptisée «Liberté irakienne» ou «Liberté en Irak», est l’une des rares mises en œuvre du concept de guerre préventive, menée sous prétexte de parer à la menace des armes de destruction massive dont l’administration Bush prétendait détenir la preuve de leur existence en Irak dans un rapport présenté au Conseil de sécurité de l’ONU, le 12 septembre 2002.

    Les négociations devant les Nations unies pour tenter de trouver une solution pacifique au «problème irakien» n’aboutissent pas. La France, la Russie et la Chine, trois membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU, menacent de recourir à leur droit de veto pour empêcher que l’ONU n’approuve l’intervention armée contre l’Irak. La probabilité qu’une majorité du Conseil de sécurité refuse de suivre les Etats-Unis et le Royaume-Uni est forte, quoi que ces derniers aient fini par envahir l’Irak sans l’aval du Conseil de sécurité, ce qui constituait une véritable violation de la Charte des Nations unies. Les forces de la coalition menée par les Etats-Unis, dont les troupes sont déjà pré-positionnées dans le Golfe arabo-persique et prêtes à intervenir, mènent, le 20 mars 2003, l’assaut sur Baghdad, leur objectif étant de faire tomber le régime baâthiste de Saddam Hussein. Le 1er mai 2003, le président George W. Bush annonce la fin des combats. Toutefois, la guerre se poursuivra pour impliquer plusieurs groupes d’insurgés, de milices, de membres d’Al-Qaïda, l’armée américaine et les forces du nouveau gouvernement irakien et l’Etat islamique d’Irak, formé en 2006.

    A partir de 2009, sous la présidence d’Obama, les Etats-Unis se désengagent progressivement en finançant notamment les milices sunnites. Le 18 décembre 2011, les forces américaines achèvent leur retrait du pays. La coalition militaire en Irak aura duré près de neuf ans. Elle laisse derrière elle un pays en ruine et, jusqu’à ce jour, profondément divisé sur les plans ethnique et religieux.

    Le «printemps arabe» : des changements en cascade

    Les Etats-Unis se sont fixés pour mission d’exporter leur modèle de démocratie auprès des peuples de la région. L’administration Bush, sous une influence néoconservatrice, lance dans le courant de l’année 2002 son Initiative de partenariat, en réponse «aux appels pour le changement démocratique au Moyen-Orient et en Afrique du Nord» (Mena). L’Initiative, dirigée par le département d’Etat, va installer deux bureaux régionaux, un à Tunis et un deuxième à Abu Dhabi. En 2003, un projet à caractère politique : le «Grand Moyen-Orient» (GMO) est lancé. En effet, lors du discours sur l’Etat de l’Union, prononcé le 24 janvier 2004, George Bush expose sa «vision» par ces termes : «Tant que le Moyen-Orient restera un lieu de tyrannie, de désespoir et de colère, il continuera de produire des hommes et des mouvements qui menacent la sécurité des Etats-Unis et de nos amis. Aussi, l’Amérique poursuit-elle une stratégie avancée de liberté dans le Grand Moyen-Orient.»

    Farouche opposant à la guerre d’Irak, Barack Obama sera élu, en 2009, président des Etats-Unis. Il partage, en effet, avec la majorité du peuple américain, cette volonté de mettre fin à une décennie d’intervention militaire, marquée par des revers. Ces éléments vont jouer un rôle déterminant dans le changement de la stratégie et la définition des modalités de participation des Etats-Unis dans les conflits à venir. Le 12 août 2010, le président Obama demande aux membres du Conseil de sécurité nationale (NSC) de lui établir une étude approfondie concernant la région du Mena. Il s’agissait en somme de savoir «si le soutien américain aux régimes autoritaires de plus en plus impopulaires et répressifs n’est pas plus risqué pour les Etats-Unis, à long terme, qu’une campagne vigoureuse d’incitation aux réformes». Cette étude est menée cas par cas mais, à peine achevée, l’affaire de Sidi Bouzid éclate. A travers la Tunisie, des dizaines de milliers de personnes expriment leur rage contre un régime répressif et autoritaire à la tête du pays depuis plus de 23 ans, c’est le début de ce qu’on appelle le «Printemps arabe» qui «déferle» sur plusieurs pays.

    Pour Washington, le cas de la Tunisie est relativement facile et accorde son soutien quasi-immédiatement aux manifestants. Quant à l’Egypte, pièce maîtresse de l’architecture de sécurité régionale, scellée avec les accords de Camp David de 1979, la situation est plus complexe et provoquera d’importantes dissensions au sein même de l’équipe Obama.

    Concernant la Libye, le président Obama refuse d’impliquer son pays, préférant la mise en œuvre de sa stratégie «Direction de l’arrière», limitant le rôle des EtatsUnis à un «simple» soutien logistique à l’action de l’Otan. Et ce, dans le cadre de la résolution des Nations unies 1973/2011, prévoyant une zone d’exclusion aérienne au-dessus de la Libye pour protéger la population civile et permettre aux pays membres de l’ONU, qui le souhaitent, de «prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger les populations et les zones civiles menacées d’attaques en Jamahiriya arabe libyenne». Plus tard, certaines puissances de cette alliance vont se livrer sans réserve à des frappes et l’intervention en Libye aura abouti au renversement du régime libyen, un fait qui aura conduit au chaos actuel qui menace la région de l’Afrique du Nord et du Sahel.

    Membre du Conseil de coopération du Golfe (CCG), la monarchie du Bahreïn est en prise à un soulèvement qui risque de menacer ses intérêts géopolitiques et géostratégiques. La monarchie abrite le commandement avancé de l’United States Central Command qui couvre militairement le Proche Orient, l’Egypte, l’Asie centrale et le quartier général de la Ve flotte qui patrouille dans le Golfe et l’océan Indien. Dans le cadre du pacte d’autodéfense régionale, la dynastie des Al Khalifa fera appel à ses partenaires. Le 14 mars 2011, les armées saoudienne (12000 soldats) et émiratie s’engagent au Bahrein pour mettre fin à ce mouvement de révolte qui menace non seulement la dynastie sunnite des Al Khalifa mais aussi les intérêts occidentaux.

    Le 15 mars 2011, la Syrie s’embrase, le conflit va s’internationaliser avec l’entrée en scène de groupes djihadistes mais surtout plusieurs acteurs et pays étrangers dont l’intervention allait hélas compliquer davantage la situation au lieu de la défaire, et ce, en raison, en partie, de certains calculs politiques étroits. L’intervention militaire directe de la Russie, en 2015, n’allait pas également arranger les choses en Syrie dont le régime est accusé par les puissances occidentales de recourir à l’arme chimique contre les civils. Les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la France bombardent les positions de l’armée syrienne. Cet imbroglio politico-militaire est loin d’apporter une quelconque solution mais bien au contraire, plusieurs villes syriennes sont en ruine. Enfin, pour certains, le conflit yéménite est une superposition de problèmes internes, d’ordre tribal et/ou confessionnel, qui a été ravivé par le printemps arabe de 2011. Ali Abdallah Saleh, président depuis 1990, est contraint, sous la pression de la rue, de démissionner au profit d’Abd Rabbo Mansour Hadi. Estimée marginalisée et profitant de la faiblesse du nouveau pouvoir, la communauté zaydite, du nord du Yémen, regroupée sous la bannière d’Abdelmalek Al-Houthi, s’empare de la province de Saada, avant de progresser vers le Sud, en 2014, et de prendre la capitale Sanaa, puis le port d’Hodeïda. Ryad et ses alliés des émirats montent une coalition de pays arabes, en mars 2015. Les Etats-Unis apportent à la coalition menée par l’Arabie saoudite un soutien politique et bloquent toute résolution du Conseil de sécurité ou l’envoi d’un émissaire des Nations-Unies pouvant conduire à la réconciliation des frères ennemis au Yémen.


    El-Djeich N° 690, Janvier 2021

  • Maroc – Sahara Occidental : La guerre s'intensifie

    L’armée sahraouie bombarde des cantonnements marocains

    L’armée de libération sahraouie poursuit toujours ses attaques contre les cantonnements des forces d’occupation marocaines, notamment le long du mur de sable alors que l’occupant marocain a tiré sur des civils mauritaniens.
    Après avoir ciblé de nombreux positions des soldats de l’occupation au cours de la semaine écoulée qui ont laissé certaines de leurs bases en ruines, les unités de l’Armée sahraouie ont lancé dimanche soir une série de “bombardements dévastateurs, sur des positions de l’armée royale marocaine retranchées à Miran, dans le secteur de Smara”.
    En outre, “des unités avancées de l’APLS ont bombardé des positions ennemies retranchées dans la région de Lafreena du secteur de Smara”, selon un communiqué militaire sahraoui. D’autres positions marocaines à Aouserd et Al Bakary ont été visées par des raids intenses.
    Les bombardements ont également visé les positions de “soldats ennemis retranchées dans la région ouest de Fadrt Tamat, secteur Hawza, et dans la région d’Amqali du secteur Smara, dans la région d’Akwirt Ould Abalal, secteur d’Al Mahbas, la région de Rus Sebti, secteur d’Al Mahbas, et la région d’Abirat Tinushad, secteur d’Al Mahbas”, a conclu le communiqué.
    Plus au sud, vers la zone de Al Guerguerat, la tension est vive. L’armée marocaine a détruit ce samedi un véhicule civil mauritanien, qui transportait des orpailleurs. Aucune information sur des pertes humaines n’a été fournie. Il y a quelques jours, des soldats des FAR ont tiré sur une patrouille de l’armée mauritanienne, sans faire de victimes. Cette zone qui jouxte trois territoires, mauritanien, sahraoui occupé et des régions libérées connaît une grande fébrilité. Les FAR surexcitées et sur le qui vive tentent de construire des fortifications nouvelles et d’installer de positions de surveillance. Cette zone connaissaît dans son principal couloir une certaine activité, il y a quelques mois, avant de devenir déserte depuis l’agression des FAR contre les populations civiles sahraouie en novembre dernier. En face, les troupes mauritaniennes observent l’agitation des forces d’occupation marocaines, qui semblent se résoudre à rebâtir un autre mur de sables dans ce secteur.
    Sur le plan politique, des universitaires, chercheurs et activistes de différents pays ont signé une pétition dans laquelle ils condamnent la reconnaissance par le président américain sortant, Donald Trump, de la prétendue souveraineté marocaine sur le Sahara occidental, exigeant son annulation pure et simple.
    Selon le texte de la pétition diffusé sur les réseaux sociaux, “la décolonisation du Sahara occidental ne consiste pas seulement à imposer le respect des normes des Nations unies en matière d’autodétermination et contre la domination étrangère. Il s’agit aussi de contrecarrer les forces coloniales et l’occupation qui ont longtemps déstabilisé l’Afrique et le Moyen-Orient”, rappelant que “le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination a été reconnu par la Cour internationale de justice, la Cour européenne de justice, l’Union africaine, l’Assemblée générale de l’ONU et le Conseil de sécurité de l’ONU”.
    D’un autre côté, les signataires du document estiment que le mandat de la Mission des Nations unies pour le référendum au Sahara occidental (Minurso) doit être élargi pour inclure le suivi de la situation des droits de l’homme dans les territoires occupés du Sahara occidental.
    Tags : Sahara Occidental, Maroc, Polisario, 
  • «La doctrine sécuritaire algérienne et les nouvelles menaces régionales»

    La doctrine sécuritaire algérienne reste l’objet d’attention des chercheurs dans le domaine des études sécuritaires et stratégiques, notamment avec l’évolution des nouvelles menaces régionales, comme l’a évoqué le professeur en sciences politiques et relations internationales à l’université d’Alger, M. Salim Bouskine, dans son livre intitulé «La doctrine sécuritaire algérienne et les nouvelles menaces régionales», édité par la nouvelle publication universitaire de l’année 2020, en 233 pages. 

    CET ouvrage comprend une étude analytique des différentes menaces sécuritaires croissantes dans l’environnement régional de l’Algérie, notamment avec les répercussions de ce qu’on appelle «le printemps arabe» sur les pays voisins et les problématiques sécuritaires au Sahel qui deviennent de plus en plus complexes, suite à l’ingérence étrangère, particulièrement, selon l’auteur, celle de la France dans la région, qui démontre l’adaptation de la doctrine sécuritaire algérienne à ces défis pour préserver et renforcer la sécurité nationale. 
    Dans le même contexte, l’écrivain a abordé en détail les répercussions politiques, sécuritaires, économiques et sociales dudit «printemps arabe» qui a causé l’effondrement de certains Etats et leurs institutions et a induit à l’instabilité et au chaos et provoqué des conflits tribaux, régionaux pour détruire les Etats en interne, avec l’émergence de milices armées soutenues par des parties étrangères en tant que nouveaux acteurs non-étatiques, telle que la Libye dont la crise a été aggravée par l’intervention étrangère. S’agissant des répercussions économiques et sociales, celles-ci peuvent se résumer en la détérioration du niveau de vie des Etats ainsi que l’absence de l’investissement extérieur du fait de l’insécurité. 
    En outre, ce livre a traité des différentes menaces et risques qui pèsent sur la sécurité et la stabilité de l’Algérie, du fait de son environnement régional, à l’ombre des mutations et des changements survenus dans les pays voisins, aux frontières est, sud et la région du Sahel, en général. De même, l’écrivain a mis en avant les menaces croissantes et asymétriques du terrorisme, du crime organisé, de l’immigration clandestine, du trafic d’armes et de drogues. A titre d’exemple, la menace terroriste persiste malgré le fait qu’elle ait été éradiquée à l’intérieur, puisque les frontières de l’Algérie sont liées aux pays limitrophes. Etant donné la détérioration de la situation sécuritaire dans certains Etats de la région, ceci a créé un climat propice à la propagation des organisations et groupes terroristes ainsi que le trafic d’armes et la contrebande. L’Algérie a pu arrêter 200 personnes accusées de trafic d’armes, des dizaines de groupes mafieux et saisi 1500 armes en 2011. 
    De plus, l’Algérie souffre toujours de la menace liée au trafic de drogues, puisque le Maroc a produit, en 2008, 877 000 tonnes de cannabis et, selon les évaluations du Fonds monétaire international, les recettes financières du trafic de drogues sur le plan mondial sont estimées entre 300 et 500 milliards par an. En ce qui concerne l’immigration clandestine, le chercheur a démontré les efforts de l’Algérie visant à mettre fin à ce phénomène, notamment les menaces qui y sont liées avec certaines organisations terroristes, les réseaux du crime organisé transfrontalier et le trafic d’être humains. 
    Pour faire face à toutes ces menaces, le chercheur a démontré l’adaptation de la doctrine sécuritaire algérienne aux mutations et changements, en passant du concept de la sécurité dure à la sécurité douce, à travers l’adoption d’une stratégie basée sur un ensemble de mécanismes sécuritaires et militaires, dont l’ANP a pris en charge la mission de lutte antiterroriste. Sur le terrain, de nombreuses mesures ont été prises avec une nouvelle vision qui exige la restructuration de certaines forces par la création de nouvelles structures qui ont pour mission principale la lutte antiterroriste, à l’instar des unités (détachements de la garde communale et d’autodéfense). Au niveau des frontières, l’Algérie a intensifié sa présence en matière de sécurité et de renseignement tout le long de la bande frontalière nationale, à l’ombre des crises qui sévissent dans les pays voisins, et ce, afin de faire échouer toute tentative visant à exploiter ces situations et porter atteinte à notre sécurité nationale. De grandes capacités matérielles et humaines ont été mobilisées par notre pays pour assurer sa sécurité aux frontières avec la Libye, en raison de la complexité de la crise, comme il a adopté le principe du dialogue et de la réconciliation nationale. Afin d’empêcher le financement du terrorisme, le paiement de la rançon a été incriminé dans le but de tarir les sources du terrorisme. 
    Au plan de la coopération, l’Algérie a élevé le niveau de la coordination sécuritaire commune avec certains pays limitrophes pour faire face aux différentes menaces, en plus de ses efforts diplomatiques pour la lutte antiterroriste à travers sa participation aux activités et manifestations internationales ainsi que son adhésion et sa ratification des conventions internationales et régionales relatives à la lutte contre le terrorisme. 
    Pour conclure son ouvrage, le chercheur a constaté que les mécanismes sécuritaires, militaires, diplomatiques et juridiques adoptés par notre pays pour faire face aux menaces sécuritaires et régionales issues des crises des pays voisins, sont efficaces et efficients aux fins de s’adapter à la situation et maintenir la sécurité et la stabilité. L’Algérie a déployé des efforts fructueux à l’échelle internationale et régionale dans le règlement de certaines crises, telle que la crise malienne, en réunissant les protagonistes et en adoptant la voie du dialogue, loin de l’intervention étrangère, ainsi que les efforts de règlement de la crise en Libye, sans oublier son soutien permanent et immuable aux questions justes dans le monde.
    El Djeich n°690, janvier 2021
    #Algérie #ANP #Mali #Sahel #Libye #Terrorisme
  • Le temps des complots

    par Arezki Metref

    Quand Donald Trump se dégonfle, ça fait un sacré appel d’air ! C’est à cette sorte de tirage qui facilite la combustion que nous avons assisté comme à un spectacle plutôt surprenant : le dégonflement d’une baudruche !

    Depuis son accession pour le moins tonitruante au pouvoir en 2017, il n’a jamais cessé de brasser de l’air. Ses rodomontades dignes d’un satrape de conte cruel, son incorrection ostentatoire, son absence totale de surmoi, ses outrages répétés à la diplomatie et même, dans certains cas, à la simple politesse, ont installé, dans la première puissance mondiale, un processus de dégénérescence qui a tôt fait de contribuer à polluer le climat international qui, il faut le dire, était déjà pas mal entamé.

    Entre autres turpitudes qui resteront comme des stigmates du milliardaire incontrôlable : le déménagement de l’ambassade US de Tel-Aviv à Jérusalem cautionnant de ce fait l’atteinte aux résolutions de l’ONU qui ne reconnaît pas cette ville comme la capitale d’Israël, le troc avec le Maroc de la reconnaissance d’Israël contre la « marocanité » du Sahara Occidental et d’autres joyeusetés du même acabit.

    La dernière séquence de la mise en scène, à laquelle a participé Trump, de la forme la plus primitive de la politique, c’est-à-dire l’usage trash de la force, la diabolisation continue de l’adversaire, la division, lui a été fatale. On savait qu’il était capable de tout, mais le dernier round est une surprise pour les plus blasés. C’est « une tentative rapide de coup d’État. En un mot, c’était fasciste », déclare le Parti communiste des États-Unis.

    L’assaut donné par les partisans du Président milliardaire populiste contre le Capitole, le cœur nucléaire de la démocratie américaine, considéré comme un lieu sacré, le jour même où les grands électeurs devaient confirmer la victoire de Joe Biden, le candidat démocrate rival honni, est un acte inédit.

    Donald Trump, en chef de guerre, lance contre le Capitole ses troupes déterminées à en découdre enfin, c’est l’excès de trop. À partir de là, tout commence à s’effondrer pour l’intrus de la Maison-Blanche. Ses proches le lâchent. A quelques jours de la passation de pouvoir entre lui et son successeur, ses ministres démissionnent en cascade, signe de leur condamnation de son attitude. Son compte Twitter, grâce auquel il sévissait à toute heure du jour et de la nuit, lui est retiré, et définitivement. Mais, et c’est le pire, Nancy Pelosi, responsable des démocrates au Congrès, a entrepris de s’entretenir avec les chefs de l’armée américaine pour s’assurer que Donald Trump – un « Président déséquilibré » et « instable », dit-elle – ne lance, en guise de feu d’artifice avant sa sortie, des hostilités militaires ou n’accède aux codes de lancement et ordonne une frappe nucléaire. C’est le style !

    Au-delà de l’anecdote plus ou moins historique, pour spectaculaire que soit le chaos découlant des violences du Capitole, il y a sûrement une ou deux moralités à tirer de ce qui vient de se passer du fait du refus de Trump de reconnaître sa défaite et du complotisme qui lui sert de culture politique. Ces moralités ne sont pas définitives, cela va de soi.

    Tout est là, dans le spectre du complot. Trump a instillé cette idée qu’il est victime d’un complot et les États-Unis, auxquels il s’identifie, naturellement, n’échappent pas aux visées des conspirationnistes. Complot de qui ? De tout ce qui n’est pas lui !

    Galvanisés par les propos euphorisants de Donald Trump, ses nervis montent à l’assaut du Capitole. Violences. Morts ! Le flagrant résultat chaotique le contraint à dénoncer ses propres ouailles devenues soudain des extrémistes, et cette volte-face ultrarapide, qui n’a pris que quelques heures, a instantanément lézardé la mouvance d’extrême droite, suprématiste blanche, exhalant des miasmes néo-nazis, sur laquelle il s’est toujours appuyé.

    On pourrait presque soupçonner, en empruntant un peu de complotisme à Trump et ses fans, que des forces centrifuges ont trouvé le moyen de le pousser à la faute. Si tel est le cas, ça a réussi !

    Le casus belli constaté, il est confirmé que l’extrême droite sur laquelle il s’appuie n’a aucun respect de la démocratie. Elle a eu le vent en poupe avec lui. Elle subit un désastre avec cette histoire en apparaissant pour ce qu’elle est, une minorité d’enragés qui met les règles de la démocratie à la sauce de ses intérêts.

    Le passage de Trump au pouvoir a coïncidé et donné un coup de fouet à la montée de l’extrême droite dans beaucoup de pays du monde. Outre de nombreux pays d’Europe où il a ses supporters, le Président brésilien Jair Bolsonaro a continué jusqu’au bout à soutenir Trump en déclarant que la crise entraînée par l’attaque du Capitole est causée « par le manque de confiance » des Américains à l’égard des élections en relayant les accusations de fraude de Trump.

    L’autre moralité est moins subsidiaire. Les décisions contraires au droit international qu’a osé prendre Trump – (Ambassade des USA à Jérusalem, troc américano-israélo-marocain, etc.) — et qu’aucun président américain n’aurait sans doute pu prendre, ne sont pas antinomiques avec une vision géostratégique. Joe Biden, visiblement plus conscient du devoir de respecter les formes, ne les aurait sans doute pas prises avec cette désinvolture. Mais il a le pouvoir de revenir dessus. On peut gager qu’il n’en fera rien !
    A. M.

    Le Jour d’Algérie, 10 jan 2021

    Tags : Etats-Unis, USA, Algérie, Maroc, Sahara Occidental, Israël, Donald Trump, Palestine, Jérusalem,