par Slimane Laouari
L’autre fois, un ami généralement bien inspiré, nous faisait part de son étonnement qu’au terme de la deuxième semaine de Ramadhan, nous n’ayons pas encore entendu parler de « déjeûneurs ». Comme en plus de la pertinence de ses observations, il n’est pas mal non plus dans le sens de l’humour, il avait enchaîné, avec son habituelle sagacité : « C’est vraiment un mois de Ramadhan fade (samet dans le texte original).
Non seulement les veillées sont réduites à leur portion congrue, les déplacements problématiques, les prix dingues et l’ambiance générale pas du tout enthousiasmante, voilà qu’on nous… prive aussi des traditionnelles et succulentes « parties de déjeûnage » qui ont rythmé ce mois depuis quelques décennies, au point de l’accompagner avec autant de régularité que la zlabia ou Hamoud Boualem.
Du coup, on l’imagine bien dans une sublime narration avec comme fil conducteur : le Ramadhan en Algérie, les parfums de ses marchés, ses pâtisseries traditionnelles, sa chorba frik, ses spectacles, ses mosquées bondées et ses… déjeûneurs démasqués et punis ! » Sérieusement, l’ami en question nous disait donc son… désarroi de devoir manifestement se passer des merveilleuses scènes dont nous raffolions jusqu’à un passé récent, l’année passée, s’il faut absolument être précis.
Vous vous rendez compte comme on pouvait se délecter d’une merveilleuse descente de police dans une épicerie d’Azazga où une bande de dangereux mangeurs descendait des boîtes de sardines les mâchoires déployées ? Ou alors, de ce brave et héroïque agent de la… Protection civile qui a déjoué une tentative de casse-croutage sur une plage de Tichy ? Et ces gendarmes, agissant sur dénonciation patriotique, ont neutralisé un maçon dans la cabane de son chantier alors qu’il était en train de glouglouter dans une bouteille d’eau !
Vous vous rendez compte de tous les bonheurs dont nous sommes désormais orphelins ? Une explication ? Plutôt plusieurs, selon notre ami qui, en plus de sa pertinence et de sa dérision légendaires, a réponse à tout. Les voilà donc, ses possibilités d’explication :
1 les déjeûneurs ont jeûné cette année, parce que ce n’est pas le moment de faire de l’idéologie.
2 Les vigiles habituels ont pris un congé parce que c’est le moment de faire de la tactique.
3 Les policiers ne peuvent plus s’occuper des bouffeurs de Ramadhan maintenant que même les pompiers font des manifestations.
4 On a parlé trop vite ; il reste 12 jours et ça suffit pour rattraper le retard.
Le Soir d’Algérie, 3 mai 2021
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