La Tunisie en appelle au Fonds monétaire international (FMI) pour faire face au « mur » de la dette. Son ministre des Finances est à Washington cette semaine pour entamer les discussions avec le Fonds dans un contexte sanitaire et social explosif.
En Tunisie, la campagne de vaccination est encore balbutiante et les hôpitaux, débordés, frôlent la pénurie d’oxygène. Mais le Premier ministre estime que son pays ne peut pas se payer le luxe d’un nouveau confinement pour endiguer cette troisième vague de contaminations. Car l’économie est en déroute, les finances publiques aux abois. Les industries fournissant travail et devises, le tourisme, le textile, ont été décimées par le confinement imposé au monde entier depuis un peu plus d’un an. Résultat, les dépenses sociales se sont envolées et les rentrées fiscales ont plongé. Le déficit budgétaire de 2021 triple par rapport à l’année précédente, il représente 11,5% du PIB et la dette représente maintenant 100% du produit intérieur brut.
La Tunisie pourrait se retrouver en défaut de paiement?
C’est une menace à moyen terme. Cette année, le gouvernement doit rembourser au moins un milliard de dollars aux États-Unis. Les échéances seront beaucoup plus élevées les années suivantes. Plus le « mur » de la dette s’élève et se rapproche, plus il est urgent d’agir. Certains experts penchent pour une annulation de dette ou une restructuration. Le gouvernement écarte cette option, parce que ses effets sur un pays à revenu intermédiaire sont assez négatifs. Cela retarde son retour sur le marché et la Tunisie a absolument besoin de lever des fonds pour financer son développement. Les multiples plans d’aide internationale accordés depuis dix ans n’ont pas suffi. L’intérieur du pays souffre toujours d’un sous-développement chronique, le chômage affecte aujourd’hui près de 2 actifs sur 5. Après avoir obtenu du FMI une facilité de paiement de 750 millions de dollars en 2020, dans le cadre de la pandémie, la Tunisie demande maintenant une rallonge beaucoup plus importante : 4 milliards de dollars. Pour boucler son budget et sortir de la spirale du surendettement.
Négocier avec le FMI, cela veut dire accepter une cure d’austérité ?
Le FMI, dirigé par la Bulgare Kristalina Georgevia n’est plus celui des années 1980 obsédé par les coupes sombres dans les pays qu’il soutient. Mais ses principes n’ont pas changé. Il ne prête qu’aux pays qui consentent des programmes d’économies drastiques. Couper dans les subventions à l’alimentation ou à l’énergie, par exemple, proposent ses experts, mais en préservant des aides ciblées pour les plus pauvres. Le FMI demande aussi des coupes dans les dépenses de salaire de la fonction publique, ces dépenses représentent plus de 17% du PIB, l’un des niveaux les plus élevés au monde. À titre de comparaison, la France, un pays avec un secteur public important, consacre 13% de son PIB aux salaires de ses administrations.
Dans son rapport sur la Tunisie publié en janvier, le FMI appelle à un nouveau pacte social
Un pacte qui a été trouvé avec l’UGTT. Le principal syndicat accepte les dégraissages dans la fonction publique, mais il reste opposé à toute privatisation. C’est la troisième exigence du FMI. Car les entreprises publiques tunisiennes sont, elles aussi, très endettées, et peu compétitives. Ces demandes du Fonds ne sont pas très originales, elles figuraient déjà sur la feuille de route du programme engagé en 2016, mais les méandres et les rebonds des multiples crises que traverse la Tunisie les ont fait passer au second plan. Ces exigences reviennent au pire moment. Aujourd’hui, le gouvernement tunisien, en proie à une nouvelle crise politique, doit à la fois sauver des vies et imposer une purge à son administration tout en évitant d’appauvrir les plus fragiles. Les Tunisiens se donnent deux mois pour parvenir à une solution avec le FMI, un accord efficace pour les finances publiques et le moins douloureux possible pour la population.
RFI, 03 mai 2021
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