par Maître Takioullah Eidda
Le 14 novembre 1975, à Madrid, l’Espagne, alors puissance coloniale, signait un accord avec la Mauritanie et le Maroc, dit «Accord de Madrid».
En vertu de cet accord, la région du Sud (Wadi Edahab), à savoir les villes de Dakhla, Awserd, El Argoub, Tichla, Legouéra, etc, revenaient à la Mauritanie et Lâyoun, Smara, Boujdour et tout le Nord revenaient au Maroc.
Le 5 août 1979, un accord de paix fut signé entre la Mauritanie et le Front Polisario, lequel spécifie à son article 3 I.a) que:
«La République Islamique de Mauritanie déclare solennellement qu’elle n’a et n’aura pas de revendications territoriales ou autres sur le Sahara Occidental».
Nulle part dans cet accord, la Mauritanie n’a renoncé à son statut de «puissance administrante» de la partie du territoire qu’elle occupait. Cette réserve se comprend aisément aujourd’hui, compte tenu des enjeux relatifs à la sécurité de ses frontières et à l’incertitude entourant l’avenir du Sahara Occidental en tant que tel.
Sans chercher à renégocier avec la Mauritanie et l’Espagne les termes de l’accord de Madrid du 14 novembre 1975, le Maroc a tout bonnement, unilatéralement et illégalement, annexé les parties Sud du territoire, délaissées volontairement par la Mauritanie dans la précipitation et l’écœurement.
En revanche, la Mauritanie a tenu à conserver la bourgade de Lagouéra. Cette décision a été respectée par le Maroc, compte tenu de sa reconnaissance expresse, suivant l’accord de Madrid le 14 novembre 1975, de la souveraineté de la Mauritanie sur le Wad Edhahab.
Alors, en vertu de quel droit, accord, traité ou reconnaissance internationale le Maroc peut revendiquer aujourd’hui un statut quelconque sur Lagouéra? AUCUN!
Mieux: en tant que «puissance administrante», à laquelle l’Espagne a remis le territoire, la Mauritanie peut juridiquement et valablement demander au Maroc le retrait pur et simple de toutes les zones du Sud qui lui revenaient suivant l’accord de Madrid du 14 novembre 1975.
Ce n’est pas parce que la Mauritanie a renoncé à toute revendication sur le Sahara Occidental, que cela lui enlève pour autant le droit de conserver et de gérer ce territoire en tant que «puissance administrante», en attendant un règlement définitif accepté par les parties et entériné par les Nations-Unies.
Le jour où un tel règlement interviendrait, la Mauritanie a déjà reconnu, et le réitère à chaque fois que l’occasion se présente, qu’elle n’a pas de revendication sur le Sahara Occidental et qu’elle s’attache aux principes inviolables des Chartes de L’ONU et de l’Union Africaine relatifs au droit des peuples de disposer d’eux-mêmes et à l’intangibilité des frontières héritées de l’époque coloniale.
Il est donc dans l’intérêt du Maroc de se tenir bien tranquille quand vient le temps de parler de la zone de Lagouéra, car elle met en évidence son statut d’occupant dans la partie Sud du Sahara Occidental, à l’instar de son statut dans le Nord de ce territoire: statuts de plus en plus décrié par les instances internationales, y compris par la Cour Européenne de Justice, laquelle a décidé, le 10 décembre 2015, qu’aucun pays européen ne peut inclure dans ses accords avec le Maroc le territoire qu’il occupait illégalement: le Sahara occidental.
Maître Takioullah Eidda, avocat
Nouakchott, Mauritanie.
Libres opinions, 02.05.21
Etiquettes : Mauritanie, Maroc, La Güera, Sahara Occidental, Accord Tripartie de Madrid,
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