Après les variants britannique et nigérian, le redoutable variant indien, qui met l’Inde à genoux depuis près d’un mois, fait son apparition en Algérie, alors que les frontières sont restées «officiellement» fermées depuis mars 2020.
Lors du dernier Conseil des ministres, la décision a été prise de maintenir les frontières terrestres, maritimes et aériennes fermées et de redoubler de vigilance. Cette mesure a été mise en place depuis une année pour éviter la recrudescence des cas de Covid-19 et l’importation de souches mutantes.
L’introduction du variant indien par un ressortissant indien confirmé positif à la Covid-19 portant la souche hybride, telle que décrite par l’Institut Pasteur d’Algérie (IPA), ainsi que six autres cas contaminés suscitent les interrogations et les inquiétudes des épidémiologistes, en particulier, et de la population en général.
Le dispositif portant les mesures sanitaires aux frontières ne semble pas avoir fonctionné et les recommandations émises par le comité scientifique dans le cadre du protocole sanitaire alternatif pour le rapatriement des Algériens à l’automne dernier n’ont pas été appliquées à la lettre. Parmi ces recommandations, figure l’obligation d’isoler les rapatriés.
En dehors du test de dépistage RT/PCR négatif n’excédant pas les 72 heures, rien de particulier n’est exigé aux voyageurs. Ce n’est un secret pour personne, certains «privilégiés» n’arrêtent pas de faire des va-et-vient entre la France et l’Algérie, Londres et Dubaï. C’est la raison pour laquelle d’ailleurs cette décision de fermer les frontières et de soumettre les sorties à l’étranger à autorisation a été jugée injuste.
Plusieurs catégories de personnes devant se rendre à l’étranger pour des raisons impérieuses se sont vu refuser cette autorisation. Beaucoup d’autres Algériens ont été empêchés de revenir au pays afin d’éviter l’importation de variants de la Covid-19. Alors, comment la souche indienne a donc été introduite en Algérie ?
Le ministre de la Santé, Abderrahmane Benbouzid, a confirmé l’information, hier, à l’issue de sa visite d’inspection à l’hôpital Zemirli, à Alger. Il a déclaré qu’«il s’agit d’un ressortissant indien venu de Doha qui travaille sur un chantier à Koléa, dans la wilaya de Tipasa, qui a été déclaré positif à la Covid-19 portant la souche indienne, suite au séquençage effectué par l’Institut Pasteur d’Algérie».
M. Benbouzid a souligné que «tous les sujets contacts ont été testés et séquencés». «Les six cas confirmés sont en confinement et les enquêtes épidémiologiques ont été déclenchées, c’est ce qui a permis de diagnostiquer les autres cas. D’autres cas pourraient être aussi détectés», a-t-il précisé.
Le ministre de la Santé a insisté sur le respect des mesures barrières tout en regrettant l’absence de prévention et la non-observance face à ces mesures, notamment le port du masque. Interrogé sur la quantité des doses de vaccins réceptionnée la semaine dernière, le Pr Benbouzid n’a pas donné de chiffres. Il a toutefois qualifié cette quantité de «très peu», et a néanmoins annoncé un nouvel arrivage important, dans le courant de ce mois de mai, de doses du vaccin russe Sputnik V.
Le ministre de la Santé a laissé entendre qu’il ne faut pas compter sur les vaccins du fait que «l’Inde, qui est le plus grand producteur de vaccins dans le monde, a décidé d’arrêter l’exportation pour assurer la vaccination de masse de sa population».
Le directeur de l’IPA, le Dr Fawzi Derrar, a annoncé, sur les ondes de la Radio nationale, que «le variant indien de sous-type 2, qui comporte des différences par rapport au mutant hybride circulant actuellement en Inde (absence de la mutation E484K) a été détecté sur des ressortissants indiens travaillant dans un chantier de construction à Tipasa». Et d’affirmer que «la contamination a été circonscrite».
Des médecins, praticiens, spécialistes en infectiologie épidémiologique appréhendent ce virus et souhaitent que le nombre de cas déclarés ne sera pas revu à la hausse dans les prochains jours. «Nous sommes dans l’incapacité de vivre le scénario indien. Nous n’avons ni moyens humains ni matériels pour y faire face», lance un urgentiste d’un CHU d’Alger. Certaines sources n’écartent pas la possibilité de voir un cluster se former dans les villes limitrophes «au vu de la rapidité de la transmission de ce variant».
Pour le président de la Société algérienne d’infectiologie, le Dr Mohamed Yousfi, l’apparition du variant indien était inévitable. «C’est le résultat du non-respect des mesures sanitaires exigées à travers le monde. Nous avons soutenu le maintien de la fermeture des frontières avec le renforcement du dispositif sanitaire pour justement éviter l’entrée de ces variants et nous avons préconisé l’application des mesures strictes de prévention, à savoir la PCR négative à l’embarquement, l’isolement des personnes qui entrent en Algérie d’une semaine et une deuxième PCR de contrôle à la fin du confinement. Malheureusement, cela n’a pas été exécuté, mise à part la PCR négative d’un délai n’excédant pas les 72 heures», a-t-il regretté.
Le Dr Yousfi appelle à l’accélération de la campagne de vaccination qui est, selon lui, le seul moyen efficace pour lutter contre cette épidémie, et au renforcement de la campagne de sensibilisation pour le respect des mesures barrières afin de casser la chaîne de transmission.
El Watan, 05 mai 2021
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