Des pratiques que maîtrise l’occupant marocain
Les territoires occupés du Sahara occidental sont confrontés à un double embargo, un encerclement matériel à travers le mur de l’humiliation et de la honte d’une longueur de 2700 km et un embargo immatériel qui est la confiscation du droit du peuple sahraoui à exprimer son plein droit à la vie, à faire connaître ses souffrances et les énormes violations et exactions auquel il est exposé ainsi qu’à dénoncer la spoliation de ses richesses et ressources par l’occupant marocain.
ES territoires occupés du Sahara occidental sont confrontés à un double embargo, un encerclement matériel à travers le mur de l’humiliation et de la honte, miné, d’une longueur de 2700 km, et un embargo immatériel qui est la confiscation du droit du peuple sahraoui à exprimer son plein droit à la vie, à faire connaître ses souffrances et les énormes violations et exactions auxquelles il est exposé ainsi qu’à dénoncer la spoliation de ses richesses et ressources par l’occupant marocain.
Dès qu’il a foulé le sol des territoires sahraouis en 1975, l’occupant marocain s’est empressé de créer un environnement répressif où règne une censure féroce et sans limite sur l’information. Cette politique agressive est fondée sur l’embargo et le black-out médiatique imposés aux médias locaux, en plus de la désinformation et autres manœuvres visant à tromper et à manipuler l’opinion publique internationale. Le Maroc a ratifié «le pacte international relatif aux droits civils et politiques», stipulant que la liberté de la presse fait partie du droit fondamental de la liberté d’expression, venant renforcer l’article 19 de la déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, portant sur le droit fondamental de la liberté d’expression qui englobe la liberté de rapporter et de diffuser toute information et / ou réflexion par le biais de n’importe quel canal et sans aucune restriction d’ordre géographique. Sauf que les pratiques du régime marocain dans les territoires occupés du Sahara occidental révèlent son manque de respect et d’engagement envers les textes internationaux.
Un black-out médiatique condamné
Concernant l’embargo imposé aux médias dans les territoires occupés, il faudrait souligner que la politique du Makhzen repose sur le fait d’interdire à tout média étranger ou reporter venu dans les territoires occupés, le droit de mener une enquête indépendante, à l’exception des journalistes et médias approuvant sa politique répressive et expansionniste. Ces dernières années, les interdictions ont été renforcées, au point où tout journaliste ou reporter osant briser cette interdiction se voit expulsé ou exposé à l’humiliation.
En revanche, le Makhzen se donne le droit d’imposer un black-out total sur les crimes qu’il a commis dans les territoires occupés, qu’il s’agisse des droits civils et politiques ou des droits économiques et sociaux, voire environnementaux. Le régime interdit tout afflux d’informations ou de données qui mettent la lumière sur ces crimes. Il monopolise et empêche tout accès à l’information, dans le but d’occulter la réalité sur ce qui se passe en ce territoire, y compris les violations en tout genre, œuvrant ainsi à créer une opinion favorable à la politique expansionniste de la monarchie.
Arsenal médiatique pour occulter et faire taire une cause juste
Afin d’exécuter sa politique coloniale visant à occulter la question sahraouie et à minimiser ses acquis, le régime marocain a mobilisé des fonds considérables et tout un arsenal de médias et autres supports d’informations chargés, en premier lieu, de servir sa théorie expansionniste. Ça concerne les sources suivantes :
-Plus de 10 chaînes de télévision officielles, propriété du Makhzen, diffusées à travers plusieurs satellites et en différentes langues.
-125 chaînes Radio entre nationales et régionales, toutes propriétés de l’Etat.
-Plus de 25 journaux publics.
-Plus de 180 sites électroniques soumis tous aux instructions officielles sur la question sahraouie.
En plus de ce qui a été évoqué ou dit, les services de renseignements du Makhzen contrôlent la plupart des médias et autres supports. Autrement dit, l’information marocaine est complètement dirigée et soumise au diktat du Makhzen.
Selon le ministre sahraoui de l’Information et porte-parole du gouvernement, l’arsenal médiatique déployé par l’occupant marocain a pour objectif de «légitimer l’occupation du Sahara occidental par le Maroc, en tant que son droit à parachever sa souveraineté territoriale, de combattre ou de nier l’existence du Front Polisario comme partie au conflit, de faire avorter les efforts internationaux visant le règlement de la question sahraouie, de déformer l’image du combat sahraoui, en tentant de le lier au terrorisme, au narcotrafic et à toutes les formes de criminalité organisée».
Concernant le contrôle de l’information liée à la question sahraouie par les services de renseignements marocains, le journaliste Mohamed Réda Touijni, directeur de publication de «Assahra El-Ousbouiya», publié à Agadir, ne manque pas de condamner cette situation. Il a affirmé que les services susmentionnés ont tenté de le recruter et de l’exploiter pour promouvoir et défendre la position marocaine concernant le conflit du Sahara occidental, voire le pousser à déformer la teneur de la question et du combat sahraouis par la falsification des faits et la diffusion d’informations erronées. Les mêmes faits ont été confirmés par le journaliste et présentateur du journal principal de la télévision marocaine, Mohamed Radi Ellili, selon lequel le régime du Makhzen adopte des méthodes contraires aux lois et aux règles en vigueur, dans le but de faire taire les gens et de contrôler, pour ainsi dire, la presse par rapport à la manière de traiter avec le dossier du Sahara occidental.
Dans le cadre de la guerre qu’il mène contre le peuple sahraoui sur tous les fronts, le régime de l’occupant marocain consacre de grandes ressources pour sceller la version marocaine et gagner le soutien des politiciens et des médias dans les capitales étrangères. Les renseignements marocains, avec toutes leurs ramifications, ont créé une cellule constituée de journalistes à l’étranger, convertis en pseudo «défenseurs de la thèse marocaine», misant et exploitant, en ceci, les médias lourds, comme les journaux et les canaux de télévision influents. Le prix d’un article atteint parfois 6000 euros, ce qui représente une grande tentation pour ceux désireux de mettre leur plume sous «demande».
Dans ce contexte, Mohamed Radi Ellili, dans une interview publiée dans le site «El portal diplomatico» rappelle que la presse au Maroc est dépendante du palais royal. Le Makhzen «accorde un grand intérêt aux thèmes en relation avec la question sahraouie et mobilise ses services de renseignements pour ajuster ses termes afin de garantir qu’ils correspondent avec la version marocaine». L’histoire retiendra que des journalistes marocains ont perdu leur liberté car osant aborder la question du Sahara occidental de leur propre point de vue.
Pour rester dans le contexte, le directeur de la Télévision sahraouie, le professeur Mohamed Salem Ahmed Laabid, affirme que le régime marocain œuvre, dans sa guerre contre le peuple sahraoui, sur deux fronts. Un front extérieur, confié aux «grands officiers des services de renseignements et aux empires de l’information marocaine. Il vise à embellir l’image du régime marocain et à recruter un grand nombre de lobbies de la presse internationale, dans le but de faire face aux pressions des organisations internationales, saboter le processus de décolonisation, déformer l’image des pays soutenant la cause sahraouie, comme l’Algérie, et tenter de faire pression sur eux dans l’espoir qu’ils cessent d’apporter leur appui au combat du peuple sahraoui». Le front interne œuvre, pour sa part, à encadrer et à recruter des journalistes parmi la presse écrite, ceux qui «se cachent sous le couvert de la liberté ou se prétendent indépendantes ainsi que des sites électroniques marocains, coordonnant leur travail avec les objectifs des renseignements marocains, de manière à assurer le contrôle et l’orientation de l’information, s’attaquer au Polisario et répandre la propagande, les mensonges et les faits erronés que les organes officiels ne peuvent diffuser d’eux-mêmes». A ceci s’ajoutent «la mobilisation des hommes d’affaires et les laquais du Makhzen pour acquérir certains groupes de médias étrangers activant en territoire marocain et les exploiter en tant que façade d’une prétendue presse audiovisuelle indépendante. Aussi, pour orienter l’opinion publique concernant la situation interne au Maroc, embellir l’image du régime à l’intérieur, attaquer le Polisario et créer un groupe d’intellectuels, ou plus exactement ceux qui prétendent faire partie de l’élite intellectuelle, dans le but de les employer comme analystes et experts pour renforcer et soutenir les thèses du Makhzen, appuyer ses orientations et dissimuler ses divers échecs et revers».
Un embargo qui concerne aussi bien les médias traditionnels que les médias nouveaux
L’embargo, la désinformation et le black-out imposés par le régime du Makhzen aux zones occupées dans les territoires sahraouis ne se limitent pas aux médias traditionnels mais concernent également le réseau internet et les réseaux sociaux dans lesquels les blogueurs et journalistes activistes sahraouis ont trouvé un véritable havre et refuge pour s’exprimer en toute aise, après que les forces de l’occupant et leurs organes officiels aient resserré l’étau autour d’eux et les ont entravés dans leur action. L’arrogance du Makhzen est allée plus loin pour faire taire toute voix sahraouie. Il mène une campagne enragée contre les activistes et militants sahraouis, les menaçant de prison, de censure numérique et personnelle et bien d’autres formes de persécution dans le but de les faire taire.
Sur cet environnement informationnel obscur, fondé sur la falsification et les contrevérités qui caractérisent le régime de l’occupation, le ministre de l’Information sahraoui, porte-parole du gouvernement, dans une conférence tenue à l’occasion de la Journée d’étude organisée le 22 octobre 2020, à l’occasion de la Journée nationale de la presse algérienne, rappelle que «le régime marocain a annoncé, en 2016, la création d’une armée électronique, connue sous le nom de ‘doubab électronique’, lors d’une large campagne d’encadrement et de recrutement pour laquelle il a alloué une enveloppe financière de 31 millions d’euros». Il a également recruté des milliers d’employés et de conseillers des réseaux sociaux et ouvert des centaines de comptes Twitter, youtube et facebook pour s’attaquer et déformer le combat du peuple sahraoui et sa cause juste. A l’occasion d’une session de formation des cadres de l’information, tenue le 14 mai 2019 dans les territoires occupés, Hama El-Mehdi a affirmé dans sa conférence intitulée «Le plaidoyer numérique sur la question du Sahara occidental… l’information de la résistance face à une sale guerre d’information» que les forces de l’occupation marocaines «ont créé des armées électroniques». Connu sous l’appellation de doubab électronique, ces armées sont encadrées par le ministère de la Communication marocaine, en coordination avec les départements des services de renseignements chargés de sélectionner des éléments et préciser ce qu’il est exigé d’eux. Le ministère de la Communication a entamé par ailleurs la formation d’un grand nombre d’éléments, âgés entre 20 et 40 ans, à l’utilisation des nouvelles technologies de l’information et des réseaux». Il a ajouté que cette sale opération vise à «tromper l’opinion publique et à occulter les repères de la question sahraouie mais aussi à influer sur le combat que mène le peuple sahraoui sur différents fronts de combat contre l’occupant marocain».
D’après ce qui a été évoqué, il paraît clairement que les plateformes créées par les départements officiels de l’occupant marocain ainsi que ses services de renseignements pistent et ciblent les activistes et les blogueurs sahraouis influents ainsi que les sites électroniques sahraouis, contre lesquels ils mènent des campagnes de piratage, en vue de les pénétrer ou les fermer.
Des condamnations contre ces poursuites
L’environnement répressif que l’occupant marocain a mis au point, à travers sa politique fondée sur l’embargo et le black-out médiatiques, a fait qu’il fasse l’objet de condamnations répétées, formulées par les instances internationales et onusiennes ainsi que par des organes indépendants.
Dans un récent rapport établi sur la situation au Sahara occidental, le secrétaire général des Nations unies a affirmé que le commissariat de l’ONU pour les droits de l’homme «ressent de l’inquiétude quant à la persistance des restrictions que les autorités marocaines imposent à la liberté d’expression au Sahara occidental». Par ailleurs, un rapport sur la gestion des crises et les affaires humanitaires publié par l’Union européenne en février 2020 a averti des graves conséquences du black-out médiatique et de l’état de gel que connaît la question du Sahara occidental depuis certaines années. Il a exhorté à briser cet embargo médiatique imposé à la question du Sahara occidental et appelé les parties donatrices à honorer leurs engagements et responsabilités envers les réfugiés sahraouis. La même indignation a été formulée par le groupe de Genève pour l’appui et la consolidation de la protection des droits de l’homme au Sahara occidental, à l’occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse, correspondant au 3 mai 2020, mettant en garde contre la poursuite des abus et des campagnes d’arrestations arbitraires, orchestrées par le régime marocain contre les journalistes sahraouis dans les villes occupées du Sahara occidental. Mais aussi l’expulsion systématique qui vise des journalistes et reporters étrangers souhaitant enquêter au sujet des crimes et des graves violations des droits de l’homme commis en ce territoire, soumis à l’occupation militaire de la monarchie.
Pour sa part, le rapport du secrétariat d’Etat américain a condamné les restrictions et les contraintes imposées à la presse et à la liberté d’expression aux territoires sahraouis occupés. Le rapport a été ferme envers le régime de l’occupant marocain qui cherche à installer un environnement d’oppression fondé sur la censure, l’expulsion voire l’incarcération des journalistes, blogueurs et activistes qui préfèrent défendre une autre position, au sujet de la situation au Sahara occidental, que celle officielle du Maroc. De même, l’atelier organisé en marge des travaux de la 41e Session du Conseil des droits de l’homme, tenu à Genève, en juillet 2019, a convergé dans le même sens. Il a mis en garde le régime marocain quant aux dérives de sa politique qui repose sur la répression des droits de l’homme et des libertés collectives aux territoires occupés, notamment la liberté d’expression, un des outils importants sur lequel s’appuient les citoyens sahraouis pour faire appel à la communauté internationale pour soutenir leur droit à l’autodétermination, conformément aux textes internationaux et les résolutions des Nations unies, en relation avec la question de la décolonisation du Sahara occidental.
L’occupant marocain a échoué à imposer un black-out médiatique sur la question sahraouie, comme il l’a souhaité. Les derniers évènements qui ont suivi l’opération d’El-Guerguerat ont favorisé le retour de la question sahraouie sur la scène internationale, après un black-out médiatique, un long oubli et un gel projeté. Son objectif est de maintenir le statu quo qui perdure depuis plus de 40 ans et sert le régime marocain ainsi que les intérêts de certains pays étrangers ou occidentaux.
L’embargo et le black-out médiatiques qu’exerce le régime de l’occupation marocaine contre un peuple qui ne cesse de croire à sa juste cause ne peuvent qu’augmenter la détermination et la résistance de celui-ci. Malgré les sommes faramineuses que le Makhzen dépense pour se refaire une image à l’extérieur, la presse internationale lourde aborde et continue d’aborder le conflit de manière objective qui le met, certes, dans l’embarras, ce qui ne fera qu’accroître les pressions politiques et des défenseurs des droits de l’homme contre le Maroc mais aussi favoriser davantage le soutien international en faveur du Front Polisario.
El Djeïch n° 694, mai 2021
Etiquettes : Maroc, Sahara Occidental, Algérie, Front Polisario, propagande, désinformation, médias, manipulation,