Par Dr Slimane Arradj
Les villes de Reggane et d’Hiroshima sont victimes en vertu des dispositions du Droit international humanitaire, notamment l’Algérie, sachant que la question de la responsabilité concernant les crimes commis ne s’efface pas avec la prescription des faits. Ici, il convient de noter que si le Japon est arrivé à un accord de règlement de la question avec les Etats-Unis, l’Algérie continue hélas à se débattre contre l’entêtement de la France qui persiste à ignorer ce dossier.
L’histoire est liée à la géographie, dans un binôme cohérent qui nous transmet une image des événements et des faits cruciaux vécus par les peuples, les Etats et les sociétés. Il s’agit d’un référent sur lequel se construisent, à la fois, la conscience et l’avenir, compte tenu du fait que ces deux éléments sont la base de tout changement. Ces conditions réunies contribuent à la création des exigences et des impératifs qui garantissent la renaissance civilisationnelle. pour cela, la valeur civilisationnelle et symbolique des espaces géographiques ou des villes augmente en fonction de leur vécu et ce qu’ils conservent comme photos qui imprègnent l’Histoire et qui transmettent les moments phares et décisifs dans la mémoire des peuples, selon la situation de chaque pays.
L’Histoire nous informe que malgré la distance qui les sépare, les villes de Reggane, en Algérie, et d’Hiroshima, au Japon, partagent des dénominateurs communs conservés par le temps et dans la mémoire et l’Histoire des deux pays.
Reggane et Hiroshima, villes de la mémoire et de l’Histoire, demeurent témoins des crimes contre l’humanité dont elles ont été victimes et des violations commises à l’encontre de simples innocents qui ont perdu le droit à la vie. L’Histoire des deux villes nous renseigne sur l’absence d’humanisme et de conscience de pays dont l’Histoire sera entachée à jamais et dont l’avenir sera marqué par les erreurs du passé.
La ville de Reggane, située dans la partie sud-ouest de l’Algérie, nous raconte qu’un certain 13 février 1960, ses habitants se sont réveillés sur l’explosion d’une bombe nucléaire, d’une puissance de 60 kilowatts, un acte qui reflète la monstruosité du colonisateur et son irrespect de la vie. Les historiens et les experts soulignent que la France a effectué 17 essais nucléaires en Algérie, entre 1960 et 1966, transformant la ville de Reggane, par ses crimes nucléaires, en un cimetière pour les vivants.
La région souffre jusqu’à nos jours des séquelles de ces essais nucléaires réalisés par la France coloniale en Algérie et les zones d’enfouissement des déchets nucléaires restent à ce jour inconnues. Non loin de ce scénario macabre, Hiroshima laisse parler sa souffrance et garde des souvenirs de ce jour fatidique du 6 août 1945. Une bombe de 45 tonnes a été larguée au-dessus du ciel de la ville nippone, un crime qui demeure inscrit dans le registre des autres «erreurs» commises par son auteur. Le musée d’Hiroshima pour la paix en conserve les détails et les faits catastrophiques.
Il est possible d’avancer que la question des droits de l’homme s’était posée lors des crimes commis dans les deux villes d’Hiroshima et de Reggane ainsi que celle de la violation du droit des deux populations à la vie, ce qui fait de l’Algérie et du Japon, les deux pays les plus aptes à mener un plaidoyer international pour un monde sans armes nucléaires. Ils ont le droit de rappeler les autres pays du monde au respect de leurs engagements, tels qu’énoncés dans la Déclaration universelle des droits de l’homme.
Par ailleurs, les villes de Reggane et d’Hiroshima sont victimes en vertu des dispositions du Droit international humanitaire (DIH), notamment l’Algérie, sachant que la question de la responsabilité concernant les crimes commis ne s’efface pas avec la prescription des faits. Ici, il convient de noter que si le Japon est arrivé à un accord de règlement de la question avec les Etats-Unis, l’Algérie continue hélas à se débattre contre l’entêtement de la France qui persiste à ignorer ce dossier. Il est donc du devoir des organisations des droits de l’homme et des organismes de l’environnement d’intervenir et de prendre en charge immédiatement ce dossier dont la gravité et la sauvagerie des crimes peuvent être comparées aisément aux séquelles causées par les crimes terroristes commis aujourd’hui à travers le monde.
Parler de Reggane et d’Hiroshima nous amène à évoquer les relations algéro-nippones, qui fêtent leur 60e anniversaire, soit 60 années d’amitié et de respect mutuel. par ailleurs, le dossier des victimes des essais nucléaires ouvre davantage la voie à la coopération algéro-nippone, dans le cadre d’un renforcement des relations bilatérales. Ainsi, il est possible de parler de projets communs dans les domaines de la santé, de la technologie et de l’environnement, en plus des échanges d’expertises dans le domaine du traitement des séquelles et des effets des essais nucléaires, surtout que, comme nous l’avons déjà mentionné, la ville de Reggane et sa population continue de souffrir des effets causés par cette forte explosion nucléaire qui avait secoué toute la région. selon des estimations d’experts, l’explosion de reggane a été quatre fois supérieure de celle d’Hiroshima. Cette dernière, a fortiori, a réussi à surmonter et à vaincre les effets néfastes de la catastrophe nucléaire. Aujourd’hui, elle respire la vie et l’espoir et constitue l’une des destinations touristiques privilégiées du Japon.
D’après ce qui vient d’être énoncé, Reggane et Hiroshima sont deux villes de paix et peuvent ainsi instaurer une coopération et des échanges qui viendraient consolider les relations algéro-nippones, avec une approche de développement et une démarche diplomatique contribuant à instaurer un partenariat dans la campagne universelle qui soutient les efforts des Nations unies visant à bâtir enfin un monde sans armes.
El Djeïch n° 694, mai 2021
Etiquettes : Algérie, France, essais nucléaires, Reggane, Hisroshima, Japon, Etats-Unis,