Le document divulgué, compilé par les principaux conseillers de Kais Saied, exhorte le président à prendre le contrôle du pays.
Par David Hearst, Areeb Ullah
Les principaux conseillers de Kais Saied ont exhorté le président tunisien à prendre le contrôle du pays au détriment du gouvernement élu, alors que celui-ci est aux prises avec une pandémie de coronavirus et une dette croissante.
Le plan consisterait à attirer les rivaux politiques de Saied au palais présidentiel et à annoncer le coup d’État en leur présence, sans leur permettre de partir. D’autres politiciens et hommes d’affaires de premier plan seraient simultanément arrêtés.
Le plan est contenu dans un document transmis à Middle East Eye, étiqueté « absolument top secret » et daté du 13 mai.
Il est adressé à Nadia Akacha, chef de cabinet de Saied, et décrit la manière dont le président pourrait promulguer un chapitre de la Constitution qui, en cas d’urgence nationale, lui donnerait le contrôle total de l’État.
Selon ce plan, qui a fait l’objet d’une fuite du bureau privé d’Akacha, le président convoquerait une réunion d’urgence du Conseil national de sécurité dans son palais de Carthage, sous couvert de la pandémie, de la situation sécuritaire et de l’état des finances publiques du pays.
Saied déclarerait alors une « dictature constitutionnelle » qui, selon les auteurs du document, est un outil permettant de « concentrer tous les pouvoirs dans la main du président de la République ».
Qualifiant la situation d' »urgence nationale », le document indique : « Dans une telle situation, c’est le rôle du Président de la République de réunir tous les pouvoirs dans sa main afin qu’il devienne le centre d’autorité qui lui permet de détenir de manière exclusive… tous les pouvoirs qui l’habilitent. »
Saied a ensuite tendu une embuscade aux personnes présentes – dont le Premier ministre Hichem Mechichi et Rached Ghannouchi, président du Parlement et chef du parti Ennahda – en annonçant qu’il allait promulguer le chapitre 80 de la Constitution, qui permet au président de s’emparer des pouvoirs en cas d’urgence nationale.
Le document indique que Mechichi et Ghannouchi ne seraient pas autorisés à quitter le palais, et que celui-ci serait déconnecté d’Internet et de toutes les lignes extérieures.
À ce moment-là, le président ferait une allocution télévisée à la nation en présence de Mechichi et Ghannouchi pour annoncer son coup d’État.
Assignation à résidence
Le document indique ensuite qu’un général, Khaled al-Yahyawi, serait nommé ministre de l’Intérieur par intérim et que les forces armées seraient déployées « aux entrées des villes, des institutions et des installations vitales ».
Simultanément, les personnes clés seraient placées en résidence surveillée. « De la part du Mouvement Ennahda… Nur Al-Din Al-Bahiri, Rafiq Abd Al-Salam, Karim Al-Haruni, Sayyid Al-Ferjani, les députés du bloc Al-Karama, Ghazi Al-Qarawi, Sufian Tubal, des hommes d’affaires, des conseillers à la Cour des Premiers ministres, etc », indique le document top secret.
Pour rendre le coup d’État populaire, le document indique que tous les paiements de factures d’électricité, d’eau, de téléphone, d’Internet, de prêts bancaires et d’impôts seraient suspendus pendant 30 jours, et que le prix des produits de base et du carburant serait réduit de 20 %.
Interrogé pour savoir s’ils pensaient que Saied avait planifié un coup d’État, un membre du cabinet du président a déclaré à MEE : « Je ne le pense pas. C’est juste une rumeur sur Facebook. En Tunisie, on peut entendre n’importe quoi ».
Middle East Online, 23 mai 2021
Etiquettes : Tunisie, Kaïs Saïed, document confidentiel, trop secret, plan dictatorial,
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