Laya ne tient pas compte des critiques de Rabat et cherche un dégel : « Nous voulons résoudre les différends avec le Maroc ».
La ministre évite de préciser quels contacts elle entretient, après que Boutita a révélé qu’ils ne se parlaient pas, mais répète que le Ghali quittera l’Espagne lorsqu’il ira mieux.
L’Espagne continue de faire des gestes pour rétablir les relations avec le Maroc, bien que ce pays ait annoncé qu’il les romprait si le leader du Front Polisario, Brahim Ghali – dont l’accueil dans un hôpital de Logroño a déclenché la colère du royaume alaouite – rentrait en Algérie sans être poursuivi par la justice espagnole, pour les deux dossiers ouverts contre lui pour des crimes présumés de génocide, viol et torture.
Une fois de plus, la ministre des affaires étrangères, Arancha González Laya, a tenté d’envoyer un message conciliant aujourd’hui, lors de la conférence de presse avec son homologue hongrois, Péter Szijjártó, malgré le blocage des communications avec le Maroc et le fait que le propre chef des affaires étrangères de Rabat, Nasser Bourita, a rendu public le fait qu’il n’a pas été en contact avec elle depuis des semaines.
Laya n’a pas souhaité répondre à ces révélations car, dit-elle, « je n’entretiens pas de relations avec des pays tiers par le biais de la presse ». « Je vais garder la discrétion à l’égard de tous mes interlocuteurs, y compris les Marocains, comme cela doit être fait en diplomatie ». Un message aux manifestations de Bourita mais aussi une façon de faire baisser la tension du très grave conflit diplomatique ouvert avec le Maroc, pour l’attention portée au Ghali, dans un contexte où les liens avec Rabat ont été très détériorés par le refus espagnol de soutenir son plan annexionniste du Sahara occidental, qui a trouvé en décembre 2020 l’aval de Donald Trump.
« Je ne m’étendrai pas sur mes contacts avec d’autres pays », a-t-il insisté, « cela fait partie de la diplomatie discrète et il doit en être ainsi si nous voulons qu’elle soit efficace. » « La discrétion est importante si ce que nous voulons est de résoudre nos différences, et l’Espagne veut certainement défendre ses différences avec le Maroc ».
Sur la question du Sahara, Rabat a commencé à faire pression sur l’Espagne avec la suspension de la réunion de haut niveau, et maintenant elle le fait avec Ghali, après avoir permis la semaine dernière l’arrivée de milliers de Marocains sur les côtes de Ceuta, dont beaucoup de jeunes et d’enfants, en représailles à l’accueil du leader du Polisario.
La réponse du gouvernement, qui est allé jusqu’à déployer l’armée, et de l’UE a permis au Maroc de reprendre le contrôle de ses frontières, mais la crise diplomatique est toujours là, désormais centrée sur le manque de communication et le départ du Ghali d’Espagne.
Laya a insisté sur le fait qu' »il quittera l’Espagne lorsqu’il sera hors de danger, lorsque la raison pour laquelle il se trouve dans notre pays sera terminée, à savoir le traitement d’une situation médicale critique ». Le ministre a esquivé les menaces du Maroc selon lesquelles il ne peut quitter Logroño « comme il y est entré », en référence au fait que l’Audience nationale doit le poursuivre. Rabat a même fait appel à sa confiance « dans l’indépendance » de la justice espagnole.
Le 1er juin, Ghali est convoqué pour témoigner dans les deux affaires en cours et le Front Polisario a assuré qu’il s’y rendrait. La responsable des affaires étrangères avait déjà dit qu’elle s’attendait à ce qu’il se présente. Aujourd’hui, elle l’a répété, mais de manière plus générique. Ce n’est pas quelque chose que le gouvernement devrait valoriser, a-t-elle souligné, mais « il est évident que nous nous réjouirons toujours du respect des obligations envers la Justice ».
Maroc : jusqu’à présent, ce qu’il a explicitement demandé, c’est de mettre à la disposition de la Cour quelque chose qui n’est pas entre les mains de l’exécutif, comme seul moyen de résoudre la crise. Le juge qui instruit les deux procès intentés contre lui n’a même pas adopté de mesures de précaution et il semble peu probable qu’il le fasse après sa comparution. Reste à voir quelle sera la réaction de Rabat si cela se confirme et rien n’empêche le Ghali de rentrer en Algérie. C’est le gros point chaud de cette crise.
Le Monde, 26 mai 2021
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