Par ZERROUK Ahmed*
Il est indéniable que la politique relève de l’art de la parole, de la communication et de la propension à donner de l’espoir à la population.
Mais, la parole politique, au-delà des mots et de l’espoir suscité, devrait être ancrée dans la réalité, dans les faits, dans le vécu quotidien des citoyennes et des citoyens. L’art de la politique n’est pas d’utiliser à profusion de mots pour donner de l’espoir, sans une réelle et effective emprise sur la réalité des faits.
L’exemple de la dernière instruction du Premier ministre en est un parfait exemple. De quoi s’agit-il ? Le Premier ministre a instruit le 23 mai 2021 le ministre en charge de la santé, à l’effet d’intensifier, dès le lundi 24 mai 2021, la campagne de vaccination anti Covid-19 à travers le territoire national.
Cette instruction n’est pas venue du néant. Il est inconcevable qu’elle soit née du jour au lendemain ou au détour d’une conversation anodine, d’autant plus qu’elle tend à montrer la rigueur et le suivi au quotidien de la campagne de vaccination anti Covid-19 par les services du Premier ministre qui ont du constater un retard dans la vaccination. Ce qui s’est concrétisé, immédiatement, par cette instruction qui a été médiatisée, à large échelle.
Donc, en écartant l’éventualité d’un coup d’éclat médiatique équivalent à un coup d’épée dans l’eau, les services du Premier ministre qui assurent , bien entendu, un suivi régulier et rigoureux de la campagne de vaccination ont constaté , à leur grand effarement et avec une grave inquiétude, somme toutes légitimes et forts louables, que ladite campagne bat de l’aile, se ralentit, avance à petits pas et s’essouffle. En conséquence, il fallait agir, avec célérité et fermeté, vis-à-vis du ministère en charge de la santé et des personnels médicaux dédiées à la vaccination anti Covid-19.
La question cruciale et importante que les services du Premier ministre auraient du se poser avant de rédiger le projet de cette instruction et de le soumettre à la signature du Premier ministre, est celle de l’acquisition ou non de quantités suffisantes du vaccin anti Covid-19, et de sa mise à disposition du ministère de la santé pour permettre à ses services compétents, notamment les personnels médicaux en charge de la vaccination de procéder à la vaccination, d’une part et d’autre part, que ces derniers n’ont pas pu ou n’ont pas voulu faire face à leur devoir de vacciner les personnes concernées ou ont fait preuve de laisser-aller dans l’opération de vaccination.
L’Algérie pour atteindre l’immunité collective et, ainsi, lutter efficacement contre la pandémie du Covid-19, devrait vacciner 70 % de sa population, soit trente (30) millions de citoyens sans compter les étrangers résidents réguliers et irréguliers sur le territoire national. La population en Algérie a été estimée, au 1er janvier 2020, à 49,3 millions d’habitants résidents, par l’Office National des Statistiques.
Or, quel est le nombre de doses du vaccin anti Covid-19 acquis par notre pays à la date de l’instruction du Premier ministre, soit le 23 mai 2021 :
29 janvier 2021 : réception de 50 000 doses du vaccin russe Sputnik V.
1er février 2021 : réception de 50 000 doses du vaccin du laboratoire Suédo-britannique AstraZeneca.
24 février 2021 : réception de 200 000 doses du vaccin Sinopharm (don de la Chine).
3 avril 2021 : réception de 364 800 doses du vaccin AstraZeneca dans le cadre de la coalition internationale du vaccin contre le Covid-19, dite initiative COVAX.
19 mai 2021 : réception de 170 000 doses du vaccin AstraZeneca-COVAX.
21 mai 2021 : réception de 758 400 doses du vaccin AstraZeneca-COVAX.
Il est à souligner que notre pays, à l’instar de 142 Etats et territoires, va bénéficier, au cours de la période Avril-mai 2021, d’un premier lot de 1. 881. 600 doses du vaccin AstraZeneca, dont font partie les 1.343. 200 doses déjà reçues (50 000 + 364 800 + 170 000 + 758 400 doses du vaccin AstraZeneca).
Ainsi, l’Algérie a reçu effectivement depuis fin janvier 2021, 1.643.200 doses du vaccin anti Covid-19 (1.343.200 doses du vaccin AstraZeneca dans le cadre du mécanisme COVAX de l’Organisation Mondiale de la Santé, 200.000 doses du vaccin Sinopharm –don de la Chine – et 50.000 doses du vaccin russe Sputnik V sur une commande initiale de 500.000 doses).
Ce nombre de doses du vaccin anti Covid-19, et à raison de deux (2) doses par personne, représente la vaccination de seulement 821.600 personnes sur les trente (30) millions de citoyennes et citoyens à vacciner, sans oublier les étrangers résidents réguliers et irréguliers sur le territoire national, soit un taux de vaccination de seulement 2,74%.
On est loin, très loin, du compte. Comment va-t-on intensifier la « campagne » de vaccination, si les personnels de la santé ne disposent pas des quantités suffisantes du vaccin anti Covid-19.
Aussi, la thèse véhiculée par cette instruction d’un retard accusé dans la vaccination anti Covid-19 par les personnels médicaux en charge de la vaccination est complètement fausse et erronée. Elle est fallacieuse, pour la simple raison que le vaccin n’est pas disponible, en quantités suffisantes, et l’Algérie peine à procéder à son acquisition.
Sans le mécanisme COVAX de l’Organisation Mondiale de la Santé, notre pays serait classé parmi les pays où la vaccination anti Covid-19 est presque nulle face à cette pandémie du Coronavirus.
Avant d’incriminer, de stigmatiser et de jeter, à tort, la responsabilité sur le ministère de la sante et en conséquence sur les personnels médicaux en charge de la vaccination, quant au retard prétendument accusé dans la vaccination de la population ; il aurait été plus équitable, judicieux et responsable de se poser la question de l’acquisition du vaccin anti Covid-19.
Sans le tweet énergique et déterminant du Président de la République, depuis son lit d’hôpital en Allemagne, du 20 décembre 2020, par lequel il a instruit le Premier ministre à l’effet de présider, sans délai, une réunion du Comité scientifique de suivi de l’évolution de la pandémie du Coronavirus en vue de choisir le vaccin adéquat anti Covid-19 et de lancer la campagne de vaccination dès janvier 2021 ; le gouvernement n’aurait aucunement agi, croyant peut être que le vaccin anti Covid-19 est un vaccin à la portée de tous, qu’on peut acquérir sur simple commande et dans les plus brefs délais, comme si on allait faire ses emplettes dans un supermarché.
Sur cette question de l’acquisition du vaccin anti Covid-19, le gouvernement a fait preuve d’une léthargie complète. Aucune initiative, aucune posture pro-active. Heureusement, le Président de la République qui suivait les affaires du pays, depuis son lieu d’hospitalisation, a été ferme et a enjoint en date du 20 décembre 2020 au Premier ministre de s’activer et de lancer la campagne de vaccination dés janvier 2021.
Gouverner, c’est prévoir. Gouverner, c’est être responsable, Gouverner exige de la cohérence, de l’objectivité et de la rationalité dans toute démarche ou action entreprise. Gouverner, impose une solidarité gouvernementale qui est fondée sur le dire-vrai, un état des lieux conforme à la réalité qui sous-tend les actions à entreprendre, et non sur un déni de la réalité et sur une valorisation infondée et complètement absurde d’une instruction, erronée, qui aurait un objectif purement politique pour ne pas dire politicien, pour faire accréditer la stature d’homme d’Etat et affirmer l’autorité et la personnalité de tel ou tel responsable.
Pour clore cette question, infondée, d’intensification de la campagne de vaccination anti Covid-19, il aurait été plus judicieux et plus pertinent d‘examiner et de mettre en œuvre les voies et moyens permettant de concrétiser l’instruction du Président de la République relative à l’impératif d’augmenter le stock national des vaccins anti Covid-19, donnée lors du Conseil des ministres tenu le 4 avril 2021.
Enfin et pour donner de l’attrait à la « campagne » de vaccination, il serait nécessaire de :
-faire appel aux opérateurs téléphoniques et de recourir à des spots publicitaires pour inciter les personnes à se faire vacciner d’une part et d’autre part, à s’inscrire sur la plateforme numérique dédiée à la vaccination anti Covid-19 ou sur le fichier nominatif d’un centre de vaccination.
-mettre en place un calendrier de vaccination, par tranche d’âge.
-préciser la réservation exclusive du vaccin AstraZeneca aux seules personnes âgées de plus de 55 ans.
*ZERROUK Ahmed, ex-magistrat militaire
Algérie1, 29 mai 2021
Etiquettes : Algérie, coronavirus, covid 19, pandémie, confinement, contaminations, frontières,
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