Qui va brasser la majorité des sièges aux élections législatives? Quel sera la couleur ou les couleurs de ce gouvernement qui émergera du nouveau Parlement? Autant de questions qui taraudent les milieux politiques et médiatiques depuis quelques semaines. Des interrogations nourries par le peu d’éclairage sur les tendances lourdes de l’électorat national, sur les énigmatiques motivations de la jeunesse et les fragiles rapports de force actuels entre les différentes forces politiques et sociales.
En fait, ce qui est certain chez de nombreux observateurs, la configuration de la prochaine Assemblée populaire nationale sera inédite, fragmentée, voire éclatée en plusieurs mouvances et chapelles. Fini les temps ou on savait que le FLN sortira avec une majorité absolue ou relative, et qu’il devrait souvent composer pour le partage de la rente avec le RND et le MSP. Le reste se contente des petits quotas, des faire-valoir, juste pour la galerie. Cette tradition était enracinée depuis la fin théorique du parti unique.
Or, il semble bien que cette fois-ci, les choses seront complètement différentes. Avec la division des partis islamistes, en trois ou quatre entités, le recul apparent des partis-appareils traditionnellement dominants, c’est la résurgence des indépendants qui sera la donnée principale de l’après 12 juin. Bien que personne parmi les analystes n’en donnent réellement le poids et l’influence, ces indépendants seront certainement des interlocuteurs incontournables dans une quelconque négociation ou pourparlers dans la constitution d’un cabinet ou d’un exécutif. Or, eux mêmes sont divisés, démunis, sans portée nationale et par conséquent ces indépendants fouleront l’hémicycle en individuel. Leur éventuelle union politique est une chimère, et elle ne sera possible que dans une année ou plus. L’exemple des dernières mandatures est une parfaite illustration, quand on a vu des indépendants mettre plusieurs mois pour former dans la douleur un groupe parlementaire, élire un vice-président du bureau de l’APN ou choisir un président d’une commission permanente.
De plus, à en croire les indicateurs, le chef de l’Etat aura d’énormes difficultés pour désigner un chef de gouvernement ou un Premier ministre sur la base des résultats du scrutin. Dans une configuration pareille, avec un parlement hétéroclite, mouvant, éclaté en plusieurs morceaux, sans possibilité d’arracher un consensus rapide et urgent, Abdelmadjid Tebboune va sans doute se rabattre sur son Premier ministre fétiche, Abdelaziz Djerad. Ce dernier a toutes les chances de continuer encore pour quelques mois sa mission pour plusieurs raisons. Le nouveau Parlement mettre des mois pour finaliser son bureau, choisir son président, ses adjoints, voter son règlement intérieur et mettre en place des commissions et désigner leurs assesseurs. Un processus complexe, connu par sa lenteur et ses complications en raison des ambitions démesurées de quelques députés et des calculs des appareils politiques.
Il est bien évident que Djerad aura une “deuxième vie”, lui qui profitera de cette situation inédite, pour désigner une bonne vingtaine de ministres, frais et prêts pour la besogne, présenter son programme à l’APN pour une motion de soutien, comme le stipule la Constitution et préparer enfin les prochaines élections communales et de wilayas, annoncées pour septembre prochain.
Il est clair que le gouvernement Djerad 2 new-look, ne lâchera pas les grandes pointures, ceux qui occupent les départements ministériels dits de souveraineté.
C’est d’ailleurs, cette hantise qui met à mal certains partis politiques, notamment les islamistes. Depuis quelques jours, Abderrezak Makri, comme Abdelkader Bengrina ou Abdallah Djaballah évoquent l’hypothèse d’un gouvernement d’union nationale. “Main tendue” ou “majorité présidentielle”, les termes en vogue durant cette fin de campagne illustrent bien cette peur de “perdre des dividendes” législatives de certains mouvements politiques.
Le Jeune Indépendant, 08 juin 2021
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