par Correspondance Particulière: Amine Bouali
Une enquête réalisée, il y a quelques jours, par l’Agence de presse britannique «Reuters», vient de révéler des données troublantes concernant le lourd tribut payé par les émigrés de confession musulmane en France (qui constituent la plus importante communauté musulmane de l’Union européenne) à cause de la pandémie de la Covid-19.Ces statistiques rendues publiques montrent notamment que le taux de mortalité de la Covid-19 parmi les Français de confession musulmane est beaucoup plus élevé que dans la population globale française et que la surmortalité chez les résidents français nés en Afrique du Nord ou en Afrique de l’Ouest (à majorité musulmane) était, en 2020, deux fois plus élevée que chez les personnes nées en France. Deux raisons expliqueraient cette tragédie qui s’apparente à un véritable scandale : en France, les émigrés originaires du Maghreb, du Sénégal ou du Mali principalement, bénéficieraient, en majorité, d’un statut socio-économique défavorable qui les a contraints, en plein cœur de la pandémie, à effectuer leur travail en présentiel, donc avec un contact direct avec le public (comme dans les métiers de chauffeurs de bus ou de caissiers) et, d’un autre côté, de vivre dans des logements exigus; ces deux facteurs les exposant à un surcroît de risque de choper le dangereux virus. (En Seine Saint-Denis, région française comptant le plus grand nombre d’habitants nés hors de France, 20% des foyers sont surpeuplés, contre 4,9% à l’échelle du pays.
Le salaire horaire moyen y est de 13,93 euros, soit près de 1,5 euro de moins que le chiffre national). En France, les données officielles sont muettes sur l’impact de la Covid-19 dans la Communauté musulmane, mais l’enquête de «Reuters» a révélé, par exemple, que les chiffres compilés à partir des 14 cimetières du département français du Val-de-Marne indiquaient qu’il y a eu 1.411 sépultures musulmanes en 2020, contre 626 l’année précédente, avant la pandémie.
Cela représente une augmentation de 125 %, comparativement à une augmentation de 34 % seulement pour les inhumations de toutes les autres confessions dans cette région. L’augmentation de la mortalité due au coronavirus n’explique que partiellement l’augmentation des inhumations musulmanes. Les excès de décès parmi les résidents français nés hors de France ont augmenté de 17 % en 2020, contre 8 % pour les résidents nés en France.
Le département de la Seine Saint-Denis (où réside une forte population émigrée) a connu une hausse de 21,8% de la surmortalité de 2019 à 2020, soit plus du double de l’augmentation pour l’ensemble de la France. «Reuters» fait remarquer que cette mortalité élevée dans cette région est d’autant plus frappante qu’en temps normal, avec sa population plus jeune que la moyenne française, elle a un taux de mortalité inférieur à celui de la France globale. Selon Abdessamad Akrach, président de l’Association «Tahara», spécialisée dans les toilettes rituelles musulmanes et dans la recherche des familles des défunts musulmans isolés (qui est basée dans le département de la Seine-et-Marne) que nous avons contacté par WhatsApp, « notre association a procédé en 2020 à 764 enterrements, contre 382 en 2019. Environ la moitié était décédée du Covid-19.
La Communauté musulmane a été énormément touchée au cours de cette période de la pandémie. Avec la crise du coronavirus, le manque de places dédiées au culte musulman dans les cimetières français est apparu criant dans les régions les plus frappées, notamment avec la suspension des rapatriements des défunts musulmans dans leur pays d’origine à cause de l’épidémie. En temps normal, environ 80 % d’entre eux se font enterrer hors de France, dans leur pays d’origine. Les carrés musulmans des cimetières français étaient déjà au bord de la saturation lorsque l’épidémie est arrivée. De nombreuses communes françaises ne disposent pas d’un carré musulman dans leur cimetière. Dans l’Oise, le département qui fut l’un des premiers foyers de l’épidémie du Covid-19, dans l’Hexagone, sur 679 communes, seulement 11 ont un carré musulman». «Je suis confronté à la mort, tous les jours, nous avoue Abdessamad Akrach, avec des familles endeuillées qui contactent notre association. On a eu un énorme souci, la pénurie de carrés musulmans au sein des cimetières dans certaines communes françaises a rallongé des obsèques de deux à trois semaines. Les familles n’ont pas pu faire leur deuil. C’est vrai qu’elles avaient souvent l’habitude de faire rapatrier les corps, mais avec la fermeture des frontières, où allait-on enterrer toutes ces personnes musulmanes qui étaient souvent en première ligne, qui se sont battues contre la Covid-19 jusqu’à en mourir». En France, on compte environ 35.000 cimetières, mais le nombre des carrés musulmans est évalué à 600 seulement.
Le Quotidien d’Oran, 20 juin 2021
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