L’UE DOIT FAIRE FACE AUX TROUBLES AU TCHAD POUR RÉDUIRE L’INSTABILITÉ AU SAHEL
Après six mois d’escalade des traversées clandestines vers l’Europe, principalement en provenance d’Afrique, les ministres de l’UE ont fait un pas de plus vers la ratification d’un « pacte sur les migrations » entre les États membres ce mois-ci, après avoir laissé planer l’idée d’une nouvelle approche lors d’une réunion du Conseil « Affaires intérieures », qui impliquerait des accords préliminaires fragmentaires pour aider à aligner les sentiments européens sur cette question qui divise.
La recherche d’une approche unifiée de la question migratoire est un sujet brûlant depuis 2015 et est considérée comme une exigence pour une réponse plus déterminée qui comprendrait également un rapatriement plus facile et le rejet des demandes d’asile des migrants. On espère ainsi, du moins en partie, dissuader les gens d’entreprendre le périlleux voyage vers l’Europe. Cependant, alors que la législation proposée pourrait bien conduire à une augmentation des rejets et des rapatriements, les raisons sous-jacentes pour lesquelles les migrants entreprennent ces voyages restent inchangées : l’instabilité permanente du Sahel africain, marqué par la guerre civile et les groupes terroristes insurgés.
La nécessité de donner la priorité à la stabilité de l’Afrique est reconnue à Bruxelles, mais elle n’a jusqu’à présent donné lieu à aucune action concrète sur le terrain ni à aucun effet tangible, tant en termes de pacification de la région que d’infléchissement des flux migratoires. Cependant, les récents développements dans un pays du Sahel en particulier – le Tchad – pourraient jeter de l’huile sur le feu.
Clé pour assurer la stabilité régionale, le Tchad est de plus en plus devenu une plaque tournante régionale pour ceux qui espèrent atteindre l’Europe. Historiquement, alors que le Tchad n’était ni un nœud de transit ni un pays de départ vers l’Europe, les combats ethniques au Soudan sont devenus la principale cause des flux de réfugiés vers le Tchad, en particulier dans les moments où le conflit du Darfour occidental, qui ne cesse de couver, gagne en intensité. Dans le même temps, la guerre civile en République centrafricaine (RCA) est une préoccupation constante le long de la frontière sud du Tchad, et rien n’indique que la guerre va bientôt prendre fin. Si l’on ajoute à cela la menace croissante des groupes terroristes islamistes opérant dans le Sahel, il est clair que le Tchad est une pièce centrale dans l’écheveau complexe des facteurs à prendre en compte pour que la région retrouve un jour la paix.
Si la mort inattendue du président tchadien Idriss Déby Itno, abattu par des rebelles en avril, a brièvement accru les craintes d’une instabilité soudaine dans le pays, la question a été rapidement résolue lorsque son fils, Mahamat Idriss Déby, a été choisi par les militaires pour combler le vide. Annonçant la mise en place d’un gouvernement de transition pour diriger le pays pendant 18 mois, Déby marche sur les traces de son père, qui avait été un allié crucial pour la France – et même l’Europe – notamment dans la lutte contre les groupes islamistes.
La nouvelle administration tchadienne a été rapidement reconnue par plusieurs pays africains, ainsi que par les États-Unis. Le président français Emmanuel Macron n’a pas tardé à soutenir le conseil militaire et la transition démocratique de Déby, contrairement au haut représentant de l’UE Josep Borrell qui s’est contenté d’offrir un soutien vague et provisoire à la nouvelle administration tchadienne. Etant donné le rôle de longue date du Tchad dans la région ainsi que son alignement sur les intérêts européens, Bruxelles ferait bien de surmonter cette période d’hésitation et de soutenir rapidement le gouvernement afin de construire des relations étroites avec le Tchad en cette période cruciale.
Un engagement envers Déby et le Premier ministre Albert Pahimi Padacke pourrait bien renforcer le Sahel, à un moment où l’actuel outil principal de la politique anti-migratoire de l’UE – l’Emergency Trust for Africa (EUTF) qui se concentre sur l’Afrique du Nord, la Corne de l’Afrique et la région du Sahel – s’est avéré d’une efficacité limitée. Fondé sur l’idée que l’aide au développement réduit les facteurs poussant les gens à se diriger vers l’Europe, le programme EUTF a investi 5 milliards d’euros dans 250 programmes liés à la migration. Mais ces fonds, qui s’épuiseront en décembre, se sont révélés tout à fait insuffisants pour s’attaquer aux problèmes bien ancrés dans une région aussi vaste et explosive.
Il est évident qu’il faut plus qu’une simple aide au développement, à savoir des efforts de stabilisation actifs. Bruxelles ferait bien de ne pas se contenter de solutions palliatives pour décourager la migration et de se concentrer sur l’aide à apporter aux personnes sur le terrain pour garantir la stabilité, avant tout.
EU Policies, 25 juin 2021
Etiquettes : Tchad, Sahel, Mali, UE,
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