BEYROUTH (AP) – Le juge libanais chargé de l’enquête sur l’explosion massive survenue l’année dernière dans le port de Beyrouth a annoncé vendredi qu’il avait l’intention de poursuivre de hauts responsables politiques et d’anciens et actuels chefs de la sécurité dans cette affaire, et a demandé l’autorisation de les poursuivre, ont rapporté les médias d’État.
Cette décision, prise deux jours avant l’anniversaire des 11 mois de l’horrible explosion, a été saluée par les familles des victimes et les survivants comme une mesure audacieuse de la part de Bitar, dont le prédécesseur a été démis de ses fonctions à la suite d’actions en justice intentées par deux anciens ministres qu’il avait accusés de négligence ayant conduit à l’explosion.
Le juge Tarek Bitar a confirmé les accusations portées par son prédécesseur contre le Premier ministre sortant Hassan Diab et l’a convoqué pour un interrogatoire, a rapporté l’agence de presse nationale. Il n’a pas fixé de date.
Le juge Bitar a également demandé au gouvernement et au ministère de l’Intérieur l’autorisation d’interroger deux des chefs de la sécurité les plus importants du Liban : le chef de la Direction de la sécurité générale, le général de division Abbas Ibrahim, et le chef de la Sécurité d’État, le général de division Tony Saliba.
Par ailleurs, il a demandé au Parlement de lever l’immunité de deux législateurs qui avaient été inculpés par son prédécesseur, ainsi que celle d’un ancien ministre de l’intérieur. M. Bitar a également porté plainte contre l’ancien commandant de l’armée, le général Jean Kahwaji, et l’ancien chef des services de renseignements militaires, le général de brigade Kameel Daher, ainsi que contre deux autres généraux des services de renseignements à la retraite, et a déclaré qu’il allait également poursuivre des juges.
Près de 3 000 tonnes de nitrate d’ammonium, une matière hautement explosive utilisée dans les engrais, qui était stockée de manière inadéquate dans le port depuis des années, ont explosé le 4 août, faisant 211 morts et plus de 6 000 blessés et dévastant les quartiers voisins.
L’explosion est l’une des plus importantes explosions non nucléaires jamais enregistrées et constitue l’incident le plus destructeur de l’histoire mouvementée du Liban.
William Noon, dont le frère, Joe, un pompier, a été tué en éteignant l’incendie massif qui a conduit à l’explosion du port, a déclaré que Bitar commençait à tenir ses promesses.
« Aujourd’hui, j’ai senti qu’il y a de l’espoir et que nous allons quelque part », a-t-il déclaré à l’Associated Press, ajoutant que les accusations portées par Bitar étaient similaires à celles de son prédécesseur, une indication que ces personnes étaient apparemment à blâmer.
Noon a toutefois déclaré qu’il s’attendait à des interférences de la part des politiciens, ajoutant que les familles prévoient de descendre dans la rue si Bitar n’est pas autorisé à poursuivre son travail.
« Le juge Tarek Bitar a pris une décision très courageuse », a écrit l’avocat et activiste libanais Nizar Saghieh sur Twitter. « Il ouvre à nouveau la bataille de la (levée des) immunités contre les personnes influentes ».
Il n’était pas immédiatement clair si Diab accepterait d’être interrogé par Bitar, après avoir refusé d’être interrogé par l’ancien procureur, Fadi Sawwan, en décembre dernier. Dans une interview accordée à l’AP à la fin de l’année dernière, M. Diab, qui avait démissionné à la suite de l’explosion, a déclaré qu’il avait été isolé et inculpé alors que d’autres en savaient plus, qualifiant cette situation de « diabolique ».
Il a officiellement demandé au Parlement de lever l’immunité de trois législateurs : l’ancien ministre des finances Ali Hassan Khalil, l’ancien ministre des travaux publics Ghazi Zeiter et l’ancien ministre de l’intérieur Nouhad Machnouk. Il a également demandé au barreau l’autorisation d’interroger l’ancien ministre des Travaux publics, Youssef Fenianos.
Selon NNA, ils seront interrogés sur de possibles crimes intentionnels de meurtre et de négligence. Les familles des victimes et les survivants de l’explosion ont accusé la classe politique au pouvoir de corruption et de négligence qui ont conduit à l’explosion de nitrates d’ammonium,
Ali Hassan Khalil et Zeiter sont membres du bloc du puissant président du Parlement libanais, Nabih Berri, et sont, avec Fenianos, de solides alliés du groupe Hezbollah.
M. Bitar a été nommé à la tête de l’enquête en février, après que M. Sawwan eut été démis de ses fonctions à la suite de contestations judiciaires de la part de hauts fonctionnaires qu’il avait accusés de négligences ayant conduit à l’explosion.
À la mi-avril, Bitar a ordonné la libération de six personnes, dont des agents de sécurité, qui étaient détenues depuis des mois. Parmi les personnes libérées figurait un agent qui avait rédigé, avant l’explosion, un avertissement détaillé à l’intention des hauts responsables sur les dangers des matières stockées dans le port.
Associated press, 02/07/2021
Etiquettes : Liban, explosion du port de Beyrouth, Tarek Bitar,
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