Macron intensifie sa guerre contre les politiques identitaires

Le magazine de mode Elle est surtout connu pour ses conseils de beauté, ses recommandations de mode et ses idées de recettes, mais le dernier numéro publié en France contient ce qui pourrait être l’une des déclarations politiques les plus significatives de cette année.

Dans une interview d’Emmanuel Macron, la publication lui demande ce qu’il pense de la « politique identitaire ». Sa réponse était robuste, un changement bienvenu par rapport à la lâcheté fréquente des autres dirigeants occidentaux lorsqu’ils sont confrontés à l’agressivité de ce mouvement. Je vois une société qui se racialise progressivement », a déclaré le président français, ajoutant que « la logique de l’intersectionnalité fracture tout ».

Ce n’est pas la première fois que Macron s’engage dans la guerre culturelle. En juin de l’année dernière, il a fait figure d’exception parmi les dirigeants occidentaux au plus fort des manifestations de Black Lives Matter en déclarant sans équivoque dans une allocution télévisée que « la République n’effacera aucune trace, aucun nom, de son histoire… elle n’abattra aucune statue ».

Puis, à l’automne, il s’est attiré les foudres d’une grande partie du monde islamique en se lançant dans une défense acharnée des principes des Lumières après qu’un instituteur français eut été décapité par un islamiste pour avoir montré une caricature du Prophète en classe. Malheureusement, les propos de M. Macron ont été accueillis par un silence de pierre de la part de nombre de ses homologues britanniques et européens, renforçant l’impression que M. Macron mène une guerre solitaire contre les islamistes et les identitaires.

Sa dernière intervention lui vaudra davantage de respect de la part de ceux qui s’inquiètent de la direction que prend la politique identitaire en Occident. Je suis du côté de l’universalisme », a déclaré Macron à Elle. Je ne me reconnais pas dans un combat qui renvoie chaque individu à son identité ou à sa spécificité ».

En particulier, explique le président, il n’a pas de temps à perdre avec le concept inique de « privilège blanc », si cher aux identitaires américains et britanniques. Je pourrais vous présenter de jeunes hommes blancs appelés Kevin, qui vivent à Amiens (ville natale de Macron) ou à Saint-Quentin, et qui ont d’immenses difficultés – pour différentes raisons – à trouver un emploi », a-t-il déclaré.

Macron a ensuite fait une déclaration qui serait considérée comme une hérésie aux yeux de la plupart des guerriers de la justice sociale en affirmant que, selon lui, « les difficultés sociales ne sont pas uniquement structurées par le sexe et la couleur de la peau, mais aussi par l’inégalité sociale ». Il a également été interrogé sur le débat en cours sur la question de savoir si les adolescentes devraient être autorisées à porter des crop-tops à l’école. Quand il s’agit de l’école, je suis plutôt « tenue décente exigée », tant pour les filles que pour les garçons », a-t-il répondu. Tout ce qui crée une identité, une détermination à choquer, n’a pas sa place à l’école ».

La dernière intervention du président sur la politique identitaire a provoqué une réaction de ses partisans comme de ses détracteurs. Enhardi par les commentaires de son président, un député LREM, François Jolivet, a déposé jeudi à l’Assemblée nationale un amendement visant à dissoudre toute association qui discrimine des personnes « en fonction de leur couleur de peau, de leur religion ou de leur mode de vie ». M. Jolivet a pointé du doigt l’UNEF, un syndicat étudiant, qui a admis en début d’année avoir exclu les Blancs de certains de ses événements.

Certains membres de la gauche se sont toutefois moqués de Macron. Libération – l’équivalent gaulois du Guardian – s’est offusqué de ses commentaires sur les hauts de forme, l’accusant d’être un « dilettante » sur la question du féminisme. Le leader de la France Insoumise, Jean-Luc Mélenchon, qui, au début de l’année, a été qualifié d' »islamo-gauchiste » par le ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, a déclaré : « Nous avons donc maintenant deux penseurs de la tenue féminine… l’ayatollah Khamenei, et M. Macron ».

Aucun des deux ne dérangera Macron, dont l’entretien avec Elle est providentiel, puisqu’il survient quelques jours seulement après la piètre performance de son parti LREM aux élections régionales. Le grand gagnant de ces sondages est le centre-droit, dont Macron pensait qu’il ne représentait plus une menace après son implosion lors des scrutins présidentiel et parlementaire de 2017.

Mais aujourd’hui, ils sont de retour, et quiconque sera élu candidat des Républicains aux élections d’avril prochain saura qu’il y a beaucoup de voix à gagner en attaquant la politique identitaire et son influence croissante au sein de la gauche ; pas plus tard que la semaine dernière, un universitaire français a accusé le pays de racisme systémique.

Les guerres culturelles ne feront que gagner en importance d’ici les élections, ce qui conviendra à Macron. Il voit la politique identitaire pour ce qu’elle est : une force dangereuse, qui divise et qui trompe, et il n’a pas peur de le dire.

The Spectator, 03/07/2021

Etiquettes : Emmanuel Macron, politique identitaire, xénophobie, islamophobie, extrême droite, LREM,

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