Pour avoir voulu jouer dans la cour des grands et sous-traiter une opération d’écoutes illégales au profit d’Israël, le royaume de Mohamed VI est dans le banc des accusés pour une affaire qui dépasse sa dimension.
La témérité dont ont fait preuve les services secrets marocains dépassent de loin leur capacité pour justifier leur immixtion dans les affaires internes de leur voisin, à commencer par l’Algérie. En voulant jouer à la CIA, les officines de Mohamed VI ont pris le risque de recevoir un retour violent du boomerang électronique qu’ils ont inconsidérément lancé sans mesurer les conséquences d’un tel acte.
Pays réputé pour sa répression des libertés collectives et individuelles, par le contrôle sévère des opposants, par son expansionnisme au détriment de plus faibles que lui et par un système de gouvernement archaïque, il a par ce geste braqué les projecteurs sur lui.
Cible de ses menées, l’Algérie a déjà réagi officiellement par le biais de sa diplomatie mais aussi à travers les partis politiques et les organisations de la société civile. Sa Justice a également ordonné l’ouverture d’une enquête préliminaire afin de jeter la lumière sur cette scabreuse affaire révélée quelques jours après l’attentat verbal commis par la monarchie alaouite contre son unité nationale.
« Le procureur de la République près le tribunal de Sidi M’hamed a ordonné l’ouverture d’une enquête préliminaire (…), diligentée par les services de police judiciaire spécialisés en matière de répression d’infractions liées à la cybercriminalité et aux technologies de l’information », indique le parquet général auprès de la Cour d’Alger. Cette enquête fait « suite aux informations divulguées à travers des organes de presse nationaux et internationaux, ainsi que des rapports émanant de certaines chancelleries, faisant état de l’existence d’un système d’intelligence informatique d’écoute et d’espionnage ayant visé les intérêts de l’Algérie, mais aussi des citoyens et des personnalités algériennes », précise le communiqué. « Si les faits (…) sont avérés, ils constitueraient des infractions réprimées par la législation algérienne sous sa forme criminelle pour avoir rassemblé des renseignements, objets et documents au profit d’une puissance étrangère aux fins de nuire à la défense nationale », poursuit le parquet général. « Ils constitueraient également des infractions d’accès frauduleux dans un système de traitement automatisé de données et d’atteintes aux secrets des communications », conclut le communiqué.
Pour l’instant, Alger garde son sang-froid en dépit de deux attaques d’ampleur contre sa souveraineté. Toutefois, il faut s’attendre à une riposte proportionnée pour dissuader le Maroc de trop s’avancer sur un terrain aussi glissant et dangereux.
Encouragé par sa récente normalisation avec Israël et par le dribble diplomatique sans lendemain de l’ex-président américain Donald Trump, Rabat se sent pousser des ailes de pégase oubliant sa fragilité économique structurelle mais aussi son déficit d’image auprès des défenseurs des droits humains. L’esclandre avec l’Espagne qui a suivi l’envoi par les autorités marocaines d’un bataillon de migrants clandestins pour envahir l’enclave de Ceuta est frais dans les mémoires. C’est une autre pièce à verser dans le dossier des agressions que le palais royal multiplie, ces derniers temps, contre son voisinage.
Le Conseil de sécurité de l’Onu va certainement recevoir des plaintes en cascades contre les agissements démentiels d’un pouvoir de plus en plus belliqueux qui menace la stabilité d’une région déjà embrasée.
M.F
La Nation, 25/07/2021
Etiquettes : Maroc, Algérie, Espionnage, NSO Group, Logiciels Espions, Pegasus, Israël,
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