Kais Saied a mis la vie politique en Tunisie entre parenthèse. Désormais le parlement est suspendu pour un mois et le chef du gouvernement, donc le gouvernement, remercié. Ainsi et à partir de dimanche la seule autorité qui vaille dans ce pays du Maghreb est l’autorité présidentielle, autrement dit l’autorité du président Saied.
En optant pour cette solution extrême, dont la légitimité pose sérieusement question, le président a voulu répondre favorablement aux revendications du peuple qui manifeste depuis des semaines contre le gouvernement, le parlement et toute la classe politique. Désormais la messe est dite, et le président compte exploiter jusqu’au bout les failles que lui accorde la Constitution pour remettre, selon lui, de l’ordre dans la maison Tunisie.
Une maison qui tangue depuis un long moment déjà, à cause de plusieurs contraintes que les gouvernants n’arrivent pas à solutionner. Le terrorisme d’abord qui ne cesse de menacer le pays et sa première activité le tourisme, la pandémie quasiment ingérable depuis son apparition et qui a encore compliqué la situation économique, et enfin cette crise politique qui divise, comme jamais, la classe politique et rend quasiment impossible tout dialogue entre les pôles du pouvoir dans le pays.
Il faut dire que la Constitution même du pays, issue faut il le rappeler d’une assemblée constituante, à vouloir trop équilibrer les pouvoirs entre parlement, gouvernement et présidence, n’a en réalité réussi qu’à bloquer toute initiative décisionnelle, et mis le pays dans une situation figée où aucun des trois pouvoirs ne peut trancher et faire avancer les choses. Et c’est peut être là, le grand drame de ce petit pays nord africain. Sa Constitution. Une Constitution source de blocage perpétuel qui a ligoté le pays et éparpillé les pouvoirs. A trop chercher justement les équilibres du pouvoir, elle n’a produit que la paralysie. La Tunisie est devenue ainsi un pays tout simplement ingouvernable. Un pays totalement bloqué et qui ne vit pratiquement que de l’aide venant de l’extérieur, que ce soit de pays ou d’organisations internationales.
Le coup de force, le coup d’Etat ou le coup salvateur du président Kais Saied, chacun le qualifiant selon sa vision et ses intérêts, plonge le pays dans une conjoncture pleine d’incertitudes, car le temps est court pour régler une crise aussi profonde, et les résultats les plus à craindre ne commenceront à prendre forme que d’ici un mois, c’est-à-dire à la fin de durée de suspension du parlement décidé par le président tunisien.
Par Abdelmadjid Blidi
Ouest Tribune, 28/07/2021
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