C’est un revirement diplomatique spectaculaire que vient d’opérer le roi du Maroc à l’égard de l’Algérie. Alors que la tension entre les deux pays a quasiment franchi le point non-retour ces derniers jours suite au dérapage dangereux de l’ambassadeur marocain à l’ONU, mais aussi d’espionnage d’Algériens par le Makhzen par voie du logiciel Israélien Pegasus, voici que Mohamed VI fait volte-face et tente de faire jouer la carte de l’apaisement en saisissant l’opportunité de son discours prononcé samedi, à l’occasion de la fête du Trône.
Par Feriel Nourine
Contre toute attente, Mohamed VI déplore la «tension» qui caractérise ces derniers temps les relations entre les deux pays. Dans ce sillage, il n’a pas manqué de réitérer son appel à rouvrir les frontières terrestres entre les deux pays.
Dans son allocution qu’il adresse au peuple marocain chaque année en pareille circonstance depuis son intronisation il y a 22 ans, le souverain marocain a réservé de longs passages à destination de l’Algérie. «Vous n’aurez jamais à craindre de la malveillance de le part du Maroc. La sécurité et la stabilité de l’Algérie, et la quiétude de son peuple sont organiquement liées à la sécurité et à la stabilité de Maroc», a-t-il dit à ce propos.
Il a prôné ce type de discours après avoir proposé d’«œuvrer de concert» avec l’Algérie et «sans conditions à l’établissement de relations bilatérales fondées sur la confiance, le dialogue et le bon voisinage».
Mohammed VI fait cette proposition en se disant non satisfait de l’état actuel des relations entre les deux pays, «car il ne sert en rien les intérêts respectifs de nos deux peuples» et «il est même jugé inacceptable par bon nombre de pays», se surprend-il à constater, avant d’inviter Abdelmadjid Tebboune «à faire prévaloir la sagesse» et «œuvrer à l’unisson au développement des rapports fraternels tissés entre les peuples des deux pays».
Dans la même logique, il réitérera son appel à la réouverture des frontières entre les deux pays voisins, en tentant encore de rassurer contre tout risque de danger que provoquerait cette réouverture. Référence faite au trafic de cannabis, mais aussi à la normalisation opérée entre le Makhzen et l’entité sioniste.
Des menaces qui n’empêchent pas pour autant le roi marocain d’estimer que «l’état normal des choses» entre l’Algérie et le Maroc est que les frontières «soient et demeurent ouvertes». Selon sa vision, «les raisons ayant conduit à la fermeture des frontières sont totalement dépassées et n’ont plus raison d’être aujourd’hui».
Pour rappel, la fermeture des frontières terrestres entre l’Algérie et le Maroc a été décidée par les autorités algériennes en 2014, en guise de riposte à la décision du Maroc d’imposer un visa d’entrer sur son territoire aux citoyens algériens.
Ce visa a, par la suite, été supprimé, mais l’Algérie a décidé de maintenir ses frontières fermées, justifiant sa position par l’attitude agressive adoptée à son encontre par les autorités marocaines. Dans une interview accordée à l’hebdomadaire français Le Point, en mai dernier, Abdelamdjid Tebboune avait expliqué cette position. «On ne peut pas ouvrir les frontières avec un vis-à-vis qui vous agresse quotidiennement», avait-il déclaré, soulignant que «le Maroc a toujours été l’agresseur» et que «nous n’agressons jamais notre voisin.», mais que «nous riposterons si nous sommes attaqués».
Un Maroc agresseur qui n’a pas cessé de l’être depuis, ni d’observer une trêve dans son offensive d’espérer de porter atteinte à l’image de l’Algérie. C’est pourquoi, l‘invitation à l’apaisement fraîchement lancée par Mohammed VI a tout d’une grosse surprise dans l’état actuel des relations entre les deux pays. Si le souverain marocain daigne enfin ouvrir les yeux sur la détérioration de ces relations, il n’hésite pas à se taire sur les paramètres qui en sont à l’origine. A l’exemple de la toute récente machination vainement orchestrée par le représentant du Makhzen à l’ONU qui a affiché publiquement le soutien de son pays à un prétendu «droit à l’autodétermination du peuple Kabyle».
Une vile manœuvre suivie quelques jours après par l’éclatement du scandale d’espionnage opéré par les services marocains sur des Algériens en recourant aux prestations du logiciel Pegasus commercialisé par le groupe israélien NSO.
La question qui se pose aujourd’hui concerne en premier lieu le pourquoi de cette sortie du roi du Maroc, considérée comme tardive après la combine que s’est autorisée son ambassadeur à New-York, et qui a poussé Alger à rappeler son ambassadeur à Rabat après n’avoir constaté aucune réaction sur ce dossier en provenance des autorités marocaines.
Mohammed VI tente-t-il donc de rectifier le tir et d’essayer de sauver ce qui peut être encore sauvé dans ses relations avec l’Algérie ? Si c’est le cas, on voit bien qu’il prend le soin diplomatique de choisir ses mots et ses phrases pour déculpabiliser le Makhzen dans cette affaire de tension dangereuse entre les deux pays.
Reporters, 02/08/2021
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