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par Maâmar Farah
KABYLIE : LES PREUVES DE L’ACTE CRIMINEL SONT IRRÉFUTABLES
Jeudi, j’écrivais que les violentes manifestations de ce temps déboussolé par le réchauffement climatique étaient les causes essentielles des incendies ayant ravagé la Kabylie et d’autres régions. Je disais aussi que des mains criminelles pourraient avoir causé un petit nombre de ces départs de feu. Aujourd’hui, et devant des preuves irréfutables, je suis obligé d’inverser cet ordre : ce sont des mains criminelles qui ont «allumé» la Kabylie dans la nuit du 9 au 10 août. Pourquoi ce revirement de ma part et comment je suis arrivé à cette conclusion ?
Une machine à remonter le temps
J’ai simplement utilisé une espèce de machine à remonter le temps qui est à la disposition de n’importe qui veut consulter Google Earth. Il existe un logo à gauche de l’écran représentant une flamme qui permet de visionner tous les incendies en activité sur n’importe quel point du globe. On peut avoir une carte précise des incendies, en direct, à l’heure même où ils se déroulent. Mais on peut aussi remonter aux jours d’avant.
– Voici la situation au 8 août à 23h45 GMT : on dénombre quelques incendies, à raison d’un ou deux par wilaya. La Kabylie présente le même visage que les wilayas de Béjaïa, Jijel, Sétif, Skikda, Annaba, Tarf, Guelma et Souk-Ahras. Seuls deux foyers sont actifs : l’un à Bouzeguène, l’autre à Timizart.
– 9 août 0h15 : c’est pratiquement la même situation.
– 9 août 0h30 : RAS
– 9 août 0h45 : flambée des départs de feu. Les incendies éclatent subitement en pleine nuit à Iferhounen, Iboudraren, Ouacif, Aït Mahmoud, Mechtras, Timezrit, Béni Aïssi, Béni Douala, Irdjen, Aït Khelili, Illoula-Oumalou, à l’est d’Ifigha et au nord d’Iflissen. Des départs de feu plus importants sont visibles du côté de Béni-Douala, Larbaâ-Nath-Irathen, Aït Chaffa et Zekri. Mais le plus grand incendie, vraiment impressionnant, est celui qui touche toute la région s’étendant entre Souk-el-Thnine, Tizi-Rached, Aïn-el-Hammam et Ouacif.
Dans la wilaya de Béjaïa, même explosion des incendies dans l’Adekkar, autour de Toudja, au nord de Barbacha, Boukhelifa, Aït Tizi, Darguina, Tizi Nberber et à l’est de Souk-el-Tenine.
– 10 août 1h45 : le nombre d’incendies ne bouge pas dans les autres wilayas, sauf à Jijel, Médéa, Blida et Tarf. Pour cette dernière wilaya, on note de nombreux départs de feu alors que, du côté tunisien, la situation n’évolue pas avec le même nombre d’incendies que la veille.
Conclusion
C’est entre le 9 août et le 10, très exactement dans la nuit, à 0h45 GMT, que les groupes de pyromanes ont agi simultanément. Il n’y a aucun doute là-dessus. Si les conditions climatiques ont aidé à la propagation rapide des flammes, il est maintenant établi que c’est la main de l’homme qui a agi dans un but criminel.
Qui a commis le désastre ? Selon certains experts et analystes, il est impossible que ce soit le MAK. Ses éléments vivent au milieu de la population, sont identifiés et il est impossible qu’ils se fassent hara-kiri en brûlant les biens de leurs voisins ou leurs propres biens. Par conséquent, ce sont d’autres éléments locaux et venus d’ailleurs qui ont forcément commis ces crimes. Qui alors ? Les pistes les plus plausibles mènent aux résidus du terrorisme islamiste qui semblent avoir investi les lieux dans l’obscurité pour commettre leurs forfaits et disparaître le lendemain. N’oublions que, du temps du terrorisme, les maquis les plus durs se trouvaient en ces montagnes.
Pour ceux venus d’autres régions, ils ont soit quitté les lieux la nuit, soit fondu dans la foule en se faisant passer pour des volontaires. Connaissant la parfaite organisation des comités de vigilance des déchras, il est impossible de circuler dans ces montagnes par temps de graves crises sans présenter patte blanche. Le volontariat est la seule issue pour tous ceux qui se sont retrouvés coincés. Bien sûr, tous les volontaires présents ne sont pas concernés par ces accusations mais il est préférable qu’ils circulent en groupe, qu’ils se déplacent sous l’autorité d’une association officielle et en étroite collaboration avec les comités de village et les forces de sécurité.
Qui a tué Djamel Bensmaïl ?
Ceci nous mène à l’affaire du jeune Djamel Bensmaïl tué d’une manière horrible par la foule déchaînée. Nous avons proposé trois pistes — pour identifier les auteurs de ce crime — à un éminent expert qui a préféré garder l’anonymat : «Qui a brûlé ce jeune ? Le Mak ? Les résidus du terrorisme impliqué déjà dans les incendies ? La foule déchaînée et incontrôlable ?» Notre interlocuteur écarte d’emblée les extrémistes islamistes : «Sur les vidéos, on voit bien que ce sont des gens du coin sans signes distinctifs qui entourent le corps.» Alors le Mak ? «Cette foule s’est rassemblée subitement, spontanément, les gens accourent de partout. Possible qu’il y ait des gens du Mak mais on voit bien que c’est une foule non organisée.» Donc, il reste la «foule déchaînée et incontrôlable». Pour lui, dans ces moments de grande intensité émotionnelle et de colère aveugle, l’individu ne se contrôle plus et se laisse aller à un sentiment de super-puissance renforcé par le nombre et c’est la vengeance bête et méchante qui prend le dessus.» À propos de cette affaire, il y a beaucoup de points à éclaircir. Le défunt a été très suivi par une chaîne relevant du courant intégriste, financée par le fils de Abassi Madani, du nom de Awress TV. Visiblement, cet intérêt n’est pas innocent car cette vidéo a été reprise des centaines de fois pour montrer la gentillesse, la bonté et la solidarité de Djamel avec les Kabyles. C’est comme si ceux qui ont monté ce document savaient qu’il allait être tué par «ces mêmes Kabyles qu’il voulait aider».
Le piège est trop gros ! Arabes contre Kabyles, c’est le programme tracé pour notre pays. Objectif : créer une hostilité qui pourrait déboucher sur des dérapages et inciter des forces étrangères à intervenir pour sauver «une minorité». La grande Yougoslavie a été démontée de cette manière ! Le Soudan aussi ! Le chaos installé en Syrie et Libye vient des mêmes calculs. Je peux tout de suite rassurer les initiateurs de ces programmes : ça peut réussir ailleurs, mais pas en Algérie ! Le Maroc peut espionner nos téléphones au profit du Mossad, il peut supporter une supposée indépendance de la Kabylie, financer sa propagande antialgérienne, ça ne peut rapporter que plus d’unité et plus d’amour entre les Algériens. Les témoignages quotidiens des jeunes venant de toutes les régions pour soutenir la Kabylie sont de nouvelles pages glorieuses qui s’ajoutent au livre de la grandeur de notre peuple. Et l’accueil fait à ces jeunes en Kabylie, que nous connaissons très bien mais que beaucoup n’imaginaient pas, a changé l’opinion de beaucoup d’Algériens victimes de la propagande. Les Kabyles sont la crème de ce peuple et il ne faut jamais les confondre avec la horde sauvage qui a commis l’irréparable. Finalement, nous sommes à mille lieues des objectifs des pyromanes : par votre geste irresponsable, vous avez inconsciemment rallumé la grande flamme de l’amour qui brûle, plus forte que jamais, dans les cœurs des Algériens, kabyles et non kabyles.
Tebboune casse un tabou !
Il faut cependant préciser que l’analyse n’est jamais la vérité. C’est une tentative d’éclairer une scène brouillée où l’apport d’autres éclairages est indispensable pour y voir plus clair. Il faut attendre les rapports officiels pour connaître la vérité. Nos interlocuteurs nous disent avoir tenu compte d’autres éléments pour désigner les extrémistes religieux comme probables auteurs de ces crimes :
1. En dehors de la Kabylie, il s’agit des fiefs du terrorisme islamiste des années 90 : Médéa, Blida, Jijel. Ces trois wilayas ont connu une flambée d’incendies à la même date et à la même heure que les départs de feu en Kabylie.
2. Il y a une symbolique religieuse dans la date : c’est la veille du 1er Moharram. Une occasion pour les renégats de profiter de la foi de notre peuple pour souiller cette date-symbole.
3. Il est possible aussi que ce soit une réponse à la fermeté du pouvoir illustrée par la première déclaration d’un haut responsable algérien se démarquant de l’esprit conciliateur et défaitiste de l’époque Bouteflika qui a toujours refusé de reconnaître la victoire des forces républicaines sur le terrorisme islamiste. Le «nous leur avons donné une raclée (triha) dans les années 90 !» qu’il a prononcé récemment restera dans l’Histoire comme un moment de rupture avec l’esprit de compromission et de reniement de cette autre épopée glorieuse des forces patriotiques qui ont sauvé le caractère républicain, démocratique et populaire de l’Algérie. Cette première salve ne semble pas avoir atteint ses objectifs. Au contraire, elle a montré la grande maturité du peuple, plus uni que jamais. Mais d’autres dangers vont venir : soyons soudés et forts comme nous l’avons toujours été devant les pires épreuves.
M. F.
Le Soir d’Algérie, 14/08/2021