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par Chems-Eddine Chitour*
«Ira brevis furor est» «La colère est une courte folie « Maxime d’Horace. «Les Kabyles sont nos frères, nos parents, nous ne voulons pas de la «fitna». Mon fils est mort en martyr.»
Un drame à nul autre pareil. ! Des Algériens se sont acharnés sur un jeune algérien venu participer avec ses faibles moyens à éteindre le feu à Larba Nath Irathen Comment ce jeune venu apporter son aide puisse t il subir un sort aussi injuste ? D’une façon inhabituelle le père de la victime a eu un comportement digne. A l’horreur, il a opposé la raison Dans la nuit de la souffrance avec les siens il a compris étant pieux qu’il peut retrouver la sérénité : son fils est mort en martyr de la noble cause de l’unité du pays Ceci s’est fait rapidement dans la tête du père qui -avec les siens- accepte dans un éclair de lucidité de pardonner et de transcender sa condition de père ravagé par la douleur pour contribuer à sauver le pays de ses démons Il a ainsi maîtrisé ce désir de vengeance, en appelant à la justice des hommes. Ceux par qui le malheur est arrivé doivent rendre compte à tout les Algériens Pour que plus jamais cela !
Le comportement digne du père du martyr
Dans un bel article Ali Amzal résume le comportement exemplaire du père : « Aucune haine, aucune colère, dans les propos du père du défunt Djamel Bensmaïl, sur une vidéo, qui a subjugué tout le pays. Une avalanche de réactions s’est déclenchée sur les réseaux sociaux, pour saluer l’humilité de ce père, qui venait d’apprendre la mort de son fils. Au lieu de crier sa douleur, ou de montrer une rage envers les auteurs de cet acte barbare, le père de Djamel, s’est empressé de lancer un appel à la préservation de l’unité du pays «les Kabyles sont nos frères, nos parents, nous ne voulons pas de la fitna ». Mon fils est mort en martyr». Il est vrai que les grandes douleurs sont muettes, mais il est tout autant vrai que le courage du père de la victime demeure déconcertant, et dénote d’une grande conscience et sagesse.
Ces paroles ont fait le tour de l’Algérie, et ont atteint le cœur de tous les Algériens, Une grande leçon de sagesse, lorsqu’ il s’est adressé aux habitants de la Kabylie et en particulier ceux de Larbaâ Nath Irathen, les assurant, qu’il «comprend leur désarroi et leur peine pour le décès de Djamel». (1)
Les images de l’arrivée de la mère et du père de la victime à l’hôpital de Tizi Ouzou, restent insoutenables, et ont plongé des millions de citoyens dans un bouleversement qui a été à l’origine du lancement d’une campagne de sensibilisation, autour du fait que ces actes ne représentent en aucun cas la région kabyle. Des vidéos et des publications émouvantes, font le tour de la Toile, pour expliquer que les auteurs de ce crime ne représentent qu’eux-mêmes, et que la majorité des Kabyles sont convaincus que le jeune Djamel était venu pour aider à éteindre les feux et se solidariser avec ses frères kabyles. Il faut dire qu’à l’unanimité, les habitants de la région de Kabylie insistent sur l’importance de rester vigilants. Leur position est claire et vise à faire face à ces manœuvres dangereuses, d’où l’importance de l’effet de l’appel du père de Djamel, qui a été le déclencheur d’une grande vague de compassion entre les deux régions » (1).
« La tragédie du jeune Djamel a révélé, encore une fois, que le peuple est au-dessus des sournoises tentatives des vrais ennemis de la nation. Ce qui aurait pu être à l’origine d’une grande discorde entre les régions, a, finalement, servi à les rapprocher. Et ce, grâce à l’intelligence et l’amour de la patrie dont ont fait preuve les parents de la victime et les habitants de la Kabylie. Une leçon de pacifisme magistrale, de pardon, et de fraternité, que l’Algérie a encore prodiguée au monde, démontrant la vraie identité algérienne, celle qui animait le cœur du jeune Djamel et qui fera de lui désormais un martyr. Repose en paix…Djamel»
Le père de Djamel Bensmail, a tenu à ré-intervenir il a appelé à l’apaisement les tensions. Il à dénoncer les usurpateurs d’identités qui prennent le parole sur les réseaux sociaux se faisant passer pour les membres de la famille de défunt : « Ne parlez pas en notre nom, mes fils et ma femme ne son pas intervenus ni sur les réseaux sociaux ni sur les télévisions » « nous sommes une famille révolutionnaire. Nous sommes les rassembleurs. Nous dénonçons ceux qui usurpent notre identité Nous accepterons les décisions de la justice algérienne et nous lui ferons confiance non à le revanche », les propos clairs destinés aux agitateurs qui cherchent à diviser » (2).
Les suspects arrêtés
Trente-six suspects, dont trois femmes, ont été arrêtés dans le cadre de l’enquête sur le meurtre ignoble du jeune Djamel Bensmail, qui s’est rendu à la wilaya de Tizi Ouzou pour aider ses concitoyens avant d’être lynché, égorgé puis dont le corps a été brulé par une horde de jeunes chauffés à blanc, c’est que vient d’annoncer le directeur de la police judiciaire au sein de la DGSN, lors d’une conférence de presse qu’il a animé à l’école de police d’Alger.
Une des trois femmes est celle qui avait appelé à ce qu’il soit égorgé. « Les mis en cause ont participé d’une manière ou d’une autre à cet assassinat. (…) les policiers ont évité de tirer des coups de semonce suite aux instructions strictes des autorités concernées pour éviter tout dérapage sécuritaire dangereux face à une foule hystérique qui ne comprenait pas encore ce qui lui arrivait, et c’est d’ailleurs ce que recherchaient les parties connues pour leur animosité envers l’Algérie ». Les autres suspects se sont tous étalés dans le même sens, affirmant qu’ils ont été induits en erreur par certains individus inconnus dans la région de L’Arba Nath Irathen qui poussaient les gens à tuer les arabes’ suspectés d’avoir allumé les incendies. Ils ont tous déclaré regretter leurs gestes et demandent le pardon de la société » (3)
Et maintenant ?
Supposons que toute l’action ira à son terme Que la justice fasse son travail et que globalement l’Algérie surmonte cette alerte dangereuse, est ce pour autant que nous sommes sortis de l’auberge ? Quand bien même les assassins étaient dans un état second, il est utile de retenir que le message de haine a pu « prendre » car le fond rocheux de l’imaginaire des Algériens est traversé par des vents mauvais attisés par les réseaux sociaux d’autant plus prosélytes qu’il faut combattre pied à pied l’hydre de la division de la fitna de la Sécession. On peut expliquer ce qui s’est passé et il ne faut pas être grand clerc pour répéter la technique du comportement de meutes de foules chauffées à blanc comme l’écrit Gustave Lebon dans son ouvrage : « de la psychologie des foules » . Pour lui une foule en furie est comme un enfant de six ans qui réfléchit par slogan unique. Il suffit alors qu’un meneur un haut parleur idéologique qui peut être de loin crie, un slogan hostile pour qu’il soit repris en cœur et amène à l’irréparable.
Ce qui se passe dans le monde : Nous ne sommes pas invulnérables
On sait que tous les pays sont à des degrés divers vulnérables. Plus que jamais nous sommes victimes du Rapport Lugano conçu par l’Empire et dont le message global est celui de provoquer l’errance identitaire qui touche à des degrés divers tous les pays et d’une façon dangereuse les pays vulnérables. Les interférences externes dans le combat de titans qui oppose actuellement deux visions du monde: un monde ancien, comme nous l’avons vu avec l’Irak, la Libye, le Yémen et l’Afghanistan En face le nouveau monde multipolaire empêché d’apparaître. Tout est fait pour attiser les tensions religieuses et «ethniques» avec toujours l’arrière pensée de s’emparer des richesses présumées des pays faibles Voulons-nous finir comme ces pays qui n’ont pas pris les mesures adéquates pour permettre tisser un récit national ?
De plus comme tous les pays faibles nous ne sommes pas à l’abri de perturbations allogènes. Nous devons tout faire pour favoriser le vivre-ensemble par le brassage qui permettra aux Algériennes et aux Algériens de se connaître et de s’estimer et de se sentir solidaires envers le pays et envers l’Histoire.
D’où venons-nous ? Qui sommes-nous ?
Nous habitons un grand pays, le premier d’Afrique le dixième au monde. Nous avons une histoire qui peut être revendiquée par chacun d’entre nous.
L’Algérie est un pays Amazigh, Arabe et Musulman. L’histoire de l’Algérie ne commence avec la propagation de l’Islam au VIIème siècle, L’histoire de l’Algérie ne s’est pas arrêtée au VIIème siècle avec l’arrivée des conquérants arabes porteur du message du Coran.
L’histoire de l’Algérie commence avec le premier homme avec les restes sur cette terre: près de Ain Hnech (Sétif) où les premières traces de l’humanité ont été trouvés concomitamment avec celle en Ethiopie Ce qui fait dire aux archéologues que l’Algérie est le deuxième berceau de l’humanité il y a 2, 4 millions d’années Bien plus tard l’homme de Tifernine (mascara) celui l’homme de Mechta El Arbi ( Chelghoum Laid) il y a à 500.000 ans déjà.
Nous ne nous sommes jamais posé la question de savoir ce que nous sommes réellement. Sommes-nous algériens par la naissance, par la religion, par l’ethnie ou par la présence lointaine dans le pays? Toutes ces questions attendent d’être résolues.
Sommes-nous une nation? Nous sommes en 2021, il y a encore des Algériens qui s’identifient à leurs quartiers, leurs tribus, leurs régions, mais jamais à l’Algérie plurielle en tant qu’Algériens.
La grande erreur est d’avoir reproduit l’Etat à l’échelle de la wilaya. Un jeune naît, va à l’école, au lycée dans sa ville, dans son université, dans sa wilaya où toutes les spécialités existent sans les compétences Il ne connaît pas sont pays. C’est sa tribu qui l’intéresse et au mieux sa wilaya.
Que voulons-nous ? 59 ans après nous sommes toujours en quête d’un projet de société Entre ceux qui croient que l’Occident va nous « accompagner » et ceux pensent que le salut de l’Algérie est à rechercher auprès d’une sphère moyen-orientale arabe avec qui à l’évidence, nous n’avons aucun atome crochu, le moment est venu de faire preuve d’audace pour être en phase avec le mouvement du monde, sans rien perdre de nos identités multiples.
Qu’on prenne garde! La bête immonde de la partition qui a eu raison de civilisations millénaires aussi prestigieuses, comme l’Irak, la Syrie, ne nous fera pas de cadeau nous ne sommes pas invulnérables. Le Soudan a perdu 1 million de kM2 qui ont été offerts à une ethnie chrétienne par les Occidentaux.
Il nous faut imaginer un modèle de vivre ensemble qui libère les initiatives. Comment alors conjurer les démons de la division et aller vers le vivre-ensemble? Pour Renan « Une nation repose à la fois sur un héritage passé qu’il s’agit d’honorer, et sur la volonté présente de le perpétuer ». L’avènement d’une nation passe par une Histoire assumée par tous.
Les vrais défis qui nous attendent se résument à tout ce qui favorise l’éducation. Pour moi, tout commence à l’école ; le meilleur capital, la meilleure richesse de ce pays consiste en la mise en place graduelle d’un système éducatif performant. Tout doit être fait pour amener à ce brassage.
Les spécialités doivent être réparties à travers le pays de telle façon à ce que le brassage soit une réalité contribuant à ce creuset du vivre ensemble comme le fait à l’époque le Service national.
Les défis exaltants auxquels est confronté le pays nous commandent plus que jamais d’être unis pour les grandes causes, il s’agir d’assurer à l’Algérie de garder sa place dans le concert des nations et de préparer l’avenir en barrant la route à l’aventure.
Car une nation apaisée qui s’accepte dans ses multiples dimensions pourra mettre ses citoyens en ordre de marche pour conjurer les périls à venir. En définitive, la plus grande richesse du pays est sa jeunesse à qui nous devons expliquer les enjeux pour la faire participer aux défis du pays.
L’Algérien du XXIe siècle, fier de son socle identitaire trois fois millénaire, aura sans nul doute à cœur de rattraper le temps perdu, il participera à la construction du pays en étant, acteur ce faisant de son destin ne laissant aucun interstice à l’aventure dans cette Algérie qui nous tient tant à cœur.
I
l nous faut pour cela et pour citer James Freeman Clarke « des hommes d’Etat qui pensent aux générations futures et non des hommes politiques qui pensent aux prochaines élections ».
l nous faut pour cela et pour citer James Freeman Clarke « des hommes d’Etat qui pensent aux générations futures et non des hommes politiques qui pensent aux prochaines élections ».
Conclusion
La colère comme toute passion violente est une aliénation mentale momentanée! Les partis politiques ont une mission historique, celle de contribuer à sauver le pays. Le peuple se souviendra le moment venu de ceux qui jouent les Ponce Pilate alors que le feu est dans la maison. Dans mes écrits, je cite souvent Cheikh Nahnah qui avec une rare lucidité parlait d’une ligne rouge indépassable. Al djazair min ta lata min Tizi Ouzou li Tamanrasset oua Min Tlemcen li Tebessa » parlant à sa façon de l’algérianité et l’enthousiasme à inventer pour affirmer son désir de vivre ensemble puis de faire ensemble pour construire le pays
Il ne faut pas que cette tragédie disparaisse une fois que la compassion laisse la place à l’indifférence et plus grave à l’oubli.
C’est un électrochoc. Nous sommes vraiment en danger. Il faut consolider ce vivre ensemble a l’instar de ce que nous avons connu dans le service national la trentaine de martyrs du service national qui sont venus mourir à Tizi Ouzou sont venus de toutes les régions du pays.
Les dons qui affluent de toutes les régions du pays indiquent en creux que les Algériens sont mûrs et qu’ils rêvent globalement d’unité d’algérianité Nous avons un devoir de reconnaissance envers monsieur Bensmaïl père pour sa lucidité. Je propose qu’un cours spécial sur le vivre ensemble soit dispensé chaque année dans les écoles et les universités avec à la clé un examen annuel.
A titre d’exemple dans les universités américaines, un cours est dispensé et donne lieu à une évaluation qui compte.
Le projet de société est pour nous un fil conducteur qui imprègne chacune de nos actions en étant persuadés que nous sommes avant tout et après tout des Algériens qui ont une dette envers ce pays et comme l’écrit Renan «la Nation devrait être pour nous un plébiscite de tout les jours ».
*Prof. Ecole Polytechnique Alger
Notes
1.Ali Amzal 14-08-2021 https://www. operanewsapp.com/dz/fr/share/detail? news_id=7be 30c53fbb 9c60cfad222536e555535& news_entry _id=76adae45210813fr dz&open_type= transcoded&from= newslite&request_id=share_request
2.La Patrie News https://www.operanewsapp.com/dz/fr/main/assassinat-du-jeune-djamel-bensmail%C2%A0-%E2%80%98on-nous-a-induit-en-erreur%E2%80%99-avouent-les-mis-en-cause-arr%C3%AAt%C3%A9s?
3.https://www.operanewsapp.com/dz/fr/main/assassinat-du-jeune-djamel-bensmail%C2%A0%E2%80%98on-nous-a-induit-en-erreur.
Le Quotidien d’Oran, 19/08/2021
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