Maroc Confidentiel

Gazoduc «Maghreb-Europe» : Le Maroc fait marche-arrière

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Par Feriel Nourine

Nouvelle volte-face marocaine dans ses relations avec l’Algérie. Cette fois-ci, le Makhzen tente un nouveau semblant d’apaisement à travers le dossier du gazoduc «Maghreb-Europe», transformé par les autorités marocaines en énième acte d’hostilité contre notre pays et l’un ses principaux clients en gaz naturel.

Au printemps dernier, ces autorités avaient, en effet, lancé la menace de ne pas renouveler l’accord d’exploitation du gazoduc «Maghreb-Europe», qui traverse le territoire marocain pour approvisionner l’Espagne et le Portugal en gaz à partir de l’Algérie.

Le contrat devant arriver à terme en octobre prochain, le Maroc espérait tirer de ce dossier de nouvelles ressources en matière de chantage pour faire pression sur l’Algérie, mais surtout sur l’Espagne, dont les relations avec le royaume alaouite traversent, elles aussi, une période de grave crise.

Mais voilà que depuis mercredi dernier, Rabat a décidé d’opérer un virage à 180 degrés dans l’affaire du même gazoduc, affirmant que le Maroc est favorable à son maintien. C’est ce que rapporte la presse locale, citant la Directrice générale de l’Office national des hydrocarbures et des mines (ONMH), Amina Benkhadra.

Cette dernière semble avoir choisi la sémantique qui sied pour démentir indirectement les informations faisant état des intentions de non-renouvellement du contrat par son pays. «La volonté du Maroc de maintenir cette voie d’exportation a été clairement affirmée de manière constante, à tous les niveaux, depuis plus de trois ans», a-t-elle, en effet, déclaré.

«Nous l’avons exprimée verbalement et par écrit, publiquement et dans les discussions privées, toujours avec la même clarté et la même constance», a-t-elle soutenu, dans l’objectif de réduire à l’expression de rumeurs les révélations faites, à la mi-mai dernier, par le journal en ligne espagnol El Confidencial Digital. Lequel avait annoncé l’intention des autorités marocaines d’empêcher le passage du gaz algérien vers l’Espagne par leur pays en guise de menaces adressées aux autorités espagnoles dans le cadre du contentieux entre les deux pays sur les questions migratoire et du Sahara occidental.

Un autre revirement marocain qui intervient dans une étape où la tension entre l’Algérie et ce pays a atteint son paroxysme, sous l’effet, entre autres, de révélations émanant de l’enquête policière sur les incendies qui viennent de ravager la Kabylie et impliquant le Makhzen comme soutien au MAK dans cette tragédie qui a endeuillé les Algériens, ainsi que dans le crime crapuleux perpétré contre le jeune Djamel Bensmaïl. Revirement manifesté à quelques petites heures d’intervalle avec la décision prise par le Haut conseil de sécurité de réviser les relations entre les deux pays.

En tout état de cause, le changement d’attitude marocain dans l’affaire du gazoduc «Maghreb-Europe» semble avoir été dicté en premier lieu par les intérêts économiques de ce pays. Les menaces brandies il y a quelques petits mois pour intimider l’Espagne semblent n’avoir été qu’un feu de paille sans suite aucune sur un contrat signé depuis déjà 1996 et dont une quelconque rupture viendrait nuire, en premier lieu, aux dividendes que prélève le Makhzen sur le passage du gaz algérien vers ce gros client qu’est l’Espagne, et à un degré moindre le Portugal.

En effet, le non renouvellement du contrat portant sur ce gazoduc signifierait de grosses pertes pour la partie marocaine. Des experts expliquent, en effet, que dans pareille situation, le Maroc se verra couper lui aussi l’approvisionnement en gaz naturel par la voie de ce canal, et devra donc aller chercher dans un marché gazier indexé sur le Brent et dont les prix restent relativement haut en dépit du repli observé ces dernières semaines.
Le Makhzen a donc tout intérêt à maintenir ouvert son territoire au passage du gazoduc «Maghreb-Europe». Ceci d’autant que les intentions de fermeture qu’il a manifestées le printemps dernier ont eu plutôt un effet inverse sur la coopération gazière algéro-espagnole, les deux pays n’ayant fait montre d’aucune inquiétude face à cette menace.

Dès la fin juin dernier, l’Algérie avait affirmé qu’en cas de rupture du contrat, elle continuerait à alimenter l‘Espagne, ainsi que le Portugal, en recourant à ses capacités de liquéfaction. Mieux encore, «même en cas de non-renouvellement de ce contrat qui prend fin en octobre prochain, l’Algérie pourra fournir l’Espagne, mais également répondre à une éventuelle demande supplémentaire du marché espagnol sans aucun problème», avait rassuré le Pdg de Sonatrach, Tewfik Hakkar. De son côté, le gouvernement espagnol avait déjà pris les devants en cas d’aggravation de crise avec le Maroc pour conserver ses approvisionnements en gaz algérien, avait souligné El Confidencial Digital.

«L’Espagne a réussi à sauver avec l’Algérie un possible problème d’approvisionnement si une escalade de représailles à l’encontre de notre pays par le Maroc commençait», avait indiqué le journal en ligne, citant une source locale proche du dossier. Il s’agira pour les deux pays de recourir au gazoduc sous-marin Medgaz, installations appartenant pour 51% à Sonatrach et 49% à son partenaire espagnol Naturgy, en guise de réplique à la stratégie déployée par la partie marocaine.

A la mi-juillet dernier, les deux partenaires ont annoncé le démarrage de l’extension de ce gazoduc au quatrième trimestre 2021. Ce projet nécessite un investissement de 73 millions d’euros, et permettra de rajouter 2 milliards de mètres cubes par an à l’alimentation gazière de l’Espagne, soit 25 % de plus que la capacité actuelle, pour dépasser 10 milliards de mètres cubes.

«Après une décennie d’exploitation ininterrompue et un investissement initial d’environ 843 millions la mise en service de l’extension de Medgaz renforce la sécurité d’approvisionnement de l’Espagne car il s’agit d’une infrastructure clé pour le transport du gaz naturel», a indiqué Naturgy dans un communiqué.

Une annonce qui semble avoir mis en alerte les responsables du secteur au Maroc et provoqué le «démenti» de la DG de l’ONHM, mercredi dernier.

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