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FERMETURE DE SON AMBASSADE, INSTAURATION DU VISA, MESURES SÉCURITAIRES…
À quoi doit s’attendre Rabat
par Tarek Hafid
En rompant ses relations avec le Maroc, l’Algérie est tenue de mettre en œuvre une série de mesures politiques prévues par la Convention de Vienne de 1961 sur les relations diplomatiques. Alger devrait également engager des mécanismes sécuritaires ainsi que des restrictions économiques.
Tarek Hafid – Alger (Le Soir) – La rupture de relations avec un Etat est une décision politique qui, une fois annoncée officiellement, enclenche une série de mesures. Dans le cas de l’Algérie, la nature des relations qui la lient au Maroc ne devrait pas engendrer d’importants bouleversements.
En effet, les frontières terrestres entre les deux pays sont fermées depuis 1994, et les vols entre Alger et Casablanca sont suspendus depuis plusieurs mois à cause de la pandémie de coronavirus. Sur le plan diplomatique, l’Algérie a rappelé son ambassadeur à Rabat le 18 juillet 2021, soit quatre jours après l’opération de soutien officiel du Makhzen envers les séparatistes du MAK, qui s’est déroulée au siège de l’ONU à New York.
Dans le domaine politique, voilà longtemps que les responsables des deux pays ne se croisent plus que lors d’événements multilatéraux. En matière de relations internationales, la référence reste la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques de 1961. L’article 45 de ce texte trace le cadre général de la rupture de relations diplomatiques entre deux États. «En cas de rupture de relations diplomatiques entre deux États, ou si une mission est rappelée définitivement ou temporairement : l’État accréditaire est tenu, même en cas de conflit armé, de respecter et de protéger les locaux de la mission, ainsi que ses biens et ses archives ; l’État accréditant peut confier la garde des locaux de la mission, avec les biens qui s’y trouvent, ainsi que les archives, à un État tiers acceptable pour l’État accréditaire ; l’État accréditant peut confier la protection de ses intérêts et de ceux de ses ressortissants à un État tiers acceptable pour l’État accréditaire.»
En clair : l’Algérie ferme les locaux de son ambassade à Rabat, rappelle l’ensemble des diplomates à l’exception du chargé d’affaires. Ce dernier peut ouvrir une section au sein de l’ambassade d’un pays tiers accrédité à Rabat qui représentera les intérêts de l’Algérie.
Autre mesure probable : l’institution d’un visa pour les ressortissants marocains. En août 1994, au lendemain de l’attentat contre un hôtel de Marrakech, le Maroc avait expulsé — souvent par la force — des milliers de touristes algériens et institué de façon unilatérale un visa. Alger a ensuite appliqué le principe de la réciprocité. Le 30 juillet 2004, Rabat décidait de supprimer cette mesure, qui sera suivie par une décision similaire de la part d’Alger le 2 avril 2005.
Le spectre des spoliations de 1973
Reste la situation des milliers de ressortissants des deux pays qui vivent de part et d’autre de la frontière. Lors de la conférence de presse de mardi, le ministre des Affaires étrangères avait assuré que la rupture des relations avec le Maroc «ne touchera pas les citoyens des deux pays», puisque, expliquera-t-il, «les affaires consulaires travailleront normalement». Cependant, le Makhzen a prouvé qu’il est capable de prendre des mesures coercitives contre les ressortissants algériens comme cela a été le cas en 1973, lorsque Hassan II avait signé un décret royal pour spolier les terres de 273 propriétaires algériens.
Au total, ce sont 15 965 hectares de terres agricoles qui ont été nationalisés au profit de la Sogeta, une société publique. Ce dossier reste jusqu’à aujourd’hui en suspens, puisque le gouvernement marocain refuse de l’assainir.
Sur le plan économique, et à l’exception de la vente de gaz à travers le gazoduc Gazoduc Maghreb Europe (GME), les relations entre les entreprises algériennes et marocaines sont très peu développées. Ces dernières années, l’Office chérifien du phosphate (OCP) a importé de grandes quantités d’ammoniaque auprès de l’entreprise algérienne Fertial. L’ammoniaque est utilisée dans la production d’engrais phosphatés.
Par ailleurs, le Maroc continue d’importer de l’énergie électrique à partir d’Algérie. En fait, des restrictions économiques ne sont pas à écarter dans le cadre de cette rupture des relations avec le Maroc. Elles pourraient entrer en droite ligne avec l’instruction prise par Abdelmadjid Tebboune, en mai dernier, de résilier les contrats établis par la Société algérienne d’assurance (SAA), et la Compagnie algérienne d’assurance et de réassurance (CAAR) avec des entreprises marocaines spécialisées dans le développement de logiciels. Mais le véritable défi est avant tout sécuritaire.
Le Maroc, avec l’appui de son allié stratégique Israël, pourrait en effet augmenter le niveau de son hostilité envers l’Algérie.
Outre l’appui à des organisations terroristes, autant celles activant sur le territoire algérien que dans les pays du Sahel, Rabat pourrait également impliquer militairement Alger dans le conflit armé qui l’oppose au Front Polisario. C’est d’ailleurs pour contrer toute action malveillante que le Haut Conseil de sécurité avait annoncé, mercredi 18 août, «l’intensification des contrôles sécuritaires aux frontières ouest».
T. H.
Le Soir d’Algérie, 26/08/2021
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