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Le procès de Houda Feraoun a été reporté au 20 septembre 2021. L’ancienne ministre des Télécommunications est la première femme à comparaître pour corruption en qualité d’ex-ministre devant le tribunal de Sidi-M’hamed.
Elle figure également parmi les anciennes personnalités dont l’arrestation, le 8 décembre 2020, a fait beaucoup de bruit. Sa mise sous mandat de dépôt lui a été signifiée de nuit par un juge d’instruction qui venait de l’écouter sur les dossiers Huawei et ZTE.
Houda Feraoun sera jugée pour infraction à la législation, octroi d’avantages non justifiés à autrui lors de passassion de marchés, dilapidation de deniers publics et mauvaise utilisation de la fonction. Elle est poursuivie avec six autres personnes, d’anciens hauts cadres des télécommunications et les deux sociétés chinoises, ZTE Algérie Eurl et Huawei Télécom Algérie. De lourdes charges pèsent également sur ces entreprises. Elles seront jugées pour obtention d’avantages délivrés par une autorité, exercices d’influence sur des fonctionnaires publics en vue d’obtenir des avantages dont la révision des délais de finition de projets et participation à la dilapidation des deniers publics.
En 2016, Huawei et ZTE ont bénéficié d’importants marchés par lesquels l’Algérie visait à obtenir l’amélioration du débit internet et de la couverture du net à travers le pays. L’ambitieux projet vise à connecter 85% des foyers algériens. 250 000 utilisateurs doivent être raccordés à la fibre optique internet à haut débit et la mise en exploitation de près de deux millions de lignes FTTH-FTTX à travers cinq wilayas Alger, Oran, Constantine, Tizi-Ouzou, Ouargla et prolonger le raccord avec 66 zones industrielles. Ce projet n’a cependant été réalisé qu’à 19% (199 000 lignes) avec le partenaire Huawei et 11% (110.238 lignes) avec la société chinoise ZTE. Un budget de 73 millions de dollars avait été alloué uniquement pour l’installation d’un million de lignes.
Les résultats de l’enquête menée autour du dossier concluent à l’existence de nombreux dépassements et évoquent l’existence de « preuves et documents irréfutables » mettant en cause l’ancienne ministre des Télécommunications. L’affaire commence en 2016. Houda Feraoun, alors âgée de 36 ans, figure parmi les ministres les plus en vue, elle symbolise la réussite, clame ses aspirations, celles de moderniser le domaine des TIC. Très vite, elle se distingue du reste des membres du gouvernement et obtient une place privilégiée auprès des hommes forts du moment qui lui accordent leur confiance. Son intelligence et sa force de caractère sont deux critères qui lui valent l’ascension, dit-on autour d’elle. Le 8 décembre 2020, elle comparaît cependant défaite devant le juge d’instruction.
Houda Feraoun se trouve au tribunal de Sidi-M’hamed où elle sera placée sous mandat de dépôt au terme d’un long interrogatoire durant lequel elle nie en bloc tous les faits qui lui sont reprochés. Elle affirme notamment ne s’être jamais réunie avec les représentants de Huawei et de ZTE au siège du ministère.
Les témoignages recueillis durant les investigations menées attestent toutefois le contraire. Kebbal Tayeb, ex-DG d’Algérie Télécom, déclare aux enquêteurs avoir été présent avec un certain nombre d’autres personnes durant cette rencontre. Parmi les présents, dit-il, se trouvait la ministre elle-même, l’ex-DG de Mobilis, ainsi qu’une délégation de Huawei. La réunion porte sur les projets de modernisation et d’extension de la couverture du net à travers le pays. Kebbal Tayeb affirme également avoir reçu instruction (de Houda Feraoun) d’entamer des négociations avec Huawei pour la réalisation du million de lignes FTTH-FTTX. Lors de ses déclarations, il affirme avoir reçu un appel téléphonique de la ministre (trois jours plus tard) qui désirait savoir si les négociations avaient été entamées. La réponse négative de l’ancien DG d’Algérie Télécom la fâche. Une confrontation entre Kebbal Tayeb et Houda Feraoun est organisée chez le juge d’instruction, l’ancienne ministre revient à ce moment sur ses propos et déclare cette fois qu’elle ne se souvient pas de cet événement et atteste qu’elle n’avait pas pour habitude de recevoir des représentants de ce genre de sociétés étrangères ni privées du reste.
D’autres témoignages viennent cependant la contredire. Ils sont contenus dans une correspondance du SG du ministère des P et T et dans les propos de l’ancien DG de Mobilis qui confirme toutes les déclarations de l’ancien DG par intérim d’Algérie Télécom. Les enquêteurs se penchent également sur le registre des visiteurs et découvrent les noms des personnes qui composaient la délégation Huawei en visite au ministère à la date où s’est tenue la fameuse réunion. Dans leurs conclusions, les enquêteurs font également état de grosses irrégularités constatées dans la passation de ces marchés puisqu’ils ont été passés sans appel d’offres national ou international, sans établissement de cahier des charges, en recourant à la pratique du gré à gré, absence d’études préalables avant l’octroi des marchés, et sans l’évaluation ni proposition concurrente.
Les enveloppes budgétaires dépensées sont pourtant très lourdes et avoisinent les 36 milliards de DA. Les contrats passés entre Algérie Télécom et ZTE ont été établis sur la base d’instructions données par Houda Feraoun, notent encore les enquêteurs, leur financement s’élève à 73704897.88 dollars 24,483 863 360 07 DA. Le coût du contrat passé entre Algérie Télécom et ZTE n’est pas des moindres non plus, il s’élève à 30 776 587 240 DA. Il y a plus grave encore puisque l’enquête a fait ressortir le fait qu’après deux années, les factures présentées par Huawei représentaient uniquement 21,05% de la somme débloquée. Les conclusions auxquelles sont parvenus les enquêteurs de l’Office de répression de la corruption ont aussi leur importance. On apprend ainsi que les marchés ont été octroyés en contradiction avec les instructions du Premier ministère (Sellal était en poste à cette époque) qui avait adressé des correspondances sommant le ministère des Télécommunications au respect de toutes les règles établies en matière de passation de contrat.
De nombreux autres détails seront révélés durant le procès qui pourrait toutefois être reporté à une autre date. Traditionnellement, lors de la première comparution, les demandes de report des avocats sont systématiquement acceptées par le président du tribunal, afin d’accorder au collectif de défense un délai supplémentaire pour l’étude des documents.
Avec Le Soir d’Algérie, 30/08/2021
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