Maroc, Algérie, Israël, Sahara Occidental,
Comment déconstruire la stratégie de Rabat
Par Abdelkader Kateb *
Par-delà le fait de commander maladroitement un article dans la dernière livraison de Jeune Afrique, un média connu pour être un outil de propagandiste, la rupture des relations avec le voisin encombrant a montré comment «la communication de connivence» est devenue une norme en vogue.
François Soudan, directeur de la rédaction de Jeune Afrique est signataire d’un récent éditorial dans lequel il commentait la rupture des relations diplomatiques entre Alger et Rabat, en s’en prenant injustement au ministre des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra.
En effet, le titre: «Ramtane Lamamra, pompier ou pyromane?» est juste une clause de style pour mieux suggérer soi-disant que M. Lamamra serait plutôt responsable d’envenimer les relations bilatérales déjà au point mort.
«Irritation», désaccords et déclarations chocs… Les relations entre le Maroc et l’Algérie traversent encore une fois de nouvelles turbulences, après la rupture des relations diplomatiques. Une décision algérienne grandement qualifiée de «judicieuse et sage».
Ainsi, quelque chose a changé depuis le 24 août dernier. Le caractère provocateur des initiatives marocaines, prises au prétexte de réagir aux déclarations de notre ministre Ramtane Lamamra, ont largement fait la théorie marocaine de «l’agression».
Sur ce sujet, un expert algérien a recensé en quelques mois 28 occurrences de déclarations officielles marocaines alarmistes et provocatrices.
Ce nouveau prisme marocain qui touche l’Algérie et qui repose, notamment sur un gaspillage historique et de la perte de sens qui en résulte, permet de mieux comprendre les valeurs culturelles dominantes au Maroc et la portée, voire les limites du pouvoir d’imposition symbolique, notamment sur la particularité de cette phase dans les relations algéro-marocaines, qui correspond à une guerre de valeurs et de communication et tout ce qui s’ensuit comme propagande, guerre psychologique, dénigrement des thèses de l’autre et promotion de l’opinion nationale, comme source de stratégies de redéploiement.
Vu sous cet angle, le constat est sans appel. Sur les 20 dernières années, je peux dire sans risque de me tromper que sur le plan communicationnel, le Maroc, qui excelle dans la «dualité du discours», est une «construction de façade».
Le plus intéressant dans l’analyse du discours marocain, c’est qu’au cours de sa récente sortie annuelle, le roi Mohammed VI n’évoque qu’un seul dossier: l’Algérie! Il ne parle ni de la crise avec Madrid, ni de l’Union européenne, ni de l’Afrique, ni du Sahel, ni de la Palestine, ni du scandale Pegasus, ni du Rif ou des autres déboires internes. De ce traditionnel discours prononcé par Mohammed VI, l’on relève que «plus de 40% du texte concerne l’Algérie».
Un dossier unique, voire une fixation communicationnelle marocaine sur l’Algérie.
Au-delà des propos mielleux contenus dans le discours du roi, Rabat oublie qu’Alger attend toujours des clarifications sur la dernière dérive onusienne du royaume à l’encontre de l’Algérie. Or, le roi Mohammed VI n’en dit mot.
Ce préambule délibéré vise à souligner que la monarchie marocaine, échaudée par les scandales récurrents, fait un appel d’air aux «têtes parlantes» et aux «mercenaires communicants» pour dépoussiérer l’image du pays et camoufler le modèle prédominant qui se base sur le mensonge systématique, la guerre psychologique et la propagande, et qui touche ses limites, s’agissant des rapports avec le voisin oriental, jugé par l’entourage royal «désobligeant», «concurrent», «rival», voire «ennemi».
Sur le fond du problème qui envenime les relations bilatérales, les responsables marocains, certainement à court d’arguments, n’ont rien trouvé de mieux que de s’attaquer à l’Algérie en portant des accusations gratuites et en s’efforçant de l’impliquer en tant que protagoniste dans le conflit du Sahara occidental. Si tel était le cas, l’on rappellerait au sieur Omar Hilale, qui semble avoir la mémoire courte, que ce dossier a été, et demeure, inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée générale de l’ONU, depuis 1963, et a bénéficié, pour l’histoire, de l’appui de trois pays voisins, à savoir, l’Algérie, le Maroc et la Mauritanie.
L’on rappellerait, par ailleurs, au sieur Hilale que le sommet des chefs d’Etat de l’OUA qui s’est tenu à Rabat, au Maroc, en juin 1972, a adopté une résolution sur le Sahara dit espagnol par laquelle les chefs d’Etat africains, dont le roi du Maroc, déplorent la lenteur avec laquelle l’Espagne procède à la décolonisation de ce territoire et engage une fois de plus l’Espagne à instaurer un climat de liberté et de démocratie dans lequel le peuple de ce territoire pourra exercer son droit à l’autodétermination et à l’indépendance, dans les plus brefs délais, en application de la Charte des Nations unies. Mais au moment où la puissance coloniale a affiché, en 1975, son intention d’organiser un référendum d’autodétermination, le Maroc s’est découvert, contre toute attente, une ambition colonisatrice, en envahissant le territoire du Sahara occidental et en affirmant sa vocation d’annexer ce territoire non autonome.
C’est dire donc que les déclarations, hélas, mensongères du sieur Omar Hilale visent à dénaturer les faits et à travestir la réalité, celle d’un conflit de décolonisation qui oppose le Maroc au Front Polisario, qui reste le représentant légitime d’un peuple luttant pour sa libération.
Par-delà le fait de commander maladroitement un article dans la dernière livraison de Jeune Afrique, un média connu pour être un outil de propagandiste, la rupture des relations avec le voisin encombrant a montré comment «la communication de connivence» est devenue une norme en vogue.
François Soudan, directeur de la réd
action de Jeune Afrique et signataire d’un récent éditorial dans lequel il commentait la rupture des relations diplomatiques entre Alger et Rabat, en s’en prenant injustement au ministre des Affaires étrangères,Ramtane Lamamra.
action de Jeune Afrique et signataire d’un récent éditorial dans lequel il commentait la rupture des relations diplomatiques entre Alger et Rabat, en s’en prenant injustement au ministre des Affaires étrangères,Ramtane Lamamra.
En effet, le titre: «Ramtane Lamamra, pompier ou pyromane?» est juste une clause de style pour mieux suggérer soi-disant que M. Lamamra serait plutôt responsable d’envenimer les relations bilatérales déjà au point mort. Pour les connaisseurs, ce geste de François Soudan reste largement complaisant et loin d’être étonnant.
Tout cela, bien sûr, a favorisé l’amalgame entretenu par des feuilles de chou, de publications et de productions audiovisuelles dirigées par des entités occultes plus ou moins rompues à l’action psychologique et à la pratique propagandiste, issues de cursus spécialisés.
Leur particularité est d’avoir fait appel à une arme redoutable, celle de la terminologie anti-algérienne.
Il s’agit, en fait, d’utiliser des mots pour dévaloriser le voisin de l’Est, dont les symboles de sa diplomatie sont jetés en pâture et systématiquement visés par des sobriquets fabriqués, en se basant sur le mensonge: on donne une partie de l’information, celle qui arrange, mais pas celle qui dérange, dont la finalité est de dénaturer des appréciations spéculatives et tendancieuses sur la situation en Algérie et ses perspectives.
Dans le même temps, des officines pro-marocaines douteuses médiatisent à grande échelle des études sur un prétendu avenir «apocalyptique» qui attend notre pays l’Algérie, alors que notre voisin le «royaume enchanté» est assuré d’un avenir «radieux».
Cette mobilisation hystérique fait suite à un article publié sur un site revendiquant prétendument son algérianité.
Une fois le produit publié, le fiel est repris par la majorité des médias marocains, y compris par le très officiel quotidien Le Matin.ma et l’officieux 360.ma.
Cette stratégie permanente de la tension à l’égard de l’Algérie et de ses symboles vise à amener le voisin de l’Est à «réviser» sa position de principe sur la question de la décolonisation du Sahara occidental (qui est, rappelons-le, la position de l’ensemble de la communauté internationale, ndlr), au mépris des principes et des objectifs consacrés par l’acte constitutif de l’Union africaine, notamment l’impératif d’unité et de solidarité entre les peuples d’Afrique et la défense de l’intégrité territoriale et l’indépendance des pays membres de l’Union.
Ainsi, les allusions, les sous-entendus et les insinuations ingrates visant les ténors de la diplomatie algérienne, dont Ramtane Lamamra, Abdelkader Messahel et Sabri Boukadoum, les qualifiant injustement de tous les maux, ne font pas long feu, car elles n’existent en fait que dans l’imagination des satellites marocains qui les ont inventés.
Cette situation grave impose une contre-offensive, non seulement pour tirer les enseignements nécessaires, mais aussi pour lancer des initiatives plurielles, dont le redéploiement rapide et efficace de notre diplomatie auquel s’emploie sans relâche et avec brio le nouveau ministre des Affaires étrangères, sous la haute autorité et les orientations du président de la République, Abdelmadjid Tebboune.
La page marocaine étant tournée, le ministre Lamamra s’attellera donc à gérer les dossiers prioritaires, dont, notamment la crise libyenne, le conflit au Mali, le prochain sommet arabe et les relations avec le voisinage européen.
Contrairement aux dérives particulièrement dangereuses de Rabat et les tirs croisés contre les icônes diplomatiques algériennes, Rabat fait de sa haine de l’Algérie une feuille de route et un stratagème de promotion interne pour détourner l’opinion de la dure réalité de sa situation intra-muros, mais, en guise de riposte, Alger prendra son temps pour déconstruire cette machine marocaine toxique.
(*) Ancien diplomate
L’Expression, 01/09/2021
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