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Trafic de drogue/ Au Maroc, la cocaïne est-elle le nouveau cannabis ?
par Jihane Ben Yahia*
L’augmentation du trafic de cocaïne vers le Maroc semble viser les mêmes routes et consommateurs que les flux de cannabis.
Le 11 février 2018, le Bureau central d’investigations judiciaires marocain a annoncé avoir saisi 541 kilogrammes de cocaïne dans un conteneur transporté par un cargo en provenance du Brésil, et se dirigeant vers le port de Casablanca.
Cette annonce intervient cinq mois après l’interception d’une quantité record de 2,4 tonnes de cocaïne près de Rabat, la capitale marocaine. Cette saisie a été décrite comme « la plus grande cachette jamais découverte dans l’histoire de ce pays d’Afrique du Nord ».
Une autre quantité de 2,5 tonnes avait été interceptée en décembre 2017, à quelque 100 milles nautiques au large de la ville côtière de Dakhla, lors de la première opération conjointe hispano-marocaine contre le trafic de cocaïne par voie maritime. La cargaison aurait été trouvée à bord d’un bateau de pêche qui avait été repéré naviguant vers le nord en remontant le littoral mauritanien avant d’atteindre le Maroc.
Le Maroc a connu une augmentation considérable du nombre de saisies de cocaïne en provenance d’Amérique du Sud.
Selon le rapport mondial sur les drogues de 2017 de l’ONUDC, le Maroc est classé troisième en termes de saisies de résine de cannabis après l’Espagne et le Pakistan. Récemment, cependant, le pays a connu une augmentation drastique du nombre de saisies de cocaïne en provenance d’Amérique du Sud. Les statistiques publiées dans le rapport 2017 de la Direction générale de la surveillance du territoire (DGST) le confirment, en constatant un pic important en 2017 (qui a vu une augmentation de 48% par rapport à 2016).
Il est clair qu’il y a eu un changement significatif dans les itinéraires que les trafiquants de drogue utilisent pour acheminer leurs marchandises vers les marchés de consommation, mais existe-t-il des liens entre les groupes qui produisent et font passer la cocaïne par le Maroc, et ceux associés à la production et à l’exportation de cannabis ?
Selon le dernier rapport annuel de l’Observatoire national marocain des drogues et des toxicomanies, « les organisations de drogue en Amérique latine ont commencé à exploiter les routes marocaines du cannabis pour le trafic de cocaïne […] vers l’Europe ».
Cela suggère que le Maroc est incorporé le long de la route transatlantique de la cocaïne qui va traditionnellement de la région des Andes à l’Europe en passant par l’Afrique de l’Ouest. En 2011, un rapport de l’ONUDC sur la cocaïne a également suggéré que les routes traditionnelles du trafic de résine de cannabis du Maroc vers l’Espagne étaient utilisées pour le trafic de cocaïne.
Drogue rare et coûteuse, la cocaïne n’était traditionnellement consommée que par un groupe restreint
Le rapport 2016 de l’UE sur le marché des drogues s’en est fait l’écho, affirmant qu' »un groupe qui trafique de la résine de cannabis du Maroc vers la péninsule ibérique peut facilement utiliser les mêmes personnes, les mêmes itinéraires et les mêmes moyens de transport pour trafiquer également de la cocaïne transitant par l’Afrique de l’Ouest.
Drogue rare et chère, la cocaïne n’était traditionnellement consommée que par un petit groupe de Marocains et n’était pas considérée par les autorités comme une menace importante. Cependant, l’augmentation du trafic de cocaïne semble avoir stimulé la consommation locale. Il y a dix ans, un gramme de cocaïne coûtait 1 000 dirhams alors qu’aujourd’hui, il peut être acheté pour 400 dirhams. Entre 1980 et 2008, seuls les neuf cas d’overdose de cocaïne ont été recensés. Aujourd’hui, sur les 600 000 consommateurs de drogues au Maroc, environ 18 000 consommeraient de la cocaïne et 12% des jeunes scolarisés auraient essayé cette drogue. Une réponse rapide est nécessaire pour endiguer cette menace avant qu’elle ne s’enracine encore plus profondément.
*Coordinateur de l’observatoire régional du crime organisé ENACT – Afrique du Nord, SSI
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