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L’Algérie grâce à sa position géostratégique privilégiée peut reprendre son rôle de leader régional et de s’imposer sur la scène internationale. Ses atouts indéniables lui permettent d’évoluer et de peser dans un contexte régional marqué par des ensembles géoéconomiques, selon Ahmed Kateb, expert chercheur en relations internationales, qui analyse et décrypte dans cet entretien la nouvelle dynamique de la diplomatie algérienne.
Est-ce qu’on peut, aujourd’hui, parler de repositionnement géopolitique de l’Algérie ?
L’Algérie tente de réinvestir l’Afrique après de longues années d’absence. Le ministre des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, qui a été commissaire africain pour la paix et la sécurité, a un carnet d’adresses africaines très étoffé. Il retrouve, aujourd’hui, le continent qu’il a longtemps servi aussi bien à Addis-Abeba qu’à Alger. Et il est tout à fait normal que l’Algérie se redéploye dans cet espace régional, sachant que ses intérêts sont avant tout dans son voisinage sahélien en particulier et sa profondeur africaine d’une manière générale. Ce retour s’est confirmé à travers son activité diplomatique intense qui a pu bloquer l’accession de l’entité sioniste au statut de membre observateur de l’Union africaine. C’est aussi une manière pour le pays de renouer avec sa profondeur régionale, d’autant plus que la sécurité nationale dépend étroitement de celle du voisinage, à savoir la Libye, le Mali et le Sahara occidental. L’importance stratégique de la zone Maghreb-Sahel pour l’Algérie n’est, d’ailleurs, plus à démontrer.
L’Algérie a-t-elle les moyens de ses ambitions diplomatiques ?
Elle a tous les moyens nécessaires. A commencer par ses compétences humaines et son histoire qui plaide pour elle et qui lui permet d’occuper une place forte en Afrique. Et puis, il n’y a pas que l’appareil diplomatique. Il ya aussi la diplomatie économique, culturelle et cultuelle. C’est tout un éventail d’arguments et d’avantages qui est mis à la disposition de la diplomatie algérienne pour mieux s’imposer sur notamment la scène régionale. On a assisté récemment à la nomination de plusieurs envoyés spéciaux par le président de la République. L’Afrique se taille dans cette dynamique la part du lion en matière de partenariats internationaux et de relations économiques. C’est tout cet arsenal qui fait dire que l’Algérie a réinvesti l’Afrique sereinement.
Notre voisin de l’Ouest a profité de notre longue absence pour prendre les devants en Afrique à travers un large tissu entrepreneurial. Cette orientation diplomatique pourrait-elle être contraignante pour notre pays ?
La nature a, en effet, horreur du vide. Lorsque notre pays était absent sur le terrain, d’autres diplomaties ont profité pour se déployer en Afrique. Aujourd’hui, avec le retour de Ramtane Lamamra, il est possible de reprendre notre rôle de leader sur les plans maghrébin et sahélien. Il est même fort à parier que le voisin de l’Ouest se sentira très mal à l’aise en raison de leur diplomatie et de leur économie surfaites. Celles-ci, faut-il le rappeler, dépendent des rallonges des financements tantôt des pays du Golfe, tantôt de la France et des Etats-Unis et dernièrement de l’entité sioniste. Si le Maroc s’appuie sur des acteurs externes à l’Afrique pour investir le continent, l’Algérie déploie ses propres moyens à travers ses partenariats et ses propres ressources pour être présente et s’imposer sur la scène régionale.
Quelles sont actuellement, selon vous, les priorités du ministre des Affaires étrangères actuellement ?
La sécurité de notre voisinage, notamment au Mali et en Libye, est une priorité absolue pour le chef de la diplomatie algérienne. C’est ce qu’on peut retenir de ses déplacements au Mali et dans la région du Sahel, ainsi que la conférence d’Alger concernant la Libye. L’Algérie s’intéresse de près à toutes les problématiques liées au développement de l’Afrique et de sa sécurité. Ce sont les plus importants dossiers sur lesquels notre diplomatie travaille et les résultats ne tarderont pas à voir le jour, soit dans les semaines à venir.
Pensez-vous que l’Algérie a perdu son influence dans les enjeux géostratégiques du conflit libyen ?
L’Algérie n’a jamais été hors jeu dans ce conflit. Le déplacement des différents antagonistes de la scène libyenne à Alger pour régler le conflit de manière inclusive et loin de toute interférence étrangère en est une preuve édifiante. Il y avait, certes, les Nations unies, la Ligue arabe et l’Union africaine, mais la démarche algérienne demeure inclusive et respecte le droit international et le droit des Libyens à disposer de leur avenir, de leurs propres ressources et de leur pays.
Entretien réalisé par Assia Boucetta
Horizons, 14/09/2021