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par Noureddine Khelassi
Au FLN, où la réalité dépasse la fiction, les légendaires dobermans du «redressement» politicien sont toujours lâchés !
De nouveau, nerfs à vif et esprits chauffés à blanc. Tintamarre, noms d’oiseaux et torgnoles que les uns et les autres ont distribués aux uns et aux autres. Il y avait récemment de l’électricité à haute tension au siège de l’ancien parti unique qui est vraiment unique à bien des égards. Cette fois-ci, les nouveaux «redresseurs» sont venus «redresser», c’est-à-dire virer brutalement dans le lexique FLN, l’actuel secrétaire général aux nom et prénom atypiques de Baâdji Abou El Fadl. Un avocat sorti de nulle part, c’est-à-dire d’une éprouvette politique magique. Mais le promu au «redressement» râle, renâcle et résiste, car il refuse d’être «redressé» à son tour, croyant encore que son tour de «redressement» n’est pas encore venu.
Mais son sort semble tout de même scellé car il sera vraisemblablement remplacé par un collège de «sages», en l’occurrence des «redresseurs» bcbg cornaqués par un «redresseur» au long cours, et chargés de préparer un congrès extraordinaire qui désignera son successeur. Voilà pour l’aspect factuel de la tambouille de l’actuel FLN qui est décidément un front loufoque national !
Reste la question du fond du problème, car le départ ou même le maintien à son poste de Baâdji Abou El Fadl, quelles que soient les bonnes ou les mauvaises raisons à la base, n’est pas le thème du jour. Le sujet essentiel, c’est ce que signifie et représente le FLN aujourd’hui. En fait, rien ne doit surprendre de la part de ce FLN-là, dont les remugles politiques, les miasmes organiques et les exhalaisons putrides des querelles picrocholines diffèrent peu des émanations toxiques de Oued El Harrach ! Le FLN, c’est évident, est de nouveau en profonde crise, une crise cyclique. Le mal qui le ronge est une maladie endémique qui y sévit par intermittence depuis 1996. Elle porte un nom qui est une marque de fabrique : Le «redressement». Euphémisme politique né du complot dit «scientifique» inventé cette année-là par un cacique multiservices du parti pour «redresser» définitivement un certain Abdelhamid Mehri qui, lui, que Dieu lui en rende grâce, voulait «redresser» le FLN pour l’engager sur la voie rectiligne du vrai « redressement » démocratique.
Mais, à propos du FLN, cadavre politique perpétuellement à la renverse — malgré son dernier succès législatif dopé à l’EPO électoral —, on se demande toujours qui «redresse» qui, au nom de qui et de quoi, à quel propos et au profit de qui ? On tend l’oreille à chaque fois pour mieux comprendre les subtilités de cette science-FLN du «redressement», mais à chacun de ses remakes, on ne comprend plus ce qui nous paraissait évident juste avant. Sauf que les «redresseurs» de tout bord du FLN sont des politiciens comme les autres. La classe en moins, puisqu’ils règlent leurs différends à coups de poing, de postillons et d’injures de soudards, quand ce n’est pas à l’aide des crocs de dobermans qu’un «redresseur» bien en vue a un jour lâché sur d’autres «redresseurs» destinés alors au «redressement» du moment !
Tout compte politique fait et tout mécompte politicien effectué, le fond du problème ne réside pas dans le fait de «redresser» un secrétaire général qui n’arrange plus les affaires de tierces parties à l’origine du «redressement» en cours. Il n’est même pas dans le fait que «redresseurs» et candidats au «redressement» ont offert au pays le spectacle d’une pièce de boulevard jouée à ciel ouvert par de piètres acteurs du présent ectoplasme tragicomique du FLN historique. Des clientèles composées de malandrins et de bien d’autres margoulins qui se sont emparés du glorieux sigle FLN pour en faire une rente viagère. À savoir un crédit-rentier leur assurant un revenu politique captif à vie, comme beaucoup en rêvent encore !
Tous ces «redresseurs» qui veulent «redresser» les autres «redresseurs», doivent être «redressés» eux-mêmes. Pour le bien d’un parti à la ramasse éthique et à la dérive politique. Par-dessus tout pour le bien commun, et ce serait même une œuvre d’utilité publique de restituer le parti à ses rares vrais militants en le libérant de tous les rentiers du «redressement». Le faire en se rappelant que le nettoyage des écuries d’Augias fut le cinquième des douze travaux d’Hercule. Ces écuries étaient tellement dégueulasses qu’on ne pouvait plus y entrer. Elles n’avaient plus été lavées depuis trente ans, presque autant que le temps passé depuis le premier «redressement» qui a écarté Abdelhamid Mehri de la direction d’un parti astreint alors à une cure d’opposition et sur la voie du «redressement» démocratique. Héraclès les avaient nettoyées en une seule journée, en y détournant les eaux des fleuves Alphée et Pénée. Hercule fut donc dans l’histoire de l’humanité, le premier grand «redresseur».
Le FLN, ex-parti unique est vraiment unique en son genre, on ne le dira jamais assez ! Jugez-en, à la suite d’Abdelhamid Mehri qui en connaissait les arcanes comme formation politique post-indépendance et les qualités comme organisation révolutionnaire du mouvement de libération : «C’est un parti du pouvoir qui n’a jamais été au pouvoir» ! Un parti de pouvoir, une façade politique du pouvoir réel. Ses secrétaires généraux n’ont jamais dirigé le pays, mais des présidents de la République l’ont dirigé en son nom. Le premier dirigeant du FLN ne devient pas président de la République, mais c’est le président de la République qui devient ensuite président de l’ancien parti unique, comme on a connu ça sous les trois mandats de Chadli Bendjedid. Durant les deux décennies du bouteflikisme bonapartiste, le FLN n’était pas au pouvoir, mais le chef de l’État en était cependant le «président d’honneur». En réalité, le seul maître d’un parti qui lui servait de béquille partisane, au titre de pilier d’une coalition d’allégeance politique englobant les courants nationaliste et islamiste du pays.
Bref, un FLN symbole d’un pouvoir virtuel. Vitrine d’un pouvoir réel qui servait de cadre de mise en scène électorale du choix du candidat à la présidence de la République décidé en amont et en arrière-plan par les forces qui actionnent les «redresseurs».
N. K.
Le Soir d’Algérie, 14/09/2021