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L’ex président de la République, Abdelaziz Bouteflika, a été inhumé hier au cimetière d’El Alia comme s’il était un simple citoyen ou presque.
Son successeur, Abdelmadjid Tebboune lui a certes offert des funérailles officielles en décidant même de mettre le drapeau national en berne pendant trois jours et dans tout le pays, mais cela n’a pas vraiment donné la dimension émotionnelle qui aurait sied à l’événement.
Malgré la présence du chef de l’Etat, du chef de l’état-major de l’ANP et les hauts responsables, les funérailles de Bouteflika avaient mis dans l’embarras beaucoup de monde. La discrétion qui a entouré la cérémonie d’inhumation en dit long sur cette gêne officielle de « gérer » un évènement qui, au delà de sa dimension humaine, soulève des passions parfois vengeresses et démesurées.
Abdelaziz Bouteflika n’a, malheureusement pour lui, pas su capitaliser ses vingt ans de pouvoir, du moins durant les deux premiers mandats où il jouissait de toutes ses capacités physiques. Sa détermination à refuser d’être un ¾ de président a été battue en brèche dès ses premiers soucis de santé. Affaibli, il a perdu le contrôle des affaires au profit de ceux qui allaient s’adonner à la grande corruption et à la délinquance économique.
Décidemment, elle est loin sa présidence historique de la 29eme session de l’Assemblée générale des Nations unis en 1974, et sa décision de faire sortir les représentants du régime de l’apartheid sud africain des travaux, ou encore de faire monter à la tribune le vaillant Yasser Arafat… Ce Bouteflika là, qui menait à la baguette la diplomatie algérienne, avait un grand capital symbolique qu’on l’aime ou pas.
Ironie du sort, cet homme qui aura marqué la transition en Algérie entre le terrorisme ravageur et la reconstruction du pays via son retour dans le concert des nations, à très mal fini son long règne. Les Algériens ne retiennent désormais presque rien de ce qu’était ce moudjahid et ce brillant diplomate. Son attachement maladif au pouvoir l’avait tellement aveuglé qu’il a dilapidé tout le capital sympathie que son passage lumineux aux affaires étrangères lui avait donné.
Indépendamment de ce que l’on pourrait penser de cet homme ombrageux et de son bilan, il est tout de même triste qu’il finisse comme cela. On a beau transporté sa dépouille à bord d’un char orné de fleurs de la garde républicaine, le peuple qui pleure ses leaders charismatiques décédés n’était pas là hier. L’ambiance hier au cimetière d’El Alia, était véritablement celle de la mort. Au propre comme au figuré.
Abdelaziz Bouteflika au verbe haut et au geste ample, qui soulevait des foules jusqu’au délire, a été inhumé dans un incroyable silence. Il a assurément mal fini bon gré mal gré. Il était écrit qu’il allait être balayé par l’insurrection populaire du 22 février 2019 durant laquelle plus de 20 millions d’Algériens étaient sortis dans les rues de toutes les villes du pays pour lui dire stop à l’humiliation d’un cinquième mandat.
Bouteflika si fier et si soucieux de s’offrir des funérailles dignes des grands leaders du monde à la manière de Boumediene, aura finalement rejoint sa dernière demeure presque dans l’anonymat. Même la télévision publique n’a pas retransmis l’événement ! Signe qu’on veuille sauver la face. Des funérailles officielles certes, mais sans les fleurs et les youyous…
En 2021, le cadavre de Bouteflika est, en quelques heures, devenu encombrant y compris pour le président Tebboune qui aura eu la lucidité de lui offrir plus qu’il ne mérite à savoir des funérailles présidentielles et la mise en berne du drapeau national. Pour le reste, Bouteflika subit, à son corps défendant, la loi sans pitié de la décadence après avoir profité jusqu’à l’overdose de la grandeur, deux décennies durant.
Puisse cette fin tragique d’un homme qui a « réussi » le consensus contre lui, servir d’exemple à ne pas suivre à ceux qui auront la mauvaise idée de tourner le dos à leur peuple en succombant à l’ivresse du pouvoir.
Par Imane B.
L’Est Républicain, 20/09/2021