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L’Espagne cherche » in extremis » en Algérie pour éviter un effondrement énergétique dans un mois
Le voyage d’urgence du ministre des affaires étrangères, accompagné de Naturgy et d’Enagás, vise à renouveler les accords de fourniture de gaz qui expirent le 31 octobre. La crise entre Rabat et Alger menace le pacte.
José Manuel Albares se rend ce jeudi en Algérie par mesure d’urgence. Accompagné de Naturgy et d’Enagás, le ministre des affaires étrangères cherche à renouveler le gazoduc du Maghreb qui passe par Tarifa et qui fournit environ 26 % du gaz consommé en Espagne. Le problème est que l’accord actuel expire le 31 octobre et que le pacte est loin d’être rempli compte tenu de la grave crise diplomatique entre le Maroc et son voisin régional. Et l’échec de l’extension de ce pipeline pourrait conduire à un effondrement énergétique dans notre pays.
Le chef de la diplomatie espagnole a déjà rencontré son homologue algérien, Ramtane Lamamra, la semaine dernière en marge de l’Assemblée générale des Nations unies à New York. Cette deuxième réunion en quelques jours seulement est donc un signe clair de l’attention – et de l’inquiétude – qui existe à Madrid sur cette question.
Le problème de l’approvisionnement en gaz algérien rejoint le front judiciaire de l' »affaire Ghali », qui a éclaté en avril à la suite du geste de Madrid envers Alger pour qu’il admette incognito le chef du Front Polisario dans un hôpital de La Rioja en raison du risque de décès dû au coronavirus.
Des sources diplomatiques estiment donc que le moment est venu pour l’Algérie de rembourser cette faveur à l’Espagne en augmentant les mètres cubes d’eau pompés dans le désert du Sahara ou en faisant une exception à la rupture des ponts avec le Maroc, qu’Alger a ordonnée ces derniers jours. Le dernier rebondissement a été la fermeture de l’espace aérien algérien à tous les avions civils et militaires marocains.
L’Algérie a du gaz « à revendre ».
Vingt-six pour cent de l’électricité produite en Espagne en septembre provenait de centrales à gaz à cycle combiné. Sans oublier qu’à l’approche de l’hiver, 29 % des chaudières espagnoles fonctionnent au gaz naturel. Ce scénario souligne l’urgence du voyage diplomatique pour répondre aux besoins énergétiques de l’Espagne à partir du 31 octobre.
La délégation qui se rend en Algérie est confiante que les besoins des trois parties permettront de forger l’accord. L’Algérie a « beaucoup » de gaz, selon ceux qui connaissent ce scénario, et disposer d’un autre moyen de le pomper est idéal pour eux. Le Maroc perçoit une redevance pour le passage de l’infrastructure sur son territoire sous forme de fournitures de gaz. Et l’Espagne trouve ainsi le moyen de s’approvisionner en une matière première actuellement hors de contrôle sur le marché.
Le problème est que depuis le mois d’août, l’hostilité entre le Maroc et l’Algérie s’est intensifiée en raison du différend sur la souveraineté du Sahara occidental. Ce conflit a atteint son paroxysme le 24 août, lorsque l’Algérie a rompu ses relations diplomatiques avec le Maroc en raison d’une série d' »actions hostiles » dont elle a accusé son voisin.
Une décision qui a torpillé le renouvellement de ce pacte, malgré les pourparlers menés depuis avant le conflit, et qui a conduit à ce voyage d’urgence du gouvernement espagnol pour débloquer la situation.
Que se passe-t-il s’il n’y a pas d’accord ?
L’Espagne importe environ 51% du gaz qu’elle consomme par deux gazoducs en provenance d’Algérie. En plus du Maghreb, il existe un oléoduc maritime qui relie directement l’Algérie à l’Espagne, via la côte d’Almeria, fournissant 25% de cette matière première aux consommateurs espagnols. Cette infrastructure est le Medgaz, exploité par Naturgy et la société algérienne Sonatrach jusqu’en 2041.
Les 49 % restants sont acheminés par des navires et des voies alternatives. Le problème est qu’en l’absence d’accord, le marché actuel des gaziers est tellement tendu que l’Espagne rencontrerait de grandes difficultés d’approvisionnement.
Les marchés européens du gaz sont pris en étau depuis des mois entre les faibles niveaux actuels de stockage, la forte demande de gaz naturel liquéfié (GNL) en provenance d’Asie et la réduction de l’approvisionnement par gazoduc en provenance de Russie et de Norvège. Les prix quotidiens atteignent des sommets et les prix à terme pour cet hiver ont augmenté de 200 % pour dépasser 70 €/MWh.
« Sonatrach a déclaré qu’elle pourrait fournir l’Espagne en cas de non-renouvellement et notre calcul confirme la déclaration de Sonatrach », expliquent les analystes de S&P Platts Analytics dans un récent rapport. « Toutefois, cette stratégie comporte des risques, comme le souligne notre analyse approfondie, notamment des pannes fréquentes dans les principales installations d’exportation de GNL », ajoutent-ils.
Entre 2016 et 2020, l’Algérie a utilisé cette route pour transporter 34,8 kilomètres cubes de gaz naturel (Bcm), soit 52 % de ses exportations totales vers l’Espagne. « Nous pensons qu’un accord pour maintenir les flux à travers la partie marocaine du pipeline GME reste l’issue la plus probable des tensions en cours », soulignent les analystes de S&P.
Le scénario est d’une extrême urgence. Des sources commerciales indiquent à Vozpópuli que la crise énergétique est devenue la principale préoccupation des entreprises et du gouvernement dans le cadre de la reprise post-pandémie. Et ce voyage diplomatique a tous les yeux rivés sur l’économie espagnole en raison des conséquences d’un éventuel échec.
Voz Populi, 30/09/2021