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Ceux qui croient que la normalisation entre Israël et le Maroc date des accords dits d’Abraham l’hiver 2020 se trompent complètement. En réalité, Israël et le Maroc ont maintenu des relations dans la plus grande discrétion depuis près de 60 ans. En 1963, Israël a soutenu le Maroc dans la guerre des sables.
L’Algérie venait d’obtenir son indépendance après la guerre de libération contre le colonialisme français, lorsque le Maroc attaqua l’Algérie pour l’accaparation de villes d’Algérie, dont Tindouf. En 2008 et dans un livre préfacé par un ancien chef du Mossad, Ephraïm Halévy, publié en hébreu par les éditions Matar, révèle les liens étroits entre Israël et le Maroc. Le journaliste auteur de l’œuvre rapporte que le chef du Mossad de l’époque, Meir Amit, doté d’un faux passeport, a rencontré à Marrakech le roi Hassan II pour lui déclarer : « Nous pouvons, et nous voulons vous aider. » Le souverain alaouite a accepté l’offre israélienne. Ainsi, des instructeurs de l’armée israélienne ont ensuite entraîné des officiers marocains, formé des aviateurs, organisé ses services secrets, surveillé la construction de la barrière entre le Maroc et l’Algérie, vendu des armes, y compris des chars AMX-13 français, et équipé des embarcations de pêche avec des radars pour les transformer en gardes-côtes. Malgré le soutien d’Israël, le Maroc n’a pas pu remporter la guerre imposée à l’Algérie.
La signature de l’accord d’Abraham, accord multilatéral signé par le Maroc, a eu pour conséquence sous Tremp « la reconnaissance », par Washington, de la marocanité du Sahara. Quant à la fameuse normalisation des relations diplomatiques entre Israël et le Maroc, ce n’était en réalité qu’un coup de bluff pour amuser la galerie. En effet, trois mois après l’annonce de la «normalisation» des relations diplomatiques entre Jérusalem et Rabat, les langues se délient et apparemment, tout n’était qu’une mise en scène car de source sûre, les deux pays entretiennent depuis plusieurs décennies des relations très sécrètes. Cette révélation a été faite par Jonathan Hempel, spécialiste de l’armée israélienne qui a été cité par le média Middle East Monitor, lequel cite le média israélien Haaretz. Il est notoire, d’après ce spécialiste, que dans les années 70, Israël a transporté des chars de combat vers le Maroc.
L’expert ajoute que de 2002 à 2020, les autorités des deux pays se sont rencontrées à plusieurs reprises et dans le plus grand secret. L’expert explique que les relations entre Rabat et Jérusalem se sont principalement focalisées sur le renseignement mais aussi les ventes d’armes. Il ajoute par ailleurs que l’Etat d’Israël a déjà fourni le Maroc en armes, en systèmes de communication et de surveillance. Hempel révélera dans l’entretien qu’il a accordé à Haaretz qu’en 2013, Israël avait fabriqué et vendu trois drones Heron à l’Air Force Marocaine pour un montant estimé à 50 millions de dollars.
Dans le domaine de la surveillance, Israël a fourni au Maroc ces dernières années des outils très sophistiqués pour traquer les dissidents opposés à la monarchie. Rappelons que sur la question liée à la surveillance, en juin dernier, Lecourrier-du-soir.com avait relayé un communiqué d’Amnesty International qui accusait l’Etat d’Israël d’avoir fourni au Maroc le fameux logiciel connu sous le nom de «Pegasus» utilisé par le Maroc pour traquer les dissidents à l’image de plusieurs opposants dont le journaliste Omar Radi ou encore l’activiste Maati Monjib, mais aussi de personnalités politiques françaises, algériennes et autres. Donc, qu’Israël accélère aujourd’hui la production d’armement sur le sol Marocain au profit de ce pays est la concrétisation d’un plan préétabli et non pas la conséquence des accords d’Abraham. Cette relation entre les deus états est devenue un secret de Polichinelle, puisqu’Israël et le Maroc fructifient leur coopération dans les domaines de l’agriculture, du tourisme et surtout de la sécurité et la défense et entretiennent depuis bien plus de 20 ans déjà des relations étroites surtout dans ce dernier domaine. L’étape du rapprochement accéléré entre Rabat et l’industrie de défense israélienne, est au stade final, le Maroc à commencé à mettre sur pied, sur son territoire, une filière dédiée au développement de drones kamikazes israéliens, appareils relativement simples à construire et aux conséquences dévastatrices. Les voisins, surtout ibériques, s’inquiètent des accords de coopération militaire maroco-israélienne, en particulier d’un programme de drones suicides qui est en cours de développement. On oserait même dire que l’essentiel de la coopération en matière de sécurité entre le Maroc et Israël est mené secrètement. Les deux pays utilisent principalement l’échange d’informations de renseignement et un commerce d’armes plutôt sophistiqué comme ceux pour une guerre électronique, les communications et les systèmes de contrôle, aurait même indiqué un rapport britannique dernièrement. Cette situation suscite on le devine, l’inquiétude des pays voisins du Maroc, notamment l’Espagne au regard de la coopération militaire maroco-israélienne particulièrement dans l’industrie de l’armement. Aussi, grande est l’appréhension dans les milieux officiels espagnols qui ne la voient pas du meilleur œil. Israël, c’est inexorable, va installer des usines d’armes militaires au Maroc.
Cela fait partie des accords de coopération conclus bien avant l’établissement des relations diplomatiques entre Israël et le Maroc. L’établissement, par l’État hébreu d’usines d’armement militaire sur le territoire marocain, signifie un renforcement considérable de la « position stratégique » marocaine dans la région. Le ministre des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger, Nasser Bourita, a annoncé que les responsables israéliens de la Défense et des Finances en visite officielle à Rabat, signeront des contrats pour l’implantation d’un groupe d’usines militaires au Maroc, dans le cadre de la coopération stratégique entre les deux pays. Le journal espagnol La Razon rapportait également que le Maroc, avait entamé, en collaboration avec Israël, le développement d’un programme de drones suicides. Il s’agit de « dispositifs relativement simples à construire et aux conséquences dévastatrices ». Le média affirme que le groupe Israël Aerospace Industries (IAI) est impliqué dans cette opération. Le média croit savoir également que le commandant de la gendarmerie nationale du polisario, Dah Al Bendir, a été tué lors d’une opération militaire utilisant un drone de fabrication israélienne. Il s’agit, bien entendu de données non officielles, Rabat n’ayant jamais ni infirmé ni confirmé ces informations. Avec l’accord signé entre Israël et le Maroc, il est clair qu’un tel renforcement de la coopération maroco-israélienne n’est pas surprenant. Ce partenariat est « en mesure de s’adapter face aux menaces encore plus grandes et encore plus pernicieuses que constituent le terrorisme, l’extrémisme violent, la cybercriminalité, les trafics illicites de tous genres et le séparatisme » indiquait pour sa part le ministre marocain des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger, Nasser Bourita. Tandis que l’État-major des Forces Armées Royales de cette coopération plus étroite dans le domaine de l’industrie de défense se félicitait « d’éventuels transferts technologiques ».
La France, protectrice traditionnelle du Maroc, et l’Espagne, géographiquement très proche du territoire marocain ne voient pas ce rapprochement avec Israël d’un bon œil. Bien que sur le front des ventes d’armes, les deux pays Israël et la France soient concurrents, notamment en Afrique, les militaires et ingénieurs de ces deux pays coopèrent dans une opacité complète sur la guerre du futur, alliant commandement numérique, drones et robots. Si la France est le troisième exportateur d’armes mondial, Israël est actuellement au huitième rang. Et si les deux pays ont des relations amicales dans bien des secteurs, c’est plus compliqué dans la défense. D’une part parce que leurs industriels se retrouvent parfois en concurrence et que les Israéliens ont la réputation de « casser » les prix pour piquer des marchés d’armes. Mais d’autre part – et surtout – parce que les Israéliens lorgnent avec insistance sur une chasse gardée traditionnelle des militaires et des marchands de canons français : l’Afrique. Malgré les différends (essentiellement sur le terrain africain), Israël est bien l’ami de l’armée française. Le lobby ne peut que s’en réjouir. Et le peu d’intérêt que suscite la question palestienne aux yeux de la France, ne peut que conforter la politique d’extension israélienne en Afrique, car à ce propos, rien ne gênera cette évolution, vu que la Palestine pour la France et maintenant pour le Maroc est « un non-sujet », et ne sera pas pris en compte dans le domaine de la coopération entre ces états, malgré que cette décision de normalisation avec Israël soit en contradiction totale avec la volonté des masses populaires marocaines qui ont toujours pris position contre le sionisme et ont affirmé leur solidarité avec la lutte du peuple palestinien pour son émancipation. Cette décision qui témoigne du caractère despotique du régime, du simulacre de ses institutions « élues » (le Parlement avec ses deux chambres, la chambre des représentants et la chambre des conseillers) et de son gouvernement de façade, on laissé des traces dans le gouvernement du premier ministre Saad Dine El-Otmani qui avait déclaré refuser toute normalisation avec l’entité sioniste. Il avait également rappelé les positions fermes du parti face à « l’occupation sioniste et les crimes commis contre le peuple palestinien ». Attendu au tournant, les coulisses lui ont fait payer ses positions qui n’avaient pas plu, en leur temps, au Palais.
Plusieurs partis d’opposition marocains ainsi que l’Association marocaine des droits de l’homme (AMDH) ont condamné ce rapprochement, rappelant que le Maroc a toujours été du côté du peuple palestinien. « C’est une décision politique qui n’est pas du tout en harmonie avec le peuple marocain qui a toujours été très solidaire avec le peuple palestinien contre les crimes commis par Israël », avait déclaré Khadija Riyadi, ancienne présidente de l’AMDH. Malgré cela, la monarchie qui nourrit un système de népotisme et de corruption au profit d’une minorité de familles qui profitent de leur mainmise sur les rouages de l’État pour augmenter leurs fortunes, ne permet pas que l’on vienne contrarier ses desseins et lui imposer des points de vue contraires à initiatives, même si elles proviennent de la majorité du peuple et de ses élus. Certes, le Maroc n’est pas du tout une démocratie. L’essentiel des décisions politiques se prennent dans d’autres cercles que celui du gouvernement, mais il faut mettre les politiques face à leurs responsabilités, leur rappeler qu’une autre politique contraire au peuple est néfaste au pays.
Avec cette normalisation et la militarisation excessive du Maroc, le monde semble découvrir à travers notamment « Pegasus », le logiciel israélien au cœur d’un des plus graves scandales d’espionnage de la décennie, que le pouvoir marocain bafoue allégrement les droits humains, la liberté d’expression ou celle de la presse. Aujourd’hui pourtant, ces droits n’existent plus au Maroc. Si les journalistes Omar Radi, surveillé par Pégasus, et Soulaiman Raissouni sont en prison, c’est justement parce qu’ils ont vu et dénoncé le durcissement autoritaire de leur pays. Ils ont refusé, comme de nombreux journalistes marocains, de se soumettre et de se taire. Le dossier Pegasus prouve qu’Omar et Soulaiman sont des lanceurs d’alerte et que leur combat dépasse largement les frontières du Maroc. La surveillance des algériens et des sahraoui nous amène à parler de la question du Sahara. Cette question qui est entre les mains des Nations Unies est également utilisée pendant des décennies par le régime marocain pour construire un « consensus national » sur son despotisme déguisé et sur les politiques d’ajustement structurel. Le Maroc recours au mensonge en accusant, à tort bien sûr, le Front Polisario de coopération avec Daech. Le but du Maroc est d’obtenir la classification du Front Polisario comme organisation terroriste par la communauté internationale qui n’a pas été dupe et a refusé l’initiative du Maroc.
Le Makhzen vise aujourd’hui à utiliser cette « reconnaissance » qu’il a obtenue en marchandant la question du peuple palestinien pour continuer à consolider son alliance à l’intérieur du pays et à renforcer sa politique africaine.
L’aide d’Israël est donc importante, voir indispensable pour le régime. Israël constitue une base avancée de l’impérialisme pour protéger ses intérêts au Moyen-Orient qui est une région stratégique, riche en hydrocarbures et riveraine de points de navigation clés. C’est ce qui explique le soutien permanent de l’impérialisme à Israël, et dont le roi du Maroc compte profiter aussi. Les motivations de ces relations secrètes entre Israël et certains régimes de la région sont la liquidation définitivement de la question palestinienne. La classe politique marocaine, pourtant très imprégnée par la cause palestinienne, est quant à elle restée silencieuse. Seul le mouvement Al-Adl Wal-Ihsane (Justice et bienfaisance), une organisation islamiste interdite mais « tolérée » par le pouvoir, qui avait déjà manifesté en 2019 contre ce qui est surnommé par la presse marocaine « le deal du siècle », est monté au créneau, dénonçant « un cadeau empoisonné ». « Nous refusons de troquer une parcelle de Palestine en échange de la reconnaissance de notre souveraineté sur le Sahara occidental », écrivait le mouvement dans un communiqué publié dans une presse acquise au mouvement. Alors que le ministre marocain des affaires étrangères s’efforce de démentir l’idée que Rabat a fait un geste en contrepartie du soutien américain dans le dossier Saharoui.
La question de la reprise des relations entre Rabat et Israël avait été relancée depuis la visite du chef de la diplomatie américaine, Mike Pompeo, en 2018, et s’est intensifiée ces derniers mois. En mai 2019, le gendre et conseiller de Donald Trump, Jared Kushner, avait abordé avec le roi Mohammed VI les contours de son plan de paix israélo-palestinien. « Les Marocains sont prêts à tout pour défendre leur intégrité territoriale. Le Maroc a une cause nationale. Même si le Maroc a un attachement à la paix au Moyen-Orient, mais l’un n’est pas aux dépens de l’autre », conclut M. Bourita.
Youcef Driss
Le Quotidien d’Oran, 30/09/2021
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