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Il est important de remonter le temps si l’on veut comprendre les aspects les plus cruciaux qui rythment l’histoire du Maghreb et notamment celui de notre voisin insidieux de l’ouest. Toutefois, la périodisation pose un défi spécifique à l’historien. Notre choix, donc s’appuie sur le seul XVIe (seizième) siècle nébuleux et obscur. Au tout début de ce siècle, on dénombre trois grands empires qui se disputent l’hégémonie de la région Maghrébine : Le Portugal et l’Espagne d’une part, alliés selon les circonstances, et les Turcs Ottomans.
L’émergence du maraboutisme : Un phénomène maghrébin.
Le Portugal qui occupe presque tout les points stratégiques du littoral du Maghreb extrême depuis le XVe siècle. L’Espagne après la Reconquista reprend Ceuta, Melilla, Penon de Velez et Al-houcéma et autres. L’Espagne prend aussi possession de Béjaia, Mers el-Kebir (1504) et Oran (1509) et cela pèse lourdement sur les tributs de la région comme les Béni-Ameurs. Et enfin, l’empire Ottoman qui vient de fourrer son nez dans la région après la prise d’Alger en 1518. Mais, après avoir chassé les espagnoles installées depuis 1511 dans la fameuse forteresse Penon. En 1517, le Sultan Selim1er conquiert l’Égypte et cumulant ainsi le titre de « Commandeur des croyants ».
Qu’en est-il de notre voisin le Maroc ? Le terme de « Maroc », n’est pas d’usage courant à cette époque. C’est plutôt, le « royaume chérifien ». On peut croiser aussi, le terme état ou le royaume de Fez ou Marrakech, ou tout simplement l’état Barbaresque, au même titre, que les régences ottomanes d’Alger et de Tunis. En 1537, le Maroc est officiellement divisé en deux royaumes.
Au nord, les Wattassides (1471-1554) une dynastie berbère du rif. C’est-à-dire cousins des Mérinides (1244-1465) et des Zénètes avec comme capitale Fès. Le lecteur remarquera que l’histoire de cette dynastie berbère de 83 ans est presque inexistante et donc supprimé de l’histoire officielle du Maroc qui compte six dynasties au lieu de sept. Il est vrai qu’elle fut impuissante à mettre fin à la conquête portugaise. Mais, cette dynastie souffrait d’un manque de « prestige religieux». Au sud, la dynastie Saâdienne (1554-1636) qui se présente comme des Chérifs originaires de la région de Yanbo, en Arabie, installés au sud du Maroc dans la Vallée du Draa et dont la capitale est Fès mais aussi Marrakech à partir de 1603. On sait que, l’idée du chérifisme est d’abord une idée politique, tenant son origine du Chiisme Zaidite (Zayd-Ibn Ali) qui détient déjà une conception théocratique du pouvoir a cette époque. On y reviendra. Il est important de souligner que, les princes Saadiens des Banou-Zaydane sont des anciens vassaux des Wattassides.
L’Est (Algérie) ligne de mire du royaume chérifien.
Les princes Saadiens, qui contrôlent le sud du Maroc, cessent de reconnaître le pouvoir central Wattasside. De ce fait, le Maroc se retrouve divisé en deux entités. Et devient alors un terrain ou se disputent les trois puissances irréductibles déjà citées.
Le 11 mai 1541, les Saadiens en plus de leur prestige religieux de chérifs, très important à cette époque, prennent Agadir aux Portugais et apparaissent comme les vrai défenseurs de l’islam. Ils sont traités de héros. Cette victoire facilite leur avancée vers le nord. Les Wattassides, sont définitivement vaincus en 1554, permettant aux premiers de réunifier tout le pays.
En s’emparant de Marrakech en 1528, l’ambition des Saâdiens grandit. Même si l’expansion vers l’est (L’Oranie sous domination Ottomane) est le point de mire des visées de toutes les dynasties qui ont pris le pouvoir au Maghreb aqsa (extrême). Pratiquement, toutes rêvaient depuis le XI° siècle de conquérir et d’élargir leurs frontières vers l’est, autrement dit l’Algérie. Mais, cette fois-ci, ils trouvent sur leur chemin un dur morceau, logiquement ils se tournent vers le sud. Ainsi, envahir une terre tranquille et un adversaire plus faible autrement dit le soudan musulman (bilād as-sudān) est plus facile que de vouloir s’attaquer à l’est ou le nord (Espagne).
Le Royaume Saâdien fasciné par les Turcs de la régence d’Alger.
Aussi paradoxalement que cela puise paraître, les Saadiens, pourtant ennemis des Turcs, sont fascinés et très attirés par la grandeur ottomane, spécialement par sa force militaire. Sous le règne de Mohammed al-Cheikh, une fonderie de canons est créée à Fès et l’armée marocaine dotée d’un parc d’artillerie. Les Turcs sont aussi présents dans l’état-major et la garde personnelle du Roi Saâdien.
Au début le sultan Saâdien Abd-Al-Malik reconnaît l’autorité de la Sublime Porte, frappant monnaie et faisant prononcer le prêche du vendredi au nom du Sultan Murad III tout en versant un tribut quasi-semestriel en contrepartie d’un statut spécial, du moins c’est ce que laisse entendre les documents archives, mais en vérité, c’est juste temporaire, car potentiellement fatale à sa dynastie et ses projets. Selon l’historienne spécialiste du sujet Chantal de la Veronne, en 1580, le chérif du Maroc reçoit un courrier du sultan ottoman Mourad, dont le contenu ne donne au chef marocain Moulay Ahmed que les titres de hakim et d’émir de Marrakech.
Conclusion.
Le XVI ème siècle, va accélérer l’apparition de phénomène du maraboutisme qui va faire souche avec les Chorfas d’abord en Orient puisque le Sultan Souleymane le magnifique (1520-1566) est le premier souverain musulman à comprendre ce phénomène en élevant une koubba au dessus du tombeau de Sidi-Abdel-Kader Djilani mort pourtant au 12 siècle. Les Saadiens n’ont fait que copier le modèle Turc. Ce chérifisme maraboutique obscurantiste pérennisé par les Chérifs Alaouites qui prennent le relais à partir de 1666, va faire un massacre en Algérie. Il a retardé toute la région de plusieurs siècles. Il va surtout préparer le terrain à l’agression coloniale de 1830. Le maraboutisme apparaît comme le tatouage indélébile du Makhzen qu’on ne peut effacer qu’avec un retour conscient au présent du XXIème siècle.
Par Al-Mecherfi.
Karim OULDENNEBIA
Bel-Abbès Info, 20 septembre 2021