Maroc Confidentiel

Le Maghreb en ébullition -Analyse-

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– La crise entre Alger et Rabat, la situation politique et économique précaire en Tunisie, les provocations françaises à l’encontre de l’Algérie… autant d’épisodes qui menacent la stabilité du Maghreb

Les crises qui secouent les pays du Maghreb arabe se sont multipliées, au cours de la période écoulée, et menacent la stabilité de la région, d’autant plus que ces crises ont des dimensions politique, sécuritaire et économique, avec l’intervention de parties étrangères, telle que la France, dans les conflits en cours dans la région ce qui est de nature à aggraver ces crises.
Si nous écartons la Libye et la Mauritanie, au vu de des spécificités qui sont les leurs, et que nous focalisons l’attention sur l’Algérie, le Maroc et la Tunisie – noyau dur du Maghreb – la région fait face à des scénarios incertains, dont certains pourraient menacer la stabilité des Etats, si les crises ne sont pas contenues avant qu’elles ne deviennent incontrôlables.

– Le Sahara occidental : Un dossier épineux

La crise du Sahara occidental fait partie des épineux dossiers en suspens entre le Maroc, d’une part, et le Front Polisario, appuyé par l’Algérie qui abrite des réfugiés de cette région depuis plusieurs décennies, d’autre part.
Le Sahara occidental fait l’objet d’un conflit entre le Maroc et le Polisario, depuis 1975, date de la fin de l’occupation espagnole. Rabat propose une autonomie élargie sous sa souveraineté, tandis que le Polisario, soutenu par l’Algérie, appelle à la tenue d’un référendum d’autodétermination.

Avec l’annonce par l’ancien Président américain, Donald Trump, le 10 décembre 2020, de la reconnaissance par les Etats-Unis d’Amérique de la souveraineté du Maroc sur la région du Sahara occidental, un nouvel épisode d’escarmouches et d’altercations entre le Maroc et le Polisario a été enclenché.

Même si ces escarmouches paraissent limitées et n’ont pas atteint le stade de la « guerre totale », il n’en demeure pas moins que leur poursuite menacerait la stabilité de la région.

Le dossier du Sahara occidental a contribué, également, à compliquer la crise entre l’Algérie et le Maroc de manière inédite, au vu des déclarations réciproques. Le ministre algérien des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, a évoqué ce sujet au cours de la rencontre virtuelle du Mouvement des non-alignés en Azerbaïdjan, les 13 et 14 juillet dernier, et le délégué permanent du Maroc auprès des Nations Unies, Omar Hellal, a appelé à « l’indépendance du peuple kabyle », en Algérie.

Parmi les retombées de la déclaration du diplomate marocain figurent les mesures de rétorsion prises par l’Algérie contre le Maroc, s’agissant notamment du rappel de l’ambassadeur, de la rupture des relations diplomatiques, du non-renouvellement du contrat d’acheminement du gaz algérien vers l’Espagne via un oléoduc qui traverse le territoire marocain et l’interdiction faite aux avions marocains de survoler l’espace aérien algérien.

– L’Espagne et le Maroc : Une relation en dents de scie

Pas loin de l’Afrique du Nord, les relations entre l’Espagne le Maroc sont marquées par des hauts et des bas.
En effet, la relation entre les 2 royaumes a été marquée par une tension et une crise sur fond de l’accueil par Madrid, du 21 avril jusqu’au début du mois de juin dernier, du chef du Front Polisario, Brahim Ghai, sous une « fausse identité », sous le motif de recevoir des soins après qu’il a été atteint de la Covid-19. Cet épisode a provoqué l’ire de Rabat qui accuse Ghali d’avoir « commis des crimes de guerre ».

La crise a connu son point d’orgue lorsque 8 000 migrants clandestins, dont des mineurs, ont afflué, à la mi-mai dernier, du Maroc vers Ceuta (sous administration espagnole), ce qui a été considéré par des responsables espagnols et européens comme étant une tentative de Rabat d’exercer une pression sur Madrid après avoir accueilli Ghai.
Au mois de juillet dernier, le Chef du gouvernement espagnol, Pedro Sanchez, a nommé José Manuel Albares au poste de ministre des Affaires étrangères à la place de Arancha Gonzalez Laya, pour améliorer les relations avec le Maroc, selon des médias des deux pays.

Le 20 août dernier, le souverain marocain a déclaré dans un discours télévisé que son pays « aspire à inaugurer une nouvelle phase inédite dans ses relations avec l’Espagne ».

Le roi Mohammed VI a déclaré à ce propos : « Il est vrai que ces relations ont été marquées, au cours de la récente période, par une crise inédite, qui a secoué fortement la confiance mutuelle et soulevé de nombreuses interrogations sur le destin de nos liens. Toutefois, nous avons travaillé avec la partie espagnole dans le calme, la clarté et la responsabilité ».

– L’Algérie au cœur de la campagne électorale française

Le Président français, Emmanuel Macron, a, brusquement, intégré l’Algérie, de manière implicite, dans sa campagne électorale prévue au printemps 2022, lorsqu’il s’est interrogé sur l’existence d’une Nation algérienne avant la colonisation française du pays en 1830.

Il s’est demandé dans ce cadre : « Existait-il une Nation algérienne avant la colonisation française? ».
La réaction algérienne ne s’est pas fait attendre. Alger a rappelé son ambassadeur à Paris, convoqué l’ambassadeur français à Alger et fermé son espace aérien aux avions militaires français qui le survolaient pour rallier le Mali dans le cadre de l’opération Barkhane.

Un communiqué de la Présidence algérienne a été, également, diffusé pour condamner les déclarations de Macron, qualifiés « d’irresponsables et qui constituent une atteinte inacceptable à la mémoire de 5 millions 630 mille martyrs, qui se sont sacrifiés à travers une résistance farouche et courageuse contre la colonisation française de 1830 à 1962 ».
Macron, qui avait qualifié la colonisation française au cours de sa campagne électorale en 2017, de « crimes contre l’humanité » et qui a été considéré à l’époque par l’ancien et actuel ministre algérien des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, comme « ami » de son pays, a décidé de changer son aire de jeu en lorgnant les voix de l’extrême droite.
En effet, la montée de l’extrême droite en France a fait que Macron a parié sur ce courant pour remporter un deuxième mandat présidentiel et le plus court chemin pour s’attirer les faveurs de cette tendance demeure de multiplier les restrictions et les attaques contre les immigrants en particulier les Maghrébins.

La décision de Macron, portant réduction des visas d’entrée pour les Algériens, les Marocains et les Tunisiens s’inscrit également dans le cadre du rapprochement avec les électeurs de l’extrême droite hostiles aux immigrants, bien que le nombre des électeurs français d’origine algérienne s’élève à plus d’un million de personnes, sans oublier les électeurs d’origine marocaine et tunisienne qui ont eu, à leur tour, un rôle décisif dans la montée de Macron au deuxième tour de la Présidentielle en 2017.

Plus on se rapproche de la date de la présidentielle française d’avril prochain et plus la tension entre Paris et Alger s’accentue, d’autant plus que l’Algérie est devenue, à l’époque du Président Abdelmadjid Tebboune, moins tolérante à l’endroit des dépassements français. On s’attend aussi à ce que l’Algérie annule les réunions bilatérales de haut niveau portant sur la « mémoire commune » entre les deux pays.

Il est prévu, également, que l’Algérie renforce son alliance avec la Russie au Mali au cours de la prochaine phase, pour endiguer l’influence française dans la région du Sahel.

Toutefois, nombre d’observateurs estiment que la tension entre Paris et Alger pourrait disparaître si la France élit un nouveau président et ce au vu de l’ampleur et des intérêts communs qui réunissent les deux pays et que les deux parties souhaiteraient préserver.

– La Tunisie en ébullition

La Tunisie ne fait pas exception et fait partie intégrante de la situation tendue en Afrique du Nord. En effet, le bastion du Printemps arabe connaît une régression en matière de réalisations engrangées par la Révolution du Jasmin, qui a fait chuter le régime du Président Zine el Abidine Ben Ali en 2011.

La suspension par le chef de l’Etat des travaux du Parlement, la levée de l’immunité parlementaire dont bénéficiaient les députés, le limogeage du Chef du gouvernement, Hichem Méchichi, la nomination d’une nouvelle cheffe de gouvernement, après la prolongation sine die des mesures d’exception et l’intention de Saïed d’amender la loi électorale selon une nouvelle vision radicalement différente par rapport à ce qui est connu dans plusieurs pays, sont autant d’éléments et de faisceaux « qui laissent prévoir l’abrogation des partis ».

Cependant, ces mesures d’exception ne font pas l’unanimité parmi le peuple tunisien, scindé en deux parties, une première favorable au Président et une deuxième hostile à ses mesures. Cette division s’est d’ailleurs illustrée à travers les dernières manifestations dans la capitale Tunis.

Ces mesures sont concomitantes avec une crise financière et économique aiguë, selon le gouverneur de la Banque centrale, Marouane Abassi, laquelle crise, selon ce haut responsable, menace le pays de banqueroute, en particulier après que la dette du pays a atteint 90% de son PIB, à la fin de 2020, alors que ce ratio ne dépassait pas les 43% en 2009.

Selon le magazine français « Jeune Afrique », le Président Saïed aurait besoin de 2,82 milliards de dollars pour pallier le déficit budgétaire, au moment où les institutions financières mondiales et les bailleurs de fonds internationaux ne semblent pas enclins à octroyer à la Tunisie un nouveau prêt avec garantie américaine, au vu du flou artistique qui caractérise la situation politique et des pressions exercées par Washington pour un retour à la situation antérieure aux mesures prises le 25 juillet dernier.

Compte tenu de la crise politique aiguë qui secoue le pays, aggravée par une crise économique étouffante, la Tunisie se dirige pour devenir le « Liban du Maghreb arabe », en particulier avec les retombées de la pandémie de la Covid-19 aux plan sanitaire, économique et social.

Cette ébullition politique, aussi bien en Algérie qu’en Tunisie ou au Maroc se doit d’être contenue, de manière bilatérale ou encore au plan local, pour éviter l’escalade et identifier des solutions raisonnables, tout en privilégiant l’accalmie. A défaut, la région pourrait s’enliser dans des dédales encore plus complexes que les situations qui prévalent actuellement.

Anadolou, 07/10/2021

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