Un mot des maux à Monsieur Macron

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par El Yazid Dib
Je vous écris ces quelques lignes en un mot tiré de plusieurs maux qu’il est préférable de les faire taire pour le moment. Un mot ; ni en complainte ni en lamentation. Une légitime défense.
C’est avec un honneur d’algérien indépendant d’un pays libre et souverain que je tente d’élever ma voix pour la porter au jeune président que vous êtes encore pour quelques mois d’une France complexe. Je suis un adulte entièrement algérien, affranchi de toute subordination territoriale. Je ne suis plus cet enfant colonisé. J’ai appris à connaitre pour le subir, ce statut, lorsque p’tit écolier primaire je ne recevais jamais de livres comme cadeaux de fin d’année, mais des billes et des trompettes contrairement à mes camarades qui portaient une autre connotation phonétique et graphique en noms et prénoms que les miens. J’ai appris l’histoire dans le livre «histoire de France et d’Algérie» par Bonnefin et M.Marchand que «mes ancêtres étaient des gaulois». J’ai vu des images de Jugurtha dans une cage, prisonnier des romains. Mais pas le combat de l’Emir Abdelkader ou de Lalla N’soumer. Pour moi donc, l’histoire que vous dénoncez et voulez réécrire est une partie de ma vie. Celle-là je ne l’ai pas uniquement lue, mais vécue.
Vous vous interpelez s’il «y avait une nation algérienne avant la colonisation française ?» Que répondre ? La diplomatie est un ensemble de proclamations, la vérité est un acte. Si l’Algérie n’existait qu’à l’arrivée de la France, quel pays aurait-elle alors envahi ? Quels étaient son nom, ses habitants, ses douars, ses dechras…? Sans avoir la prétention d’un quelconque brio ou expertise d’historien je sais que mon pays passant par plusieurs appellations s’est dénommé finalement «Djazaier» en 960 c’est à dire 870 ans avant le débarquement des troupes françaises. Mon présent mot n’est pas une plaidoirie, juste un «apaisement» de ma mémoire. Un rappel de faits. De ces mots, de ces lettres, de ces vomis ; il va y en avoir de chaque algérien que vos propos vulnérables et instables n’ont fait qu’exaspérer une liaison déjà malade de ce que vous qualifiez de «rente mémorielle» adoubée d’une ingérence à la volte-face et selon le baromètre de votre opinion publique. La nôtre n’étant qu’un surplus factice et coutumier à vos yeux. Certains diront, à peine perdue devant l’ignominie qu’il vaudrait mieux surpasser une haine que subir sournoisement une hypocrisie. C’est cette position différentielle qui trace la frontière entre les discours de divers bords. Zemmour et vous.
Lui, est direct dans sa grasse répulsion de l’autre, vous , vous la maquillez. De l’exaspération à l’exacerbation. Vous auriez pu exprimer autrement tous les revers à l’égard de mon pays. Notamment sur son identité. Un déni d’être et d’existence ; c’est du piment fort. L’histoire est un fait têtu et non pas un libre commentaire d’homme politique, de surcroit président d’une république. On ne joue pas avec. « C’est un produit dangereux ». Dans ce sillage de déclarations, tous vos successeurs ont eu à faire autant, selon l’altimètre électoral du moment. La réconciliation des mémoires que vous sembliez chercher ne peut prendre une telle allure trop cavalière. Ce n’est pas un jeu de mots ou une simple embrassade ou des coups de fil répétitifs entre deux présidents mortels. Le chemin est donc long, très long autant, que béantes sont encore les déchirures. Le temps est encore court pour tenter de s’introduire dans ce qui s’apparente à un gros combat non seulement de mémoire mais aussi de moral. Ce dernier n’est pas disponible du tout à invoquer ce qui ne lui permet pas d’être au bon fixe. On ne peut tourner la page si facilement quand le sombre livre toujours ouvert nous renseigne d’un passé pas trop brillant. Plutôt funèbre et criminel. Vous avez votre histoire, permettez nous d’en avoir la nôtre. Selon nos souffrances et non pas conformément à vos vœux de vouloir la clore vite.
«Je ne parle pas de la société algérienne dans ses profondeurs…», Aviez-vous spécifié la catégorie d’algériens visés par le sésame du visa. Connaissez-vous bien les profondeurs de cette société ? Savez-vous qu’elle n’habite pas à Hydra et sa progéniture n’est pas installée dans les grands boulevards parisiens, ni sur les bords de la Seine ? Elle crèche toujours dans les monts et piedmonts des Aurès, du Djurdjura, d’Arris, de Djorf, de Sebdou, de Mechria et de bien d’autres contrées qui divinisent toujours le sacrifice en gardant les stigmates d’une colonisation meurtrière. Cette Algérie profonde a totalement perdu le verbe français pour s’inscrire aux miracles d’obtention du visa. Elle ne déchiffre maintenant les lettres latines qu’à travers une langue internationale. L’anglais. Moi et ma génération, sommes les derniers à utiliser cette syntaxe. Le français n’est plus debout sur le terrain d’ici, dans cette Algérie profonde. Le français n’a pas, pour plus de véracité, à s’évaluer juste dans le centre d’Alger où il est pris comme un panache d’ouverture, alors qu’il ne s’agit que d’une mesquine frime citadine.
Pour ce qui de la réduction des visas, c’est votre droit absolu. Une question de souveraineté sans ambages. Néanmoins consentez à le dire et vous le pensez, que si ce visa est parfois la clef d’un rêve pour toute cette nouvelle génération éprise d’évasion et de liberté ou son accès vers un cauchemar insoupçonnable , il est surtout un enjeu diplomatique obscur dans un enjeu politique versatile. Un moyen de pression. Une menace aux lèvres de votre ministre de l’intérieur. Que de remous n’ont eu à assombrir ce sensible et frileux dossier qui en finalité ne touche que des liens familiaux. A moindre degré ce «monde d’étudiants et économique. Quant au «milieu dirigeant» que vous dites cibler ; il ne circule pas via visas, dans sa majorité. Si ce n’est la bi-nationalité, c’est au tour du droit de séjour et de son autorisation de faire œuvre de faire-valoir.
Et ce «milieu dirigeant» n’est-il pas le même qui circule sous l’étiquette du «monde économique» ? Que de gros avoirs illégaux ne se sont constitués sur votre terre aux dépends de cette «société algérienne profonde». Alors visa ou pas, cela n’influe pas trop sur la population, voyez ailleurs. Quant aux jeunes à désir ardent de fuir le pays , les
vagues scélérates auront leur salut hypothétique vers les côtes espagnoles ou celles de Lampedusa. C’est vous dire aussi, que ce visa a été exploité et l’est encore pour frustrer par une procédure kafkaïenne au nom du fait du prince, les nombreuses illusions portées sur un pays beau, l’âtre des droits de l’homme, le creuset d’une révolution bouleversante. Ce visa si déifié par certains aurait été une passerelle entre deux pays partagés par la convoitise de l’un et l’instinct de survie de l’autre s’il n’était pas devenu une manette de manœuvre politico-sécuritaire. Ça ressemble un peu à politico-militaire non ? En fait ,Il est de principe naturel qu’aucune frontière n’est infranchissable. Les flux migratoire ont certes brouillé la géopolitique universelle. Les droits de l’homme ont été mystifiés le long de cette transhumance humaine. La France ne restera-t-elle cependant une terre d’asile et d’accueil qu’avec un marqueur ethnique, racial et religieux ? Le sélectif, l‘immigration choisie.
Si l’on vous dit excellent dans l’art financier, vous vous coincez, mêlant les pinceaux dans les nuances hasardeuses de la politique. Celle-là Monsieur Macron n’est pas seulement un guichet de banque ou un ratio à rajouter à un autre. Elle n’a aucune morphologie ni fiduciaire ni scripturale, elle se drape toutefois de l’intérêt. Ce qui est tout à fait adroit car celui-ci n’est que réciproque. Tout comme la diplomatie qui ne se marie pas seulement avec un marché ou un capital à part unilatérale.
En l’état, veuillez Monsieur Macron, excuser l’intrusion du vieil algérien grincheux et parfois ringard que je suis, dans ce «désaccord que la vie nous permet d’en parler et de le partager».

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