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C’est un paradoxe algérien : entamé dans la foulée des premières semaines du Hirak populaire qui a avorté la perspective d’un cinquième mandat du président Bouteflika, le défilé des responsables devant les tribunaux ne semble plus susciter l’intérêt des Algériens. Rares sont ceux qui consentent aujourd’hui, en dehors des cercles intéressés, à commenter les chroniques judiciaires qui accompagnent les affaires enrôlées de ces responsables, dont certains ne sont pas des moindres, compte tenu du rang qu’ils ont pu occuper durant de longues années dans les arcanes du pouvoir.
Les nombreux procès intentés à ces responsables, à un rythme soutenu depuis de longs mois, essentiellement pour des affaires de corruption ou d’abus de fonction, s’ils ont pu provoquer l’étonnement dans l’opinion au tout début de l’opération aux allures de “manu pulite”, ont fini, au fil des mois, par tomber dans une espèce de banalité. Des procès, presque ordinaires, sommes-nous tentés de les qualifier. Ni la qualité, ni le titre des personnes jugées, ni les révélations qui sont parfois faites, et encore moins l’étendue des affaires pour lesquelles ils sont poursuivis ne semblent capter l’intérêt des Algériens.
Sous d’autres latitudes, des affaires similaires auraient non seulement suscité de grands débats, mais auraient fait, sans interruption, les choux gras de la presse. Cette attitude, qui fleure la circonspection des Algériens que le contexte politico-économico-social délétère ne peut expliquer à lui seul, tient sans doute au fait qu’ils peinent encore à croire à l’indépendance de la justice que les dirigeants n’ont pas cessé de clamer depuis de longues années.
Pensé et engagé pour lutter contre la “îssaba”, selon un terme en vogue pour désigner nombre de serviteurs de l’ancien régime, accusée d’avoir dilapidé les richesses du pays et dans l’espoir de récupérer une confiance abîmée auprès de l’opinion, la cascade de procès a fini par prendre les allures de règlements de compte si l’on se fie à certaines déclarations de prévenus, à l’image de l’ex-ministre Tayeb Louh ou encore le frère du défunt président Abdelaziz Bouteflika.
Pis encore, le nombre considérable de responsables poursuivis, dans diverses sphères de la décision (en attendant certainement d’autres) et l’ampleur de la corruption révélée, témoignent que le fléau est loin d’être un simple épiphénomène mais qu’il est structurel et presque institutionnalisé.
Assez suffisant pour convaincre les plus réfractaires de la nécessité de la rupture et du changement des paradigmes de la gouvernance. Unique planche de salut pour rétablir la confiance des Algériens dans leurs institutions, y compris en l’appareil judiciaire.
Liberté, 11/10/2021