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Au centre d’une installation de la station solaire géante Noor, à Ouarzazate, se dresse une tour de 243 mètres. Elle abrite un récepteur qui produit de l’électricité à partir des rayons du soleil, qui sont réfléchis sur elle par 178 m² de panneaux.
« Il y a encore un an et demi, nous aurions été en présence du plus haut édifice d’Afrique – jusqu’à la construction de la Grande Mosquée d’Alger [265 m] », note lors d’une visite Mustapha Sellam, directeur de chantier chez Masen, l’entreprise publique qui gère le complexe.
Mais la motivation première de la poussée du pays vers les énergies renouvelables, qui a débuté en 2009, n’était pas tant de construire des structures record que de réduire la dépendance du royaume vis-à-vis des importations de pétrole et de gaz. Son voisin riche en pétrole, l’Algérie, a rompu ses relations diplomatiques le 24 août, invoquant des « actions hostiles ».
Alors que les rivaux nord-africains n’ont que très peu de liens économiques, ce différend pourrait entraîner la rupture d’un gazoduc qui achemine du gaz naturel vers l’Espagne et le Portugal via 500 km de terres marocaines, et donne au Maroc 7 % du gaz comme frais de transit. Le contrat doit expirer le 31 octobre.
Ce dernier accrochage diplomatique marque une détérioration des relations déjà glaciales entre les deux pays : les tensions sur le Sahara occidental ont été ravivées en décembre lorsque l’ancien président américain Donald Trump a reconnu les revendications du Maroc sur le territoire contesté. L’Algérie, quant à elle, soutient et accueille le Polisario, le mouvement qui réclame l’indépendance du territoire.
La décision de Washington est un triomphe pour le Maroc et fait partie d’un accord de contrepartie qui exige la normalisation de ses relations diplomatiques avec Israël. Cela a également suscité l’espoir – surtout du côté marocain – d’un éventuel échange économique avec Israël, explique Riccardo Fabiani, directeur de projet pour l’Afrique du Nord à International Crisis Group.
Toutefois, à la suite de la décision américaine, qui constitue une violation du droit international, le Maroc s’attendait à ce que d’autres pays lui emboîtent le pas. Cela « a conduit à un sentiment d’enhardissement » et à ce qu’Irene Fernández-Molina, maître de conférences en relations internationales à l’Université d’Exeter, décrit comme des « erreurs de calcul » de la part du Maroc.
Alors que 23 pays, pour la plupart africains, ont ouvert des consulats au Sahara occidental depuis 2019, selon le ministère marocain des Affaires étrangères, les pays européens – en particulier l’Espagne et l’Allemagne – ne se sont pas montrés prêts à suivre le mouvement.
Dans le sillage de la décision de Trump, la ministre espagnole des Affaires étrangères Arancha González Laya a réaffirmé la position de l’Espagne en faveur d’une solution négociée par l’ONU et impliquant les deux parties. Puis les relations se sont encore dégradées lorsque l’Espagne a autorisé le chef du Polisario, Brahim Ghali, à entrer dans le pays pour y recevoir un traitement médical.
De même, l’Allemagne a adopté une position critique à l’égard de la décision des États-Unis et a convoqué une réunion du Conseil de sécurité des Nations unies pour discuter de la question. En mars, le Maroc a coupé le contact avec l’ambassade d’Allemagne à Rabat et a rappelé son propre ambassadeur de Berlin en mai pour « activisme antagoniste » sur la question du Sahara occidental.
Pour l’instant, tous les partenariats allemands sont en pause, y compris les 300 millions d’euros promis par Masen pour un projet d’hydrogène vert. Une autre des stations de Masen est située dans la région du Sahara Occidental de Laayoune.
Les analystes suggèrent que toutes les parties tentent d’améliorer leurs relations. « Globalement, les intérêts économiques du Maroc et les intérêts européens dans la stabilité du Maroc l’emportent sur tout le reste », déclare Fabiani.
Les pays européens ont récemment reçu un rappel de leur dépendance à l’égard du Maroc pour assurer la stabilité et le contrôle de la migration lorsqu’un nombre record de 6 000 migrants – dont 1 500 mineurs – ont pu franchir sa frontière vers l’enclave espagnole de Ceuta en une seule journée en mai.
Les relations avec les pays européens restent toutefois positives. Les représentants marocains et européens ont opté pour une réponse mesurée à la décision d’un tribunal de l’UE en septembre, qui s’est prononcé contre la légalité du commerce et de l’activité de pêche au Sahara occidental en vertu des accords UE-Maroc. Cette décision conteste la validité du précédent contournement juridique de l’UE dans lequel elle prétendait avoir le « consentement » de la population sahraouie.
« Nous restons pleinement mobilisés pour poursuivre la pleine coopération entre l’UE et le Maroc », a déclaré Josep Borrell, haut représentant de l’UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, dans une déclaration conjointe avec Nasser Bourita, ministre marocain des affaires étrangères.Un délai de deux mois est prévu pour faire appel de cette décision. « Ils [le Maroc et l’UE] évitent une crise diplomatique de haut niveau comme celle déclarée par le Maroc en 2016 », déclare Fernández-Molina. « Mais il s’agit d’une situation précaire et il doit y avoir un changement dans l’approche [de l’UE], car ils ne peuvent pas utiliser la même solution créative que la dernière fois. »
Financial Times, 12/10/2021