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Le 17 octobre 1961, l’Etat français, drapé de la toge des droits de l’Homme, commettait un crime contre des Algériens qui manifestaient pacifiquement pour leur indépendance et contre un couvre-feu discriminatoire.
Crime d’État, en ce sens qu’il a été perpétré par des forces de police qui relevaient de l’autorité souveraine de la France et ordonné en haut lieu. Soixante ans après, aucun coupable n’a été jugé ni condamné. Une censure impitoyable a été orchestrée pour empêcher la vérité d’apparaître au grand jour et pour que les instigateurs de cette forfaiture ne soient pas inquiétés.
Comment était-il possible que la police française tue plusieurs dizaines de personnes, en plein cœur de la capitale, sans que cela suscite un scandale de grande ampleur ?
Une police aidée dans cette sanglante chasse aux Algériens par des supplétifs.
Un bilan officiel, minimaliste à souhait, ajouta le mépris au crime et au déshonneur. Il fallut attendre 1991 et l’ouvrage de Jean-Luc Einaudi La Bataille de Paris, 17 octobre 1961, pour que le voile soit levé de façon décisive sur une violence instrumentalisée au plus haut sommet de l’État. Les prétoires furent aussi des lieux où la parole vint déliter un mensonge d’État, ébranlé par l’accumulation de témoignages, de travaux d’historiens… Du côté des acteurs algériens, le livre d’Ali Haroun sur la Fédération de France du FLN en 1986, a apporté d’autres éléments.
Le temps de l’occultation s’érode, des brèches sont ouvertes dans ce mur du silence.
Il faut saluer la probité d’un Pierre Bourdieu qui déclara : «J’ai maintes fois souhaité que la honte d’avoir été témoin impuissant d’une violence d’Etat haineuse et organisée puisse se transformer en honte collective.» L’eau a donc fini par user la pierre.
Plus que jamais, les revendications d’une reconnaissance des crimes de la police du sinistre Maurice Papon, actionné par les plus hautes sphères de la décision du régime gaulliste, sont d’actualité non seulement de la part des descendants des victimes de ces atrocités, mais aussi à la faveur d’une mobilisation citoyenne en France et en Algérie. Soixante ans après ces évènements tragiques, les chefs d’Etat français persistent dans une politique de dénégation qui exclut toute reconnaissance officielle. Pire, Macron remet même en cause l’existence de la nation algérienne avant la colonisation. N’est-ce pas là l’expression la plus abjecte du déni raciste ?
La France doit impérativement reconnaître et condamner les crimes commis contre des manifestants algériens pacifiques, mais aussi tous les crimes commis en Algérie depuis 1830.
Il importe de faire comprendre que les Algériens ne sauraient exister en dehors de l’histoire et du traitement des dossiers de la Mémoire qui ne sauraient faire l’objet d’aucune renonciation. C’est dans cet esprit que le président Tebboune a affirmé le «souci ferme de traiter les dossiers de l’Histoire et de la Mémoire, sans complaisances, ni compromissions et avec le sens aigu des responsabilités que requiert le traitement impartial et intègre, loin des engouements et de la prédominance de la pensée colonialiste arrogante sur des lobbies incapables de s’affranchir eux-mêmes de leur extrémisme chronique».
L’attachement de l’Algérie à l’exigence d’un règlement global du dossier mémoriel reposant sur la reconnaissance définitive, par la France, de ses crimes contre le peuple algérien est une position de principe qui fait l’unanimité auprès de la nation tout entière.
EL MOUDJAHID, 17/10/2021