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60e anniversaire des massacres du 17 octobre 1961 à Paris:Afin que nul n’oublie !
17 Octobre 2021
ll y a 60 ans, des Algériens étaient massacrés, le 17 octobre 1961 à Paris, par la police française au cours d’une manifestation pacifique, pour l’indépendance de l’Algérie en pleine guerre de Libération.
Ce jour-là, les Algériens de Paris et sa banlieue, hommes, femmes et enfants, avaient décidé de braver le couvre-feu appliqué uniquement aux Maghrébins. Préparée par la Fédération du Front de libération nationale de France, la manifestation pacifique a connu une répression des plus sanglantes au moment où des négociations entre le Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) et le gouvernement français se déroulaient en Suisse. Des milliers d’Algériens ont été tués et blessés, dont un nombre important a été jeté dans la Seine par la police française. Concernant ces crimes, la seule réaction officielle des gouvernements français qui se sont succédé a été celle du Président François Hollande, en 2012, qui a reconnu « avec lucidité », au nom de la République, la « sanglante répression au cours de laquelle ont été tués des Algériens qui manifestaient pour le droit à l’indépendance ». Une épuration ethnique Des chercheurs de l’université d’Oran spécialisés dans l’histoire de la glorieuse guerre de Libération considèrent que les massacres perpétrés par la police française contre une manifestation pacifique, le 17 octobre 1961 à Paris, est une « épuration ethnique » à l’encontre des Algériens.
A l’occasion du 60e anniversaire de ces massacres, M. Bendjebbour, du département d’histoire de l’université Oran 1 Ahmed-Ben- Bella, a souligné, à l’APS, que la police française, lors de sa répression sanglante des manifestations pacifiques organisées par des émigrés, a commis un véritable massacre considéré comme « un crime d’État et un crime contre l’humanité ». L’universitaire a indiqué que ces « manifestation pacifiques ont été organisées par la Fédération de France du Front de libération nationale pour protester contre le couvre-feu injuste décrété par les autorités françaises à compter du 6 juin 1961 contre les Algériens ».
Les organisateurs ne s’attendaient pas à ce que des manifestations pacifiques soient réprimées avec une telle violence. Le chercheur a relevé qu’après la désignation de « Maurice Papon comme préfet de police de Paris, il y a eu une mobilisation de plus de 7.000 policiers et 1.500 gendarmes pour réprimer les mouvements des émigrés, en plus d’autres éléments de différents dispositifsdes services de sécurité ». Des centaines de victimes De son côté, l’enseignante Hassam Soraya, de la même université, a indiqué que ce jourlà, plus de 60.000 Algériens, dont des femmes et des enfants, sont sortis dans les rues parisiennes, tous venus des banlieues de Paris, ignorant le sort funeste qui les attendait. Elle a indiqué que la police française, sur ordre du préfet de police Maurice Papon, a fermé les issues des stations de métro, notamment au niveau de la place de l’Opéra, lieu de rendez-vous des manifestants pour poursuivre leur marche de protestation dans les rues de Paris.
Les forces de police ont attaqué les manifestants usant de balles réelles, tuant des dizaines d’entre eux dans les rues, les stations de métro, et jetant dans la Seine des dizaines de manifestants, dont les corps flottaient à la surface de l’eau. Selon « les historiens et des témoins de ces atrocités, l’utilisation de la force par l police française a fait plus de 300 morts et plus de 1.000 blessés, en plus de l’arrestation de plus de 14.000 Algériens, a qui de graves supplices ont été infligés ayant entraîné la mort de plusieurs d’entre eux », a ajouté Mme Hassam.
La répression était des plus barbares, selon les historiens britanniques, Jim House et Neil McMaster, qui ont décrit dans leurs ouvrages Les Algériens et La République et la terreur de l’Etat, la violente répression que les Algériens ont subi le 17 octobre 1961, la décrivant comme « la plus violente répression contre une manifestation en Europe de l’ouest de l’histoire contemporaine ».
Les historiens ont souligné que ce massacre s’est déroulé sous un blocus médiatique, les journaux français du lendemain des massacres ayant seulement fait part de l’organisation de manifestations pacifiques par les Algériens sans rien divulguer sur la répression sanglante. Malgré l’embargo médiatique, le « 21 octobre, des étudiants et des professeurs de la Sorbonne se sont rassemblés pour dénoncer le couvre-feu imposé aux Algériens et la répression contre les manifestants », ont-ils rappelé, ajoutant que le « 23 du même mois, des manifestations en solidarité avec les Algériens, organisées par des étudiants français, ont sillonné le quartier latin et Montparnasse, en plein coeur de la capitale française ». Les chercheurs ont relevé que les « manifestations du 17 octobre 1961 sont l’une des étapes importantes dans l’histoire de la guerre de Libération nationale et font partie également des contributions de la communauté algérienne, qui a consenti de grands sacrifices pour l’indépendance de l’Algérie ». Ils ont également exigé que les centres des décisions français soient tenus politiquement et juridiquement responsables de crimes d’état perpétrés avec préméditation, exigeant des excuses officielles et le dédommagement des victimes et de leurs proches.
Rahima Rahmouni
Stora veut que la France reconnaisse « un crime d’État »
L’historien Benjamin Stora veut que la France reconnaisse le massacre des Algériens du 17 octobre 1961 comme une « tragédie inexcusable. Il y a une responsabilité de l’État », a-t-il déclaré ce 16 octobre sur les ondes de la radio Europe1.
Alors que le chef de l’état français s’apprêtait à commémorer la journée en déposant une gerbe de fleurs sur le pont de Bezons, à Paris l’historien Benjamin Stora auteur du rapport sur la mémoire, invité de Jean-Pierre Elkabbach, sur Europe 1, a appelé, lui, « à regarder en face la réalité de ce drame. Il faut que la France reconnaisse cette tragédie comme une tragédie inexcusable ». Le chef de l’état français se contentera de déposer sa gerbe de fleurs et d’observer la minute de silence. Un texte sera diffusé par la suite, selon l’ AFP qui devrait aller plus loin que les quelques mots de l’ancien Président François Hollande. On croit savoir que Emmanuel Macron devrait reconnaître « une vérité incontestable ».
Une « responsabilité de l’État français »
Le 17 octobre 1961, 30.000 Algériens étaient venus manifester pacifiquement à Paris, avant de subir une violente répression. Le bilan officiel de l’époque, 3 morts et une soixantaine de blessés, est très loin de la réalité selon les historiens, qui l’estiment aujourd’hui à au moins plusieurs dizaines de morts. Au total, quelque 12.000 manifestants avaient été arrêtés cette nuit-là. »Il y a une responsabilité de l’État, sous l’autorité de Maurice Papon », insiste l’historien, qui appelle dans les colonnes du journal français Libération à reconnaître les crimes du 17 octobre « comme un crime d’État. L’application de l’ordre qui a été mis en euvre l’a été sous la conduite du préfet de police de Paris ». Et Benjamin Stora, de poursuivre : « Quand on dit crime d’État, c’est aussi la possibilité d’identifier qui a fait cela ».
Une porte-parole de de Gaulle et une archiviste confirment
En 2017, Des notes de Louis Terrenoire, ministre français de l’Information et porteparole du général de Gaulle entre 1960 et 1962, ont été publiées par sa fille Marie- Odile Terrenoire dans un ouvrage intitulé Voyage intime au milieu de mémoires à vif. Selon Gilles Manceron, historien français spécialiste du colonialisme dans un texte publié sur MediaPart, ces témoignages montrent comment Michel Debré, alors Premier ministre hostile à la paix avec le Front de libération nationale (FLN) et partisan de « l’Algérie française », planifiait ce massacre depuis plusieurs mois pour « lancer une guerre à outrance contre la Fédération de France du FLN ». Feue Brigitte Lainé, l’archiviste qui a révélé les preuves du massacre du 17 octobre 1961, avait accepté de témoigner en faveur de l’historien Jean-Luc Einaudi dans son procès face au sanguinaire Maurice Papon. Son témoignage a été déterminant, il attestait de l’existence de preuves officielles du massacre. Elle a témoigné avec son collègue et ami Philippe Grand que les archives du parquet de Paris confirment la thèse de l’historien sur le massacre prémédité. Brigitte Lainé avait examiné les archives judiciaires de septembre à décembre 1961 et affirmé au procès que « 103 dossiers d’instruction concernant 130 personnes ont été ouverts et que 32 dossiers pour 44 décès ont été classés sans suite ». L’archiviste a aussi cité un réquisitoire définitif du 30 octobre, « relatif à la mort de 63 Nord-Africains, dont 26 n’ont pu être identifiés ». Elle avait expliqué que l’amnistie de 1962, a mis un point final à toutes les instructions encore en cours. Ce témoignage, corroboré par celui de Philippe Grand, permettent à l’historien de gagner son procès et de gagner son procès.
Chahine Astouati
Le Midi Libre, 17/10/2021