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«Je dois avouer que je ne cherche pas la vérité. J’ai reçu des ordres à cet effet. Ce qui compte : aboutir à des conclusions qui se tiennent. Peu importe leur véracité. Agadir, Mohammed Khaïr Eddine
La longue parenthèse du gouvernement islamiste a-t-elle été tournée par le Maroc ? La victoire du Rassemblement National des Indépendants (RNI) et en seconde position le Parti Authenticité et Modernité (PAM), deux partis politiques proches du Makhzen, et la cinglante défaite du parti islamiste PJD marquent un beau tournant pour le peuple marocain quoi que l’on puisse dire. La révolte de 2011 animée essentiellement par le Mouvement du 20 février avait obligé le Palais à composer une nouvelle Constitution et à laisser entrer au gouvernement les islamistes.
Le nouveau chef du gouvernement, Aziz Akhanouch, patron du RNI et milliardaire, présente un profil inédit. Il réunit toutes les qualités que recherche le roi : l’enracinement dans la berbérité et dans la gestion du pays profond puisqu’il a été ministre de l’Agriculture, dans la modernité en tant qu’homme d’affaires bien équipé pour gérer l’économie et surtout la loyauté à l’égard du monarque.
La question qui se pose est le genre d’explication à donner sur la sévère défaite des islamistes lors de ces dernières élections alors qu’ils dominaient l’arène politique nationale. Deux manières de voir les choses :
En 2011, avec la vague du « printemps arabe », l’appareil d’État a été obligé de faire monter au pouvoir la branche marocaine des Frères musulmans pour mieux la discréditer et l’anémier. C’est d’ailleurs ce qu’il avait fait avec l’USFP des années auparavant. Les islamistes ont été plus résistants que prévu. Il a fallu procéder par paliers et commencer par mettre sur la touche le premier Premier ministre islamiste, Abdellilah Benkiran. Après la mise à l’écart de ce dernier, le Palais a choisi un homme effacé et insignifiant en la personne de Saad Dine El Othmani. Ce dernier ne s’est jamais opposé au Makhzen y compris lorsque le Maroc a procédé à un échange d’ambassadeurs avec Israël. À partir du moment où ce parti n’exerçait aucune influence sur le cours des choses, même pas à travers la parole, il ne servait strictement à rien.
Les partis qui ont gagné sont très riches. Ils auraient acheté massivement des voix dans les zones rurales et dans les faubourgs des grandes villes. Une grande partie du peuple marocain vit dans une pauvreté extrême. Le patron du RNI est milliardaire. Le parti a tiré avantage de moyens de financement privé. Il n’est pas étonnant que les résultats aient été arrangés. Parce qu’il est surprenant de voir le PJD, qui n’a pas arrêté de progresser, s’effondrer brutalement. L’islamisme marocain, comme celui de l’Algérie voisine ou de la Tunisie, s’inscrit dans un phénomène politique et social de longue haleine. Qu’il puisse disparaître du jour au lendemain semble déconcertant.
Au Maroc, il est impossible de gouverner hors de la ligne fixée par le Palais. Ce dernier fixe la politique dans tous les domaines. C’est lui qui établit les plans et les projets. Et il tient fermement les ministères régaliens. Dans ces conditions, le gouvernement et le parlement n’exercent pratiquement aucune influence. Comme dans les autres pays du Maghreb, c’est le pouvoir qui décide de tout. Au Maroc, on observe aussi la disparition de tous les corps intermédiaires.
En plus, le roi s’est accaparé la direction de l’islam, il est le commandeur des croyants. La presse d’opposition n’existe quasiment plus. On n’entend plus parler de syndicats. Et toute la gauche a pratiquement disparu. Hassan II a mis en pratique cette culture politique du prince éclairé par ses conseillers qui décide pour toute la société. Il n’avait pas pu la mettre véritablement en pratique parce que les syndicats, les associations et les partis, nés dans la lutte pour l’indépendance, étaient encore puissants.
Aujourd’hui, le Maroc renoue avec l’idéal du bon roi et c’est sur Mohamed VI que retombe cette « bénédiction ».
Le Matin d’Algérie, 17/10/2021