M. Amrani devra relever le défi d’apaiser les tensions entre le Maroc et Bruxelles, notamment en ce qui concerne la question de l’immigration.
RABAT–Le roi du Maroc Mohammed VI a nommé deux nouveaux ambassadeurs en France et dans l’Union européenne (UE), dans un geste qui vise à aborder les questions en suspens et à apaiser les tensions entre Rabat et Bruxelles sur un certain nombre de dossiers, y compris la migration, la crise avec l’Espagne, et la décision de la Cour européenne de justice d’annuler l’accord de libre-échange pour les produits agricoles et de la pêche avec le Maroc.
Le roi a nommé Mohammed Benchaaboun ambassadeur auprès de la France et Youssef Amrani ambassadeur auprès de l’UE, dans une décision annoncée dans un communiqué à l’issue d’un conseil ministériel présidé par le roi Mohammed VI à Fès.
Benchaaboun a été PDG de la banque BCP, l’un des plus grands prêteurs du Maroc, et en 2018, il a été nommé ministre des finances. Au cours des deux dernières années, il s’est distingué par ses bonnes performances dans la lutte contre les répercussions de la pandémie de Covid-19, son département apparaissant comme l’un des ministères les plus performants pour atténuer, contenir les répercussions de la pandémie et préparer le terrain pour un rebond.
M. Benchaaboun s’efforcera probablement de résoudre les problèmes insolubles des relations entre Paris et Rabat, notamment à l’approche des élections présidentielles françaises et des défis qu’elles posent en matière d’économie, de commerce et d’une éventuelle exploitation de certains dossiers sensibles à des fins électorales.
Mohamed Al-Tayyar, chercheur en études politiques et sécuritaires, a déclaré que « la nomination de Benchaaboun au poste d’ambassadeur à Paris intervient dans un contexte où les relations entre le Maroc et la France sont devenues particulièrement froides, notamment suite à la campagne médiatique française qui a accusé le Maroc d’espionnage, ainsi qu’à la décision française de réduire les visas accordés aux Marocains. »
Le ministre marocain des Affaires étrangères, Nasser Bourita, avait condamné comme « injustifiée » la décision de la France de réduire le nombre de visas délivrés aux personnes d’Afrique du Nord. »
« La décision [de la France] est souveraine. Le Maroc va l’étudier, mais les raisons invoquées pour la justifier nécessitent une explication et un dialogue, car elles ne reflètent pas la réalité », avait-il déclaré fin septembre.
Dans une déclaration à The Arab Weekly, Tayyar a expliqué que « la récente nomination prend en considération les antécédents économiques et la vaste expérience de Benchaaboun, car la France est l’un des principaux partenaires commerciaux du Royaume, et elle compte une grande communauté marocaine par rapport à d’autres pays européens. »
Tayyar a indiqué que « le nouvel ambassadeur, de par son expérience, œuvrera à la diversification et au développement du partenariat économique avec Paris, dans un sens qui rompt avec l’approche de chantage que la France poursuivait dans sa relation avec le Maroc, en exploitant le dossier du Sahara marocain. »
Amrani, le nouvel ambassadeur du Maroc auprès de l’UE, est un initié du ministère marocain des affaires étrangères. Il a occupé plusieurs postes, dont celui d’ambassadeur de Rabat en Afrique du Sud depuis 2019.
Amrani, qui a rejoint le ministère marocain des Affaires étrangères en 1978, a également occupé plusieurs postes, dont celui de secrétaire d’État chargé de l’Union du Maghreb entre 1989 et 1992 et de consul général à Barcelone entre 1992 et 1996.
Il a également été ambassadeur du Maroc en Colombie, au Chili et au Mexique.
Tayyar estime que « la nomination d’Amrani comme ambassadeur auprès de l’Union européenne intervient dans un climat tendu qui a marqué les relations entre Rabat et Bruxelles, après que l’Union européenne s’est rangée du côté de l’Espagne dans son différend avec le Maroc. »
Parmi les dossiers sur lesquels les deux nouveaux ambassadeurs travailleront figure le dossier économique, qui prévoit d’évaluer les échanges commerciaux entre l’Union européenne et le Maroc, d’attirer de nouveaux investissements, ainsi que de résoudre le problème de l’immigration avec l’Europe.
Amrani devra relever le défi d’apaiser les tensions entre Rabat et Bruxelles, notamment en ce qui concerne la question de l’immigration et les répercussions de la crise avec l’Espagne, ainsi que la décision de la Cour européenne de justice.
Les relations maroco-européennes recevront probablement une attention particulière de la part du nouvel ambassadeur t en raison des efforts du gouvernement espagnol pour impliquer l’Union dans la crise bilatérale avec le Maroc.
« La nomination d’Amrani, qui a une expérience exceptionnelle dans le travail diplomatique et a précédemment occupé de nombreux postes diplomatiques, aura un bon impact sur les relations de Rabat avec Bruxelles, et œuvrera à surmonter cette étape critique pour des relations équilibrées basées sur le respect de la souveraineté du Maroc », a déclaré Tayyar.
Mohamed Alaoui
The Arab Weekly, 19/10/2021