Maroc 1912 : Protectorat français et prostitution organisée. A Casablanca, un aventurier français qui suivait les premiers régiments confiés à Lyautey y édifia une maison où des prostituées françaises et marocaines fraternisaient. Il s’appelait Prosper et dont les autochtones ont fait Bousbir.
A Casablanca, un aventurier français qui suivait les premiers régiments confiés à Lyautey y édifia une maison où des prostituées françaises et marocaines fraternisaient. Il s’appelait Prosper et dont les autochtones ont fait Bousbir.
Ce quartier sordide, sans eau, lamentable, où les rixes éclataient à chaque ruelle mal éclairée, asile des chiens errants, était une honte pour la cité. Les maladies vénériennes s’y développaient. Nombre de soldats étaient atteints par cette calamité. L’autorité occupante se demandait s’il fallait interdire la prostitution. Elle deviendrait clandestine et plus redoutable. Mieux valait circonscrire le mal. Et pour ce faire, on décida la construction d’un quartier spécial, pourvu d’un dispensaire modèle, où l’on soignerait les malades.
Un certain M. Bouquet, qui représente Les Mines de Lens, obtint la concession et la mit en valeur grâce au financement des travaux par l’intermédiaire de « La Cressonnière », filiale de l’entreprise française qui se chargea de l’ensemble des travaux à réaliser et comprenant entre autres maisons, cafés, salles de danse, boutiques et hammam ; le tout alimenté en eau potable et ceinturé d’un mur. L’entreprise devint vite prospère sous le nom de La Cressonnière.
Un nouveau Bousbir, aux avenues plantées d’arbres, égayé par des restaurants, cafés, lieux d’amusement et de commerce, vit le jour. Un poste de police en garde l’accès en permanence.
Ce quartier réservé, moderne et mieux loti, présentait de curieux spectacles agrémentés de musiques expressives qui forment un fond de décor, créant une atmosphère d’antichambre d’un harem à grande échelle : cet espace étonnant constituait aussi un lieu de promenade où les jeunes femmes blanches, brunes ou noires de toutes religions, vêtues en caftan ou couvertes d’une chemise, s’emparent des mains des curieux pour faire tâter des seins ou les parties charnues des corps. Une odeur de jasmin et de musc envahit l’atmosphère de ce lieu à la vie truculente.
Les pensionnaires de cette cité étrange se mettent au service d’une patronne, avec qui elles partagent leur gain ou exercent pour leur propre compte. Elles subissent une visite médicale bihebdomadaire et à chaque fois on leur impose douche et injection.
La maison de rendez-vous attirée est celle de Madame Espéron dont le nom évoque tout un programme. Elle héberge uniquement les françaises.
Toutefois, Bousbir La Cressonnière possède une sultane. Celle qui possède ce titre envié fut d’abord Zohra bent Abdelkrim. Elle prétendait avoir été la maîtresse du Maréchal Lyautey, ce qui serait surprenant. Mais ce qui était certain, c’est que des officiers français lui écrivaient des lettres enflammées et lui offraient leurs photos avec des dédicaces éperdues. Belle à ravir, des généraux se rendaient auprès d’elle en catimini. Elle formait aux jeux de l’amour des fillettes qui recevaient ses leçons avec recueillement. En fin de compte, elle fit un beau mariage et mourut.
Archéia, son élève, lui succéda. C’est une berbère d’Amzmiz, village de l’Atlas au sud de Marrakech, célèbre pour la beauté de ses femmes.
Petite, brune, élégante, Archéia est une jolie fille à la chair ambrée. Elle s’habille volontiers avec goût à l’européenne et était une ‘fashion victime’ de la mode parisienne. On dirigea vers elle les visiteurs de marque. Elle reçut André Maginot, ancien ministre français de la guerre et pleura chaudement sa disparition car il l’avait toujours traitée avec égard et respect. Des larmes perlaient à ses yeux dés l’évocation de l’illustre personnage ; et d’une voix douce et rauque, dans un français sans accent elle vous lancait : « Ce galant homme fut un homme galant ».
La Cressonnière, ce ‘bousbir venussien’, fonctionna sans encombre jusqu’à l’indépendance du Maroc, et ce pour disparaître à jamais….
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