Fermeture du gazoduc: Grosses pertes pour le Maroc

Fermeture du gazoduc: Grosses pertes pour le Maroc – Les difficultés marocaines et les bons offices espagnols

Après la rupture des relations algéro-marocaines et la décision de fermeture par Alger du gazoduc Maghreb-Europe (GME), des indications persistantes font état de probables discussions algéro-espagnoles sur la possibilité pour l’Espagne d’approvisionner en gaz algérien le Maroc qui sera confronté à de sérieuses difficultés en fourniture énergétique. La proposition de Madrid, si elle est confirmée, sera la partie la plus difficile des tractations qu’aura à mener la ministre espagnole de la Transition écologique, en visite hier à Alger.

Par Hakim Ould Mohamed
Teresa Ribera s’est en effet rendue, hier, à Alger, pour discuter avec les autorités algériennes au sujet de la fermeture du gazoduc Maghreb-Europe (GME), qui relie l’Algérie à l’Espagne via le Maroc.
Alger a décidé, mardi, de suspendre totalement les livraisons de son gaz à l’Espagne par le GME et de ne pas renouveler son contrat gazier avec le Maroc, qui court jusqu’au 31 octobre. Peu avant cet épisode, l’Algérie a décidé de rompre ses relations diplomatiques avec le Maroc, pris en flagrant délit d’espionnage et de jeux géopolitiques contre les intérêts de l’Algérie. Cela a été suivi par la fermeture de l’espace aérien aux avions marocains, avant que l’Algérie décide de rompre le contrat gazier avec le Maroc, vieux de 25 ans.

Pour ses livraisons de gaz naturel à destination des pays de la péninsule Ibérique, l’Algérie a opté pour le Medgaz en plus du transport maritime afin de remplir le volume prévu par le contrat gazier avec l’Espagne. L’Algérie a maintes fois rassuré ses clients espagnols quant à sa capacité de remplir son contrat au moyen du Medgaz, renforcé par les méthaniers de Sonatrach. Cependant, le gouvernement espagnol revient à la charge en dépêchant, à Alger, sa ministre de la Transition énergétique en vue de s’assurer que l’Algérie allait acheminer à destination de la péninsule Ibérique la même quantité de gaz assurée par le GME.

Cette situation a également conduit Rabat à chercher une alternative à la décision d’Alger de fermer le GME en négociant avec Madrid la possibilité d’utiliser le GME dans le sens inverse, à savoir l’alimentation du Royaume en gaz algérien depuis l’Espagne en utilisant le GME. Une option inenvisageable d’après certains experts, dont Saïd Beghoul, qui estime que «l’Algérie doit demander à l’Espagne le respect de la clause de destination» de son gaz. C’est-à-dire que le gaz algérien acheminé par le Medgaz et les méthaniers est destiné uniquement à l’approvisionnement de l’Espagne et du Portugal et qu’il est hors de question d’alimenter d’autres pays en utilisant le gazoduc GME. Ce dernier, long de 1 400 kilomètres, inauguré en 1996, a été conçu pour l’alimentation en gaz naturel de l’Espagne en parcourant le territoire marocain en contrepartie d’un droit de passage et d’une quantité de gaz cédée au Maroc à un prix préférentiel. Sa capacité annuelle est de 13,5 milliards de mètres cubes.

En revanche, le Medgaz transporte actuellement 8 milliards de mètres cubes.

Grosses pertes pour le Maroc
L’Algérie œuvre actuellement à porter les capacités du Medgaz à 10 milliards de mètres cubes dès novembre. L’arrêt des livraisons du gaz naturel à l’Espagne au moyen du GME occasionnera, à coup sûr, d’importantes pertes et dommages au Maroc qui encaisse annuellement environ 500 000 euros en «droits de passage». Le Maroc est également alimenté à hauteur de 800 millions de mètres cubes par an de gaz à un prix stable. Ce gaz est utilisé pour alimenter les centrales à cycle combiné de Tahaddart (dans la région de Tanger) et d’Aïn Beni Mathar (à Oujda, dans l’est du pays). Les deux centrales, gérées par des entreprises espagnoles, couvrent environ 10 % de la production électrique marocaine.

Selon le journal El Pais, en plus des discussions qui porteraient sur la sécurisation des approvisionnements de l’Espagne en gaz, la ministre espagnole de la Transition énergétique, Teresa Ribera, devrait aborder avec les autorités algériennes la question de l’alimentation du Maroc en gaz à partir de l’Espagne. Sur la question de l’approvisionnement de l’Espagne en gaz algérien, Alger a maintes fois assuré que l’alimentation du royaume ibérique est garantie et que l’Algérie s’engage à acheminer les mêmes quantités que celles garanties par le GME.

Des sources citées par El Pais reconnaissent qu’il est difficile d’empêcher l’Algérie de revenir sur sa décision de fermer le robinet du GME. Cependant, sur l’éventualité que le gazoduc GME soit utilisé dans la direction opposée, en alimentant le Maroc depuis l’Espagne, les sources d’El Pais soutiennent qu’il s’agit plutôt de la partie la plus difficile des questions que Madrid entend aborder avec Alger. «Le Maroc pourrait demander à l’Espagne d’envoyer du gaz par le gazoduc GME dans le sens inverse. Mais nous ne savons pas comment l’Algérie réagira si l’Espagne accepte de le faire», a indiqué une source du gouvernement espagnol cité par le journal El Pais. «Il s’agit précisément de l’une des questions que Ribera envisage d’aborder lors de sa visite à Alger», poursuit la même source.

Il est pour le moins difficile de croire qu’Alger puisse accéder à la demande de l’Espagne d’utiliser le GME dans le sens inverse pour alimenter le Maroc en gaz algérien. Notamment après que Alger ait décidé de ne pas renouveler son contrat gazier avec le Maroc. D’autant plus que, selon l’expert des questions énergétiques, Saïd Beghoul, il y aurait une clause dite de «destination» dont l’Algérie doit exiger le respect à son partenaire espagnol.

Reporters, 28/10/2021

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