Maroc : Un hiver rude attend le Makhzen – L’Algérie met fin aux exportations du gaz à l’Espagne via le royaume alaouite.
Comme attendu, le président de la république, Abdelmadjid Tebboune, a ordonné dimanche 31 octobre 2021 la cessation des relations commerciales entre le groupe pétrolier algérien Sonatrach et l’Office marocain de l’électricité et de l’eau (OMEE) qui se traduit par le non renouvellement de l’accord des exportations du gaz à l’Espagne via le royaume alaouite.
Le contrat auquel fait référence le chef de l’Etat a été signé fin juillet 2011 et stipulait alors la vente de 640 millions de m3 de gaz naturel annuellement au Maroc sur une période de dix ans. Ces quantités ont été exportées via le GME (gazoduc Maghreb Europe). Les 640 millions de m3 s’ajoutaient aussi aux quantités de gaz naturel dont bénéficiait le Maroc en échange du transit, sur son sol, du gaz naturel exporté vers l’Espagne et le Portugal via le GME.
Ainsi, à partir de ce 1er novembre 2021, aucun mètre cube de gaz algérien ne transitera par le Maroc, à travers le GME.
En 2019, soit un an avant l’effondrement de l’économie mondiale suite à la pandémie du covid-19, le Maroc avait importé un peu plus de un milliards de mètre cubes de gaz naturel algérien. Ces quantités ont été fournies en contrepartie des redevances GME et en vente contractuel.
Cependant, suite aux décisions prises par le gouvernement algérien, le makhzen se retrouve, désormais, contraint d’acheter au moins un milliard de m3 de gaz naturel ailleurs qu’en Algérie à partir de ce 1er novembre . Les besoins du marché marocain en gaz naturel en 2025 sont estimés à 1,1 milliard de mètres cubes dont 0,6 milliard pour l’industrie. Or, le Maroc ne dispose pas d’infrastructures de regazéification pour pouvoir importer directement du GNL (gaz naturel liquéfié).
Le projet de construction d’une unité de regazéification lancé par Rabat est toujours au stade de l’avis d’appel d’offre international. Le 23 mars 2021, le ministère de l’Energie marocain avait lancé un appel à manifestation d’intérêt pour la construction et l’exploitation d’une unité flottante, de stockage et de regazéification du gaz naturel liquéfié (FSRU). Le 15 octobre dernier, le ministère vient d’annoncer une prolongation de la durée de l’appel d’offres faute de soumissionnaires.
Pour remédier au déficit en énergie auquel il est exposé, le makhzen explore la possibilité d’importer du GNL, de le transformer en gaz dans les installations en Espagne et ensuite l’acheminer vers le Maroc via le GME. Mais cette solution serait très couteuse, selon des experts car sur le marché spot (libre) du GNL, les prix sont trois fois supérieurs au gaz naturel exporté par gazoduc. En plus, il faudrait rajouter les coûts de regazéification à payer aux usines espagnoles.
Cette option serait difficilement envisageable mais le makhzen est dans l’obligation de trouver quelque 1000 MW de puissance électrique produite à partir du gaz naturel pour ne pas sombrer cet hiver dans une grave crise énergétique.
Il lui reste alors une autre option, celle d’acheter de l’électricité à partir d’Espagne. Les deux pays ont une interconnexion électrique sous-marine.
Toutefois, cette seconde variante serait elle aussi budgétivore que le GNL compte tenu du fait que les prix de l’électricité ont quintuplé en Europe. En parallèle, l’Espagne négocie l’achat de quantités supplémentaires de gaz algérien pour faire faire à la demande croissante en hiver.
Auparavant, l’office marocain de l’électricité et de l’eau s’adressait à Sonelgaz pour importer de l’électricité pour combler ses besoins. Ce qui n’est plus possible désormais en raison des directives du Président algérien de ne plus renouveler les contrats commerciaux avec les entreprises marocaines.
En tout état de cause, si au Maroc on se focalise sur le gaz naturel, c’est pour bien occulter d’autres difficultés qui risqueraient fort de s’aggraver dans le cas où l’hiver sera rude notamment pour ce qui est du charbon.
Plus de 67% de l’électricité du Maroc est produite à partir du charbon. Le pays importe annuellement plus de 8,5 millions de tonnes de charbon pour produire de l’électricité. Depuis le début de l’année 2021, le prix d’une tonne de charbon a triplé passant de 50 dollars en 2020 à plus de 140 dollars actuellement sur le marché australien.
Cela d’autant qu’il est de plus en plus difficile de trouver ce combustible sur le marché international en raison d’une très forte demande en Chine.
Le makhzen ne peut pas se permettre le luxe de ne pas trouver le millier de MW qui va manquer en raison de l’arrêt des approvisionnements en gaz naturel depuis l’Algérie. Le fonds monétaire international (FMI) a indiqué dans un rapport le 21 octobre dernier que l’envolée des prix du gaz naturel a des répercussions sur les marchés mondiaux de l’énergie ainsi que sur d’autres secteurs économiques, depuis la production industrielle jusqu’à la distribution de services. Ces hausses vont conduire à une grogne sociale au Royaume dont la population est fortement accablée par la hausse des prix et le chômage notamment dans les provinces orientales qui vivaient du commerce frontalier avec l’Algérie.
Au Maroc, le prix de l’électricité coûte déjà trois plus chère qu’en Algérie . Ces derniers mois, des dizaines de milliers de marocains ont protestés contre la forte hausse des factures d’électricité. En attendant un hiver qui risquerait fort d’être rude pour la majorité des marocains, le déficit commerciale de ce pays affiche déjà plus de 15 milliards de dollars à la fin du mois d’août passé.
Par Réda. C
Le Jeune Indépendant, 02/11/2021